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CRITIQUES DE CONCERTS |
05 octobre 2024 |
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Missa solemnis de Beethoven par les Choeurs de Radio France et l'Orchestre national de France sous la direction de Kurt Masur au Théâtre des Champs-Élysées, Paris.
Plaidoyer pour la ferveur
Rare dans les salles car d'une difficulté à peine surmontable, la Missa solemnis a trouvé en Kurt Masur l'un de ses plus ardents défenseurs. À la tête de Choeurs de Radio France et d'un ONF admirablement préparés, le chef allemand, servi par un quatuor de solistes des plus engagés, fait du chef-d'oeuvre sacré de Beethoven un plaidoyer pour la ferveur.
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Il est rassurant, à notre époque où le calcul, l'exactitude scientifique sont en passe de contaminer jusqu'aux zones les plus enfouies du domaine artistique, de constater qu'il est encore possible de vivre au concert une Missa solemnis traversée de bout en bout par la ferveur. Car la vie musicale s'est aujourd'hui plutôt orientrée vers des rendus sonores léchés et impeccables, une plastique chorale flatteuse, le plus souvent au détriment même de la force du message religieux.
Sans jamais prétendre à la perfection formelle dans l'air du temps, le Beethoven de Kurt Masur bénéficie d'une hauteur de vue, d'une maîtrise de la macrostructure toujours au service de la piété et des violentes poussées de religiosité d'un compositeur misanthrope. Voilà donc une Missa solemnis constamment attentive à avancer, à exalter avec poigne le texte si rebattu de l'ordinaire, à propulser les phrases – un Kyrie, un Sanctus, un Agnus Dei très allants, un Credo sans le moindre attardement central – et surtout, à chanter sa foi.
On ne peut d'ailleurs que saluer la préparation des pléthoriques Choeurs de Radio France, d'une précision, d'une qualité sonore tout à fait admirables, et dont la centaine d'intervenants a été très judicieusement renforcée d'une quarantaine de voix d'enfants de la Maîtrise, apportant un surcroît d'harmoniques à des voix aiguës très sollicitées.
On pourrait bien émettre quelques réserves sur la gestique parfois confuse et imprévisible de Masur, occasionnant certains moments de flou rythmique ; sur des trombones et timbales un rien sous l'étouffoir ; sur une certaine raideur passagère, dans le Benedictus principalement, et malgré le violon solo très soigné de Luc Héry ; sur certains épisodes terminaux dont le tempo pourrait décoller plus – fin du Gloria, Et vitam venturi saeculi du Credo. Mais l'humanité, les allures de fresque de cette Missa solemnis emportent d'autant plus l'adhésion que le quatuor de solistes, pourtant très disparate, s'insére à merveille dans l'optique du chef.
Elina Garanča, suprĂŞmement Ă©lĂ©gante, offre une opulence vocale sans limites, oĂą chaque phrase semble portĂ©e par un souffle et une gĂ©nĂ©rositĂ© charnelles. On ne pouvait faire plus radical contraste que le soprano Ă©thĂ©rĂ© d'Anne Schwanewilms, miracle d'instrumentalitĂ© dans un aigu non vibrĂ©, mĂŞlĂ© jusqu'Ă l'osmose aux sonoritĂ©s de l'orchestre et du choeur. Pourtant, pas une voyelle vraiment dĂ©finie, pas une phrase qui respire l'aisance technique, mais au final, une fragilitĂ© et une dĂ©votion bouleversantes.
Le tout jeune ténor Pavol Breslik, très clair, au vibrato ardent, à l'émission parfois ouverte, pourrait gagner en rondeur, comme tant de voix des écoles de l'est. Enfin, à l'opposé, le guère moins jeune Hanno Müller-Brachmann semble définitivement égaré dans une émission terriblement sombrée et grossie, qui lui donne les intonations d'une basse quinquagénaire poussive mais sonore, et prive sa ligne de tout legato.
Mais tous chantent comme si leur vie en dépendait, avec une présence, un engagement et une ferveur salutaires, au diapason du magnifique héraut beethovénien Kurt Masur.
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Théâtre des Champs-Élysées, Paris Le 05/05/2006 Yannick MILLON |
| Missa solemnis de Beethoven par les Choeurs de Radio France et l'Orchestre national de France sous la direction de Kurt Masur au Théâtre des Champs-Élysées, Paris. | Ludwig van Beethoven (1770-1827)
Missa solemnis en ré majeur, op. 123 (1824)
Anne Schwanewilms, soprano
Elina Garanča, mezzo-soprano
Pavol Breslik, ténor
Hanno MĂĽller-Brachmann, basse
Maîtrise de Radio France
direction : Toni Ramon
Choeurs de Radio France
direction : Matthias Brauer
Orchestre national de France
direction : Kurt Masur | |
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