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CRITIQUES DE CONCERTS |
10 octobre 2024 |
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Récital du pianiste Jean-Claude Pennetier en clôture de la deuxième édition des Rendez-vous de Rochebonne.
Traité de chant et de couleur
Pour leur deuxième édition, les Rendez-vous de Rochebonne se referment sur un récital d'un pianiste emblématique de l'école française en la personne de Jean-Claude Pennetier. Un concert admirable où le jeu fort charpenté du Français croisera Fauré et Chopin pour un véritable traité de la couleur et du chant.
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Vieille église du Château de Rochebonne, Theizé-en-Beaujolais
Le 01/10/2006
Benjamin GRENARD
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Géométrie de chambre
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Après le concert d'ouverture de Nicholas Angelich, le festival de Rochebonne se clôt pour sa deuxième édition sous le signe de l'école pianistique française. Le jeu de Jean-Claude Pennetier se distingue d'emblée dans la Sonate en la mineur D. 537 de Schubert par sa forte charpente, avec une entrée en matière sculptée dans la masse.
Enracinement dans les graves, contrastes puissants caractérisent une vision souvent dramatique, qui ne néglige pas pour autant la nature du temps schubertien, en restituant l'ouvrage dans une seule et unique coulée, assurant la transition vers le Seitenthema par une série de belles désinences. Pennetier prend assurément à contre-pied les standards coloristes pour mieux resituer Schubert dans une tradition beethovénienne, plus terrienne en somme, sans pour autant s'empêcher de jouer quand nécessaire la carte de la simplicité, en particulier dans le deuxième mouvement.
Suit une incursion dans la musique contemporaine avec An Schwager Kronos de Hugues Dufourt. Dans une écriture très verticale, évoquant la manière de Morton Feldman quoique plus rapide et mesurée, Pennetier démontre son sens de la couleur harmonique et instrumentale, achevant de démontrer que son Schubert précédent était pure affaire de choix et non faute de moyens. La pièce de Dufourt, qui reprend au passage le titre d'un célèbre Lied schubertien, ne laisse par ailleurs pas en reste les dons naturels du pianiste et c'est en véritable statuaire qu'il façonne un temps prégnant et massif, travaillé par l'éclat du burin, ou en parfait rhétoricien qu'il distille des logorrhées contrastant avec le dépouillement initial.
D'intelligents préludes entrecroisés
En seconde partie, Pennetier convie l'auditeur à une relecture de Fauré et de Chopin en recomposant intelligemment et avec goût une oeuvre nouvelle d'un seul tenant, qui entrecroise divers préludes, si bien que chacun des compositeurs se révèle à travers le prisme de l'autre. Organisés selon une cohérence tonale, certains préludes, notamment ceux en ré bémol, frappent par leur similitude d'écriture. Mais les disparités ressortent aussi de plus belle ; Chopin et Fauré ne cessent dès lors de se nourrir l'un l'autre.
La sophistication et la virtuosité de Chopin mettent d'autant mieux en valeur la pureté et la simplicité du chant fauréen, tandis que le compositeur franco-polonais n'a jamais paru aussi coloriste au milieu du répertoire pianistique français. Pennetier livre un véritable traité poétique sur la couleur et le chant, tendant une arche jusqu'à ce 9e prélude en mi mineur de Fauré au langage harmonique littéralement inouï.
Voilà décidément une soirée où il ne manque rien à l'école française de piano. Car si Pennetier sacrifie au rappel du public en confiant son manque de conviction après des préludes entrecroisés musicalement si denses, c'est pourtant pour livrer un Clair de lune de Debussy mûrement senti, où l'espace et la couleur s'allient divinement.
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Vieille église du Château de Rochebonne, Theizé-en-Beaujolais Le 01/10/2006 Benjamin GRENARD |
| Récital du pianiste Jean-Claude Pennetier en clôture de la deuxième édition des Rendez-vous de Rochebonne. | Franz Schubert (1797-1828)
Sonate en la mineur, D. 537 (1817)
Hugues Dufourt (*1943)
An Schwager Kronos
Gabriel Fauré (1845-1924) / Frédéric Chopin (1810-1849)
Préludes entrecroisés
Jean-Claude Pennetier, piano | |
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