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CRITIQUES DE CONCERTS 08 mai 2024

Nouvelle production du Couronnement de Poppée mise en scène par Philippe Arlaud et sous la direction d'Attilio Cremonesi au Grand Théâtre de Genève.

NĂ©ron Ă  la folie
© Magali Dougados / GTG

Maya Bago (Poppée) et Kobie van Rensburg (Néron).

Conclusion attendue du cycle monteverdien conçu par Philippe Arlaud pour le Grand Théâtre de Genève, ce Couronnement de Poppée séduit davantage par la réalisation musicale constamment inventive et originale d'Attilio Cremonesi que par une vision souvent plus anecdotique que fantasmatique de la folie néronienne.
 

Bâtiment des Forces motrices, Genève
Le 21/09/2006
Mehdi MAHDAVI
 



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  • Avec un Retour d'Ulysse presque parfait, Philippe Arlaud avait mis la barre très haut pour cet ultime volet de sa trilogie monteverdienne prĂ©sentĂ©e au Bâtiment des Forces Motrices qui, presque inĂ©vitablement, déçoit. Non que le metteur en scène français ne tire le fil de PoppĂ©e avec intelligence, mais son inventivitĂ© curieusement bridĂ©e – le livret de Busenello est bien plus foisonnant que celui de Badoaro – le rĂ©vèle plus habile que fulgurant, et surtout plus anecdotique qu'essentiel, alors mĂŞme qu'il tend Ă  nĂ©gliger cette galaxie de personnages secondaires qui fait la saveur si singulière du théâtre vĂ©nitien, et qu'il croquait avec tant de malice dans le prĂ©cĂ©dent opus, jusqu'Ă  ne plus trop savoir quoi faire d'Amour, improbable Charlot.

    Concentrée sur la folie destructrice de Néron, tyran puéril et capricieux, adepte de la masturbation par téléphone, à la fois poète et chorégraphe, ivre de sexe et de sang – non content de neutraliser Sénèque, il tranchera la gorge de Lucain avant de faire exécuter Drusilla, Othon, Arnalta, et d'anticiper, dans un duo final au ralenti, la fin sordide de Poppée –, la vision de Philippe Arlaud se perd dans un espace qu'il ne maîtrise pas avec la même virtuosité que dans Ulysse, comme coincé entre la vastitude d'un palais écarlate ultramoderne et la chambre des amants, dont les tonalités exaltent le désir.

    Et pourtant, cette Poppée, dont les incessants ballets de techniciens de surface nus sous leur salopette sapent cette esthétique baroque de la rupture parfaitement consacrée par le livret de Busenello, n'est jamais torride, sinon sur le tard, lorsque les amants perruqués de rose célèbrent leur union sur un monceau de cadavres. Mais le triomphe de l'Amour est de courte durée, qui s'efface devant la folie singulière d'un empereur sadique, homicide et exhibitionniste.

    © Magali Dougados / GTG

    Contraint de multiplier les ritournelles, Attilio Cremonesi trouve toujours le ton juste, à la tête d'un Ensemble baroque du Grand théâtre de Genève encore en période de rodage. Débordante d'invention, sa réalisation de la partition fait preuve d'une constante originalité, bousculant les habitudes musicologiques avec une insolente liberté : les familiers pressent littéralement Sénèque de ne pas mourir, plutôt que de chanter une oraison funèbre, et l'avant dernier duo de Poppée et Néron distille plus de venin que d'abandon.

    Malheureusement, la Nutrice bien fade de Sulie Girardi, sans grave ni abattage dans un rôle le plus souvent confié à un contre-ténor, la Damigella ni gracieuse ni pétulante de Valérie MacCarthy, l'Amore et le Valletto insipide de Cristina Presutti et la Drusilla plus gourde que de raison d'une Whal-Ran Seo approximative n'arrivent pas à la cheville de l'ensemble de seconds rôles imbattables du Retour d'Ulysse. Mais Emiliano Gonzalez Toro est un Lucain d'exception, et Jean-Paul Fouchécourt une irrésistible Arnalta, bien qu'incapable, avec son art de la voix mixte désormais terni, de suspendre la berceuse sur son fil hypnotique.

    Souple et sonore, Carlo Lepore est un formidable Sénèque, face à l'Octavie glaçante de Marie-Claude Chappuis, qui triomphe davantage par son sens aigu du recitar cantando que par une ampleur limitée et des couleurs forcées, à l'instar de Christophe Dumaux, obligé de pousser sa voix jusqu'à la trémulation pour composer un Othon inhabituellement véhément et vindicatif.

    Avec son timbre un rien nasal, Kobie van Rensburg est un Néron ténor d'une idéale perversité, usant pertinemment d'un art de la voix mixte qui a pu, ailleurs, passer pour de la préciosité. Plastique dangereuse, voix anguleuse, Maya Boog est une Poppée à la sensualité toujours venimeuse, ultime victime de la démesure d'un amant diabolique.




    Bâtiment des Forces motrices, Genève
    Le 21/09/2006
    Mehdi MAHDAVI

    Nouvelle production du Couronnement de Poppée mise en scène par Philippe Arlaud et sous la direction d'Attilio Cremonesi au Grand Théâtre de Genève.
    Claudio Monteverdi (1567-1643)
    L'Incoronazione di Poppea, dramma in musica en un prologue et trois actes (1642)
    Livret de Giovanni Francesco Busenello, d'après le livre XIV des Annales de Tacite.

    Ensemble baroque du Grand Théâtre de Genève
    direction : Attilio Cremonesi
    mise en scène et décors : Philippe Arlaud
    costumes : Andrea Uhmann
    Ă©clairages : Philippe Arlaud et Jacques Ayrault
    chorégraphie : Anne-Marie Gros

    Avec :
    Whal-Ran Seo (Fortune, Drusilla), Marie-Claude Chappuis (Vertu, Octavie) Cristiana Presutti (Amour, Valet), Maya Boog (Poppée), Kobie van Rensburg (Néron), Christophe Dumaux (Othon), Carlo Lepore (Sénèque), Sulie Gilardi (Nourrice d'Octavie), Jean-Paul Fouchécourt (Arnalta), Valérie MacCarthy (Demoiselle), Emiliano Gonzalez Toro (Lucain, Familier, Tribun), Luigi De Donato (Mercure, Familier, Consul, Licteur), Hans-Jürg Rickenbacher (Libertus, Soldat), Alexandre Kravets (Familier), Bisser Terziyski (Soldat).

     


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