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CRITIQUES DE CONCERTS |
11 décembre 2024 |
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Version de concert de Sémélé de Marin Marais sous la direction d'Hervé Niquet au festival de Beaune 2006.
Tellurique Sémélé
Comme en prélude aux Grandes journées du Centre de Musique Baroque de Versailles, le Festival de Beaune célébrait Marin Marais, né cent ans avant Mozart, avec la recréation de Sémélé, dont l'échec incita le compositeur à abandonner le théâtre. Malgré de nombreuses coupures, Hervé Niquet exalte la puissance descriptive de cette tragédie de la jalousie divine.
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La redécouverte de la tragédie lyrique post-lulliste, et souvent même pré-ramiste, d'abord timide, semble désormais en bonne voie. De Marin Marais, seule Alcyone avait connu les honneurs de la scène moderne. Sémélé, dont l'échec incita aussi bien le compositeur que son librettiste Antoine Houdar de la Motte à abandonner le genre de la tragédie lyrique, renaît aujourd'hui grâce aux efforts conjugués d'Ivan Alexandre et Anne Blanchard, directrice artistique du Festival de Beaune, dans une reconstitution de Gérard Geay, musicologue attaché au Centre de Musique Baroque de Versailles.
N'était sa continuité dramatique, la version présentée à Beaune ferait davantage figure de brillante sélection que d'intégrale : deux heures à peine pour une tragédie lyrique, même amputée de son prologue, cela reste un peu court. Mais c'est avant tout la puissance descriptive de l'oeuvre qu'Hervé Niquet s'applique à exalter. Outre le tremblement de terre, frère de la fameuse tempête d'Alcyone, l'invention orchestrale de Marin Marais, déjà goûtée dans la scène des furies du premier acte, atteint son apogée dans la chaconne étincelante du deuxième acte et la scène infernale du troisième. Et le dénouement, où Jupiter sauve Sémélé des flammes qu'elle avait elle-même suscitées, sur les fourbes conseils de la jalouse Junon, est proprement fulgurant.
Hervé Niquet prend la partition à bras le corps, et la parcourt d'un souffle dévastateur, sans doute plus propice au déploiement d'un phrasé vigoureux qu'à une minutieuse revue de détails. Le Concert Spirituel se révèle dès lors instrument dense et urgent, soutenu par les clavecins virtuoses de Sébastien d'Hérin et Elisabeth Geiger.
Et la distribution se fait le parfait relais de cet élan pour ainsi dire tellurique, sans doute plus satisfaisante sur le plan stylistique que strictement vocal. Ainsi, la Sémélé de Blandine Staskiewicz, intelligemment caractérisée, manque de définition dans la couleur pour pleinement convaincre dans un répertoire où la concentration du timbre est indissociable de l'intelligibilité. Le dessus de Hjördis Thébault possède en revanche toute l'aigreur qui convient à Junon, à quelques graves près. Et la Dorine de Bénédicte Tauran, sans rien d'inoubliable dans la voix, est d'une conduite, d'une vivacité admirables.
Parfait diseur, chanteur, Stephen Mc Leod n'en accuse pas moins une certaine neutralité en Mercure, rôle pourtant béni, quand Marc Labonnette affiche une santé souveraine en Cadmus. Un peu tiraillé par la haute-contre d'Adraste, Emiliano Gonzalez-Toro est toujours exceptionnel de timbre et d'investissement. Et Thomas Dolié, dont la voix mûrit superbement, fait un Jupiter dont l'ardeur n'exclut pas la noblesse.
Par bonheur, cette résurrection ne sera pas, comme bien d'autres, sans lendemain, puisque les curieux de Sémélé pourront se retrouver le 12 juillet au Festival de Montpellier ou le 23 octobre au Théâtre des Champs-Élysées de Paris, avant la recréation scénique de l'oeuvre, confiée à la même équipe, à l'Opéra de Montpellier en février 2007, ou encore au Festival de Sablé, où Philippe Pierlot dirigera son Ricercar Consort et une distribution non moins alléchante que celle d'Hervé Niquet dès le 26 août.
Quant aux amoureux de Marin Marais, les Grandes Journées du CMBV leur permettront de découvrir Alcide ou le Triomphe d'Hercule, première tragédie lyrique du compositeur, écrite en collaboration avec le fils de Lully.
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