altamusica
 
       aide
















 

 

Pour recevoir notre bulletin régulier,
saisissez votre e-mail :

 
désinscription




CRITIQUES DE CONCERTS 09 décembre 2024

Trois concerts de musique de chambre des solistes de l'Orchestre du Festival de Lucerne au festival de Lucerne 2006.

Lucerne 2006 (3) :
Une forme de perfection chambriste

© Herbert Schulze

Le violoniste Kolja Blacher

Durant tout le festival, en alternance avec les concerts symphoniques, les musiciens de l'Orchestre du Festival de Lucerne se réunissent en formation à géométrie variable dans un répertoire où la musique de chambre occupe la plus grande part avec un bonheur toujours renouvelé. Compte rendu de trois concerts donnés en l'espace de vingt-quatre heures.
 

Konzertsaal, Kultur- und Kongresszentrum, Luzern
Le 13/08/2006
Michel LE NAOUR
 



Les 3 dernières critiques de concert

  • Le renoncement de Barbe-Bleue

  • FrĂ©nĂ©sie de la danse

  • Clavecin itĂ©ratif

    [ Tous les concerts ]
     
      (ex: Harnoncourt, Opéra)




  • 12 aoĂ»t, 18h30, Konzertsaal

    Après que certains musiciens eurent accompagné la veille les harpistes Marie-Pierre Langlamet et Naoko Yoshino, d'autres solistes de l'Orchestre du Festival : les violonistes Kolja Blacher, Anton Barachovsky, les altistes Wolfram et Tanja Christ, Antoine Tamestit, les violoncellistes Jens Peter Maintz et Natalia Gutman se produisaient dans un concert consacré à Brahms et Bruckner.

    On ne dira jamais assez combien à la qualité des interprètes (tous ayant peu ou prou une notoriété internationale) se conjugue un sens de la convivialité et le plaisir de faire de la musique ensemble. À l'écoute du rare Quintette à cordes en fa majeur de Bruckner à l'architecture sonore gothique et de conception sui generis, il est possible de distinguer non seulement le sens de la dynamique dont ils font preuve, mais aussi la justesse de leur vision à la fois précise et lyrique, chaleureuse et rigoureuse dans la mise en place rythmique – Scherzo – qui rapproche cette oeuvre des grandes constructions orchestrales.

    Plus souriant, le 1er sextuor à cordes de Brahms est un échange permanent où l'aération de la polyphonie, la densité de la texture – superbe Andante moderato –, le chatoiement des timbres, la générosité sensible font des merveilles dans cette oeuvre à portée symphonique où nul participant ne tire la couverture à lui. Le caractère naturel de la respiration l'emporte également dans les Zwei Gesänge op. 91 de Brahms proposés avant l'entracte. La voix très subtile de la mezzo-soprano Ingeborg Danz, quelque peu en retrait, se love avec beaucoup d'aisance dans le superbe écrin que lui offre l'alto sensuel de Wolfram Christ et l'accompagnement juste mais un peu routinier de Graham Johnson, dont l'expérience en la matière n'est plus à prouver.


    Anton Bruckner (1824-1896)
    Quintette pour deux violons, deux altos et violoncelle en fa majeur WAB 112 (1879)
    Kolja Blacher, violon
    Anton Barachovsky, violon
    Wolfram Christ, alto
    Tanja Christ, alto
    Jens Peter Maintz, violoncelle

    Johannes Brahms (1833-1897)
    Zwei Gesänge op. 91 pour mezzo soprano, alto et piano (1884)
    Ingeborg Danz, mezzo soprano
    Wolfram Christ, alto
    Graham Johnson, piano

    Johannes Brahms (1833-1897)
    Sextuor à cordes n° 1 en sib majeur op. 18 (1860)
    Kolja Blacher, violon
    Anton Barachovsky, violon
    Wolfram Christ, alto
    Antoine Tamestit, alto
    Jens Peter Maintz, violoncelle
    Natalia Gutman, violoncelle


    12 août, 22h, Konzertsaal

    Changement de décor le soir à la Konzertsaal où le plateau, tel un polyptyque, est occupé par trois rangées de percussions auxquelles s'ajoute un piano. La Suite en concert d'André Jolivet est interprétée avec beaucoup d'aisance et de vélocité par le flûtiste néerlandais Jacques Zoon qui sait à la fois se montrer frémissant, aérien (Stabile à la flûte en sol), éthéré (Calme) dans cette partition poétique à l'expression soulignée par les quatre percussionnistes tout aussi remarquables dans les Quatre études chorégraphiques de Maurice Ohana. On y retrouve l'envoûtement, l'aridité brûlante et la force rythmique mis en valeur avec beaucoup d'efficacité par les instrumentistes.

    L'oeuvre de George Crumb Vox Balaenae appartient au théâtre musical dont le compositeur américain se fit l'écho au cours des années 1970. Les exécutants se présentent masqués dans l'une des compositions les plus populaires d'un créateur parfois insaisissable pour lequel la musique peut seulement exister quand le cerveau chante. Chaque intervenant doit réussir, avec une extrême concentration, à tirer des sonorités d'une grande sophistication sans négliger la prééminence d'un rythme très complexe et amplifié.

