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CRITIQUES DE CONCERTS |
07 octobre 2024 |
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Reprise de Così fan tutte de Mozart dans la mise en scène de Patrice Chéreau et sous la direction de Gustav Kuhn à l'Opéra de Paris.
Così, ou le théâtre en musique
La reprise du dernier dramma giocoso mozartien au Palais Garnier dans la mise en scène de Patrice Chéreau et sous la direction de Gustav Kuhn aurait pu ressembler trait pour trait à la production initiale de la saison passée, mais quelques modifications apportées à la distribution rendent le spectacle convaincant.
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Créé au Festival d'Aix-en-Provence en juillet 2005 sous la direction de Daniel Harding puis à l'Opéra Garnier sous la baguette du chef autrichien Gustav Kuhn, le Così de Chéreau est redonné à Paris dans des conditions presque analogues. La mise en scène, qui avait été diversement appréciée, n'appelle pourtant que des éloges tant l'intelligence théâtrale prévaut dans la direction d'acteurs et la mise en espace – le parterre est tout autant sollicité que le plateau créant ainsi une osmose entre le public et les chanteurs.
Rien n'est laissé au hasard dans ce décor unique de Richard Peduzzi sans référence à Tiepolo, à la Méditerranée, mais plutôt à un univers en apparence clos – un mur patiné sur lequel est inscrit Vietato fumare et des accessoires laissant supposer la présence extérieure d'un port qui n'apparaît jamais –, où le mouvement, l'animation, la respiration imposent un rythme propre au style de Chéreau, celui que l'on retrouve aussi bien dans ses Marivaux que dans les productions d'opéras toujours imaginatives.
La finesse de touche, la subtilité dans le moindre déplacement, la sensibilité qui ne force jamais le trait, servent au plus près le texte – les costumes respectent l'époque – , mais créent un envers du décor – le radiateur anachronique est là pour nous le rappeler – dans une lecture tout à fait originale et sans artifices. Les lumières dosées et tamisées de Bertrand Couderc, sans recherche particulière, correspondent à cette volonté de capter le sens plus que l'effet.
Don Alfonso, chanté par Ruggiero Raimondi, apparaît ainsi plus que jamais comme un deus ex machina cynique, et l'on oublie l'appauvrissement du timbre tant la présence et les dons d'acteur irradient. Le remplacement de Barbara Bonney par Marie McLaughlin dans le rôle de Despina, apporte un évident supplément de vie. Plus crédible, plus proche du personnage, la pétillante Écossaise, très à l'aise dans ce rôle d'intercesseur, tire admirablement son épingle du jeu même si l'on a connu des voix plus légères et plus fines.
Les autres rôles féminins sont aussi bien campés : la Canadienne Erin Wall en Fiordiligi a le physique de l'emploi, mais son chant parfois incertain en début de soirée – Come scoglio du I – s'améliore par la suite, tandis que la Tchèque Hannah Esther Minutillo en Dorabella, frivole à souhait, sensuelle, possède une projection très riche à laquelle ne manque qu'un soupçon de souplesse dans le passage des registres.
La rondeur est en revanche l'apanage du remarquable Stéphane Degout en Guglielmo dont il capte à la perfection les avatars. À l'inverse, le Ferrando de Shawn Mathey apparaît un peu court dans les aigus et manque parfois d'aisance – l'air Un'aura amorosa, à l'intériorité si intense.
Dans la fosse, Gustav Kuhn se révèle davantage Kapellmeister que chef inspiré. Peu engagé, peu soucieux de grâce et d'élégance, il a au moins le mérite de faire preuve de précision et d'établir cette cohésion dans les duos et les ensembles qui facilite le rebondissement constant de l'action théâtrale.
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