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CRITIQUES DE CONCERTS 11 octobre 2024

Reprise des Maîtres chanteurs de Wagner dans la mise en scène de Nicolas Joel et sous la direction de Pinchas Steinberg au Théâtre du Capitole, Toulouse.

Wagner à pleins poumons
© Patrice Nin

Alan Titus (Hans Sachs) et Eike Wilm Schulte (Beckmeseer).

Alors que la tendance est assez nettement aux voix légères dans la plupart des théâtres lyriques, le Capitole de Toulouse propose une reprise des Maîtres chanteurs dans la production de Nicolas Joel, où une distribution qui a les moyens de ses ambitions défend brillamment un Wagner chanté à pleins poumons.
 

Théâtre du Capitole, Toulouse
Le 07/06/2006
Yannick MILLON
 



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  • Loin de l'expérimentation scénique de Gerard Mortier à Paris, Nicolas Joel joue à Toulouse de ficelles nettement plus traditionnelles, mais peut-être aussi plus fiables. Et si à l'évidence sa vision des Maîtres chanteurs ne révolutionnera pas l'histoire de la mise en scène lyrique, du moins s'avère-t-elle d'un rare professionnalisme, d'une totale adéquation avec le livret de Wagner, et toujours dotée d'une direction d'acteurs parfaitement vivante.

    Surtout, le Théâtre du Capitole ne sacrifie pas les distributions aux fantasmes des metteurs en scène, dont certains confieront bientôt Brünnhilde à un soprano léger. Alors qu'aujourd'hui dans la plupart des maisons d'opéra, des chanteurs surdistribués peinent à se faire entendre, on chante à Toulouse avec de vrais moyens.

    On saluera en premier lieu la solidité à toute épreuve – et jusqu'au monologue terminal – du Sachs d'Alan Titus. Émission parfois nasale mais timbre exempt de toute dureté et chant jamais vociféré, l'Américain campe un cordonnier bougon dont le pragmatisme et l'ouverture d'esprit irradient à chaque intervention.

    John Treleaven (Walther) et Rainer Trost (David) / © Patrice Nin

    Autre triomphateur de la soirée, Rainer Trost est un David adolescent et débordant d'enthousiasme, qui joue son numéro en scène comme d'autres respirent, avec ce brin de naïveté qui en fait un personnage pur. Et quand bien même le timbre pourrait déployer davantage de rayonnement, sa fébrilité qui est bien celle d'un apprenti ne lui confère que plus de sympathie. De même, Beckmesser a trouvé en Eike Wilm Schulte un interprète truculent, dont l'art du dire, la netteté de l'articulation, le jeu sur les consonnes, le timbre bouffe font des miracles. Et quelle assurance dans ce la aigu chanté à pleine voix et jusqu'à son terme avec une rare santé !

    Kurt Rydl a le timbre trop noir et charbonneux pour la noblesse de Pogner, et le vibrato connaît aujourd'hui des abîmes de largesse, mais du moins ne peut-on pas lui contester une certaine autorité paternelle. Anja Harteros chante Eva avec le même engagement mais aussi la même dureté qu'à la Bastille il y a trois ans. On sent pourtant parfois, dans la nuance piano, l'ébauche d'une lumière dont est totalement dépourvue la Lene d'Yvonne Wiedstrück, qui ne connaît d'autre ressort expressif que le cri.

    Mais finalement, le seul point vraiment problématique de la distribution reste le Walther hurlant de John Treleaven. Dans cet emploi de gentilhomme que doivent traverser la jeunesse et le charme d'un grand lyrique à l'italienne, le ténor britannique offre des sommets d'ingratitude de timbre, où chaque son est immanquablement poussé, avec de brutales manières de Heldentenor, malgré une endurance impressionnante.

    Une direction (trop ?) robuste

    À leur décharge à tous, on notera que dans la fosse, le fringant Pinchas Steinberg a tendance à trop lâcher la bride de la dynamique. Son geste dru, robuste, ne connaît ni apaisement ni nuance avant le III, qui prend enfin le temps de respirer. Une direction qui à trop vouloir éviter la monotonie, la provoque par excès de tonitruance, en sacrifiant maintes atmosphères chambristes et plages de détente – la frénésie vite fatigante du I.

    Pourtant, l'Orchestre du Capitole est éblouissant. Cordes virevoltantes, bois soignés, cuivres fiables : on comprend que la phalange toulousaine soit la seule formation française à s'être assuré une carrière discographique digne de ce nom. On n'oubliera pas non plus les choeurs percutants, tout à fait idiomatiques de Patrick Marie Aubert, qui s'est adjoint les services du grand Norbert Balatsch, chef des choeurs à Bayreuth entre 1972 et 1999.

    Au-delà de réserves inévitables face à une partition presque impossible à distribuer correctement, l'impression d'ensemble reste celle d'une production des plus cohérentes, où chaque chanteur a l'envergure requise, où chacun y va de son enthousiasme et de son énergie pour apporter sa pierre à l'édifice.

    Et la joie débordante, la vigueur de chaque instant s'avèrent parfaitement adaptées à cette « folle journée Â» wagnérienne qui s'achève à minuit pile sur une péroraison grandiose, digne des plus grands théâtres lyriques.




    Théâtre du Capitole, Toulouse
    Le 07/06/2006
    Yannick MILLON

    Reprise des Maîtres chanteurs de Wagner dans la mise en scène de Nicolas Joel et sous la direction de Pinchas Steinberg au Théâtre du Capitole, Toulouse.
    Richard Wagner (1813-1883)
    Die Meistersinger von Nürnberg, opéra en trois actes (1868)
    Livret du compositeur

    Choeurs et Orchestre national du Capitole de Toulouse
    direction : Pinchas Steinberg
    mise en scène : Nicolas Joel
    décors : Jean-Marc Stehlé et Antoine Fontaine
    costumes : Gérard Audier
    éclairages : Vincio Cheli
    préparation des choeurs : Patrick Marie Aubert

    Avec :
    Alan Titus (Hans Sachs), John Treleaven (Walther von Stolzing), Kurt Rydl (Veit Pogner), Rainer Trost (David), Christer Bladin (Kunz Vogelgesang), Michael Nelle (Konrad Nachtigall), Eike Wilm Schulte (Sixtus Beckmesser), Robert Bork (Fritz Kothner), Kenneth Garrison (Balthasar Zorn), Martin Mühle (Ulrich Eisslinger), James Anderson (Augustin Moser), Hector Guedes (Hermann Ortel), Scott Wilde (Hans Schwartz / un veilleur de nuit), Meik Schwalm (Hans Foltz), Anja Harteros (Eva), Yvonne Wiedstrück (Magdalena).

     


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