    Impressionnants dans une exécution millimétrique, le flûtiste Jacques Zoon, la violoncelliste Iseut Chuat, le pianiste François Killian – dont on aimerait que le talent soit davantage apprécié en France –, les percussionnistes Raymond Curfs, Gianluca Saveri, Dirk Wucherpfennig, Hans Zonderop (tous solistes dans les plus grands orchestres) révèlent aussi toute une dimension de l'imaginaire qui participe, à cette heure tardive, du rêve éveillé dans cette salle, immense vaisseau de plus de 1800 places, réservée pour l'occasion à un public clairsemé d'initiés.


    André Jolivet (1905-1974)
    Suite en concert pour flûte et quatre percussions (1965)
    Jacques Zoon, flûte
    Raymond Curfs, Gianluca Saveri, Dirk Wucherpfennig & Hans Zonderop, percussions

    Maurice Ohana (1913-1992)
    Quatre études chorégraphiques pour quatre percussionnistes (1963)
    Raymond Curfs, Gianluca Saveri, Dirk Wucherpfennig & Hans Zonderop, percussions

    George Crumb (*1929)
    Vox Balaenae for Three Masked Players (1971) pour flûte, violoncelle et piano électriques
    Jacques Zoon, flûte
    Iseut Chuat, violoncelle
    François Killian, piano


    13 août, 16h, Luzerner Saal

    Le troisième programme de musique de chambre, consacrĂ© Ă  des oeuvres pour cordes est un franc succès. Plus que la mise en doigts au demeurant impeccable des Notturno et Andante religioso d'Antonin Dvořák, oĂą la sonoritĂ© mordorĂ©e des instrumentistes brode une toile dĂ©licate et non dĂ©nuĂ©e de sentiments, la curiositĂ© s'attache davantage au Quintette Ă  cordes d'August Klughardt, compositeur aujourd'hui quelque peu oubliĂ© mais auteur de quatre-vingt numĂ©ros d'opus, louĂ© par Liszt, Schumann et Wagner. Kapellmeister dans diffĂ©rentes villes d'Allemagne, dont Lubeck, maĂ®tre de chapelle Ă  Dessau, il eut une rĂ©putation dont on a perdu la trace et que le festival de Lucerne fait renaĂ®tre l'espace de son Quintette en sol mineur op. 62.

    D'une belle facture assez proche de Brahms et de Mendelssohn, d'un romantisme modéré – Moderato initial –, cette pièce bien dimensionnée possède un classicisme de la forme qui n'interdit pas des sautes d'humour – Allegro vivace final en forme de rondo – et un lyrisme très contrôlé – Andante-Presto-Andante. Les cinq musiciens, tous issus des meilleures phalanges (Leipzig, Dresde, Hambourg, Zurich, Lucerne
    ), font preuve d'une cohérence et d'une belle homogénéité, ne privilégiant pas une pâte sonore pourtant superbe au détriment de la logique architecturale.

    Avec les pages de Richard Strauss inscrites en deuxième partie, toute faiblesse, toute approximation seraient rédhibitoires. Sommet de la pensée musicale d'un compositeur allemand à l'automne de sa vie, le regard du vieil homme tour à tour fasciné par le culte du son mais désespéré par la fin d'un monde détruit par la Seconde Guerre mondiale demande une perfection d'exécution où l'épicurisme – Capriccio – rejoint la religiosité au tragique récurrent – les références dans Métamorphoses à toute l'histoire de la musique allemande et surtout à la Marche funèbre de la Symphonie héroïque de Beethoven.

    Les solistes, engagés comme s'ils mettaient leur propre vie en jeu, font vivre les délices de Capoue tant la finesse de leur approche (en particulier celle de Latica Honda-Rosenberg au violon), la profondeur de vision (les interventions du violoncelliste Thomas Ruge, pleines d'émotion), le relief orchestral, la sensualité quasi-expressionniste, l'aspect narratif quintessencié et le parfum capiteux qui se dégagent de leur interprétation de ces deux pages n'appellent que des éloges. Un miracle à l'état pur !


    Antonin Dvořák (1841-1904)
    Notturno (Intermezzo) en si bémol majeur pour le Quintette à cordes op. 40 (1875)
    Andante religioso (1875)

    August Klughardt (1847-1902)
    Quintette Ă  cordes en sol mineur op. 62 (ca. 1890)
    Anton Barachovsky, violon
    Stefan Arzberger, violon
    Henrik Schaeffer, alto
    Rafael Rosenfeld, violoncelle
    Andreas Wylezol, contrebasse

    Richard Strauss (1864-1949)
    Sextuor de Capriccio TrV 279a pour deux violons, deux altos, deux violoncelles (1943)
    MĂ©tamorphoses TrV 290 pour deux violons, deux altos, deux violoncelles et contrebasse (1945)
    Latica Honda-Rosenberg, violon
    Brigitte Lang, violon
    Dirk Niewöhner, alto
    Massimo Piva, alto
    Thomas Ruge, violoncelle
    Enrico Bronzi, violoncelle
    Slawomir Grenda, contrebasse




    Konzertsaal, Kultur- und Kongresszentrum, Luzern
    Le 13/08/2006
    Michel LE NAOUR


      A la une  |  Nous contacter   |  Haut de page  ]
     
    ©   Altamusica.com