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CRITIQUES DE CONCERTS |
14 octobre 2024 |
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René Jacobs dirige Agrippina de Haendel au Théâtre de la Monnaie, Bruxelles.
Une Agrippina de feu et de bronze
Une mise en scène décalée et pleine d'humour, une distribution de haute volée et la direction d'orchestre somptueuse et inspirée de René Jacobs : il n'en faut pas plus pour que l'Agrippina de Haendel prouve sa vitalité.
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Agrippina est probablement l'un des meilleurs livrets confiés à Haendel. On est loin de Suétone ou de Plutarque, mais, sur le canevas assez classique d'une mère abusive prête à tout pour que son fils accède au pouvoir suprême, le cardinal Grimani a concocté une intrigue politico-sentimentale qui file bon train et dans laquelle aucun personnage ne rachète l'autre. Ce pourrait être sinistre ; mais l'acuité du trait évite le mélodrame et la variété de la musique fait que pas une minute l'intérêt ne retombe. Si les décors de John McFarlane évoquent sans ambiguïté un palais antique (d'immenses murailles noires, et un escalier doré au sommet duquel se trouve un trône), ses costumes, eux, sont bien du vingtième siècle. Et pour une fois le procédé fonctionne, parce que David McVicar n'a pas hésité à jouer la carte de l'humour et à désamorcer ainsi la tragédie. Néron, adolescent excité et sans cervelle, sniffe sa ligne de coke sans vergogne, l'empereur Claude n'est qu'un imbécile vaniteux (une allusion semble-t-il, au Pape Clément XI, ennemi juré de Grimani), et à la fin tous ces braves gens regagnent tranquillement leur tombeau pour y dormir du sommeil du juste. Toute l'équipe s'est sans peine coulée dans ce moule. Anna-Caterina Antonacci campe une Agrippina résolue, fait face aux vocalises les plus folles avec un tempérament de feu et un timbre de bronze. Rien de moins angélique, malgré les apparences, que la Poppea au chant délicieux de Rosemary Joshua.
Dominique Visse et la basse Antonio Abete forment le duo impayable des conspirateurs ratés. Le premier s'est même carrément fait la tête du cinéaste italien Roberto Benigni. De son côté, Lorenzo Regazzo donne à Claudio des allures de baudruche vite dégonflée, et Lawrence Zazzo, jeune contre-ténor américain, confère à Ottone, seul personnage à peu près sympathique du lot, des accents touchants. La surprise de la soirée, c'est Malena Erman : cette très charmante mezzo suédoise aux allures juvéniles n'a aucun mal à incarner Nerone avec fougue. Sa voix aux superbes reflets peut être douce ou mordante, son style est impeccable ; sans doute, prise au jeu, a-t-elle tendance à en faire trop, mais un tempérament pareil face à la volcanique Antonacci, quelle rencontre! René Jacobs, qui a établi sa propre édition d'Agrippina, (offrant ainsi pour la première fois un duo supprimé auquel le compositeur avait, semble-t-il, substitué deux airs) est à la tête du Concerto Köln, aux sonorités incisives et délectables. On attendait de sa part une vision vivante, dynamique, colorée, théâtrale au meilleur sens du terme ; on n'est guère déçu. Cette co-production La Monnaie/Théâtre des Champs-Elysées s'annonce incontestablement comme l'un des événements lyriques des printemps bruxellois et parisiens.
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Théâtre royal de la Monnaie, Bruxelles Le 02/05/2000 Michel PAROUTY |
| René Jacobs dirige Agrippina de Haendel au Théâtre de la Monnaie, Bruxelles. | Agrippina de Georg Frideric Haendel
Direction musicale : René Jacobs.
Mise en scène : David McVicar.
Avec Anna Caterina Antonacci (Agrippina), Rosemary Joshua (Poppea), Malena Erman (Nerone), Lorenzo Regazzo (Claudio), Lawrence Zazzo (Ottone), Antonio Abete (Pallante), Dominique Visse (Narciso), Lynton Black (Lesbo). | |
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