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CRITIQUES DE CONCERTS 13 octobre 2024

Concerts Beethoven du London Symphony Orchestra sous la direction de Bernard Haitink à la salle Pleyel, Paris.

Une leçon de style

À la tête du London Symphony Orchestra, Bernard Haitink propose, avec une perception de lettre et d'esprit, une lecture des 2e et 3e symphonies de Beethoven d'une limpidité toute classique où l'énergie retenue se libère dans un geste serein mais puissamment expressif. Du grand art, et assurément une leçon de style.
 

Salle Pleyel, Paris
Le 18/09/2006
Michel LE NAOUR
 



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  • Le programme en apparence traditionnel qu'offre Bernard Haitink et le LSO à la salle Pleyel, confrontant deux symphonies de Beethoven de création quasi contemporaine (1803 pour la 2e, 1805 pour l'Eroica), est en fait un révélateur non seulement de l'évolution du compositeur, mais aussi de la manière dont il décide de suivre une voie nouvelle en prenant le destin à la gorge.

    L'interprétation du chef néerlandais s'affirme d'un équilibre structurel et d'une élaboration dialectique parfaits. Elle oppose, avec intelligence patricienne et noblesse de ton, les élans et la vitalité de la 2e symphonie, encore proche de Mozart ou de Haydn, à l'Eroica qui, par sa durée, sa rythmicité, l'attention portée aux timbres, l'effectif orchestral, s'inscrit dans la modernité.

    La battue imperturbable n'interdit pas une liberté dans l'articulation et dans l'expression qui épure les sentiments (Larghetto de l'op. 36) et substitue à la tension surhumaine une rigueur de pensée (mouvement initial l'op. 55), un galbe idéal des phrasés (Marche funèbre), un sens des nuances – présent continûment –, un lyrisme qui semble s'épancher sans contrainte dans une architecture à la maîtrise souveraine.

    Le London Symphony Orchestra est un instrument malléable, capable de s'adapter à toutes les situations, qui répond comme un seul homme aux impulsions transmises non seulement par Haitink, mais aussi par son Konzertmeister Gordan Nikolitch, d'une mobilité et d'une énergie décuplée.

    Domination de l'esprit sur la matière

    L'acoustique très analytique de la salle Pleyel favorise l'écoute de cette conception aristocratique mais non sans engagement où la retenue est semblable à celle de la fission de l'uranium qui ne demande qu'à imploser. On a parfois le sentiment d'assister à la matérialisation d'une réflexion pesée, réfléchie, moins visionnaire que celle d'autres chefs – Furtwängler, Toscanini, Klemperer
    ou encore, aujourd'hui, Harnoncourt – plus tentés par la lutte dialectique et la puissance agogique.

    Pourtant, l'impulsion roborative, donnée en particulier par l'exceptionnel timbalier Nigel Thomas, le mariage des timbres – entre bois subtils, cuivres parfaits et cordes à l'unisson –, le souci de doser et de dégager les contre-chants enfouis dans la masse sonore serrent au plus près la réalité de l'idée beethovénienne perçue comme la domination de l'esprit sur la matière.

    Une telle interprétation, par sa lisibilité, son intériorité, sa profondeur de perception, s'inscrit sans ostentation dans une tradition au romantisme pacifié mais non sans élans où grâce et élégance prévalent sans pour autant négliger les orages désirés.







    Pour qui sonne la timbale

    Superbe démonstration de direction d'orchestre, de maestria symphonique que ce deuxième concert de Bernard Haitink à la tête du LSO. Un programme Beethoven d'une hauteur de vue et d'une énergie impressionnantes, emmené par un orchestre de prestige et son génial timbalier.

    Depuis l'époque du Concertgebouw, le Beethoven de Haitink s'est renouvelé et dynamisé, un peu à l'image de celui d'Abbado, avec toutefois une assise plus fortement ancrée dans la tradition.

    On retrouve l'architecture, les nuances millimétrées, le sens de la respiration, la maestria dans la gestion des transitions, mais on bénéficie aujourd'hui d'une vision moins léchée, d'arêtes plus vives, de tempi plus contrastés – sans égarements dans les mouvements lents – et surtout d'accents plus tranchants, notamment grâce au travail phénoménal du timbalier Nigel Rogers, qui n'hésite jamais à cogner et que le chef néerlandais laisse s'exprimer comme son bras droit.

    Véritable épine dorsale, d'une prépondérance tout à fait inédite à l'époque, la partie de timbales des symphonies de Beethoven est demeurée trop longtemps sous l'étouffoir des chefs traditionnels, noyée dans les cordes graves avant le regain d'intérêt des baroqueux.

    Avec ses instruments en peau à la définition très nette, ses baguettes dures à l'impact maximal, une intelligente variété de frappe et d'accents selon la fonction harmonique, Rogers porte l'orchestre beethovénien, le propulse avec une rythmicité irrépressible – un Finale de 5e et de 8e symphonie proprement époustouflant.

    Et pourtant, le LSO compte déjà parmi ces instruments d'excellence, même s'il serait abusif de l'évoquer dans les mêmes termes de splendeur sonore qu'Amsterdam ou Vienne. Car soyons honnêtes, si le quintette à cordes est d'un niveau inimaginable chez nous, aucun pupitre de vents de la phalange britannique n'est véritablement renversant.

    C'est plutôt l'extrême qualité du jeu global, cette manière de sacrifier l'individuel au profit du collectif qui l'emportent. Attaques et sons quittés parfaitement ensemble, sonorité puissante autant qu'ineffable, ampleur de l'éventail dynamique, tenue musicale bien autant que physique – on se s'avachit jamais dans les rangs –, le London Symphony représente une manière de panacée orchestrale dont on ferait bien de s'inspirer en France.

    Revenons enfin un instant sur la question de l'acoustique de Pleyel. Du premier balcon, le rendu sonore s'avère nettement plus confortable qu'au parterre. Restent la relative pingrerie de la réverbération et la définition un rien cotonneuse des instruments à cordes, particulièrement des violons, mais Pleyel est toutefois aujourd'hui la salle parisienne la plus à même d'accueillir le répertoire symphonique. On reste loin des prodiges de l'Auditorium de Dijon ou du KKL de Lucerne, également conçus par Artec, mais il allait de soi qu'en n'ayant pas la possibilité de toucher aux murs, on ne pouvait opérer de véritable miracle.


    Yannick MILLON
    Salle Pleyel, Paris, 19/09/2006




    Ludwig van Beethoven (1770-1827)
    Ouverture de Fidelio, op. 72c
    Symphonie n° 8 en fa majeur, op. 93
    Symphonie n° 5 en ut mineur, op. 67

    London Symphony Orchestra
    direction : Bernard Haitink




    Salle Pleyel, Paris
    Le 18/09/2006
    Michel LE NAOUR

    Concerts Beethoven du London Symphony Orchestra sous la direction de Bernard Haitink à la salle Pleyel, Paris.
    Ludwig van Beethoven (1770-1827)
    Symphonie n° 2 en ré majeur op. 36 (1803)
    Symphonie n° 3 en mi bémol majeur op. 55 « Héroïque Â» (1805)

    London Symphony Orchestra
    direction : Bernard Haitink

     


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