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CRITIQUES DE CONCERTS |
10 octobre 2024 |
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Nouvelle production d'Orphée et Eurydice de Gluck mise en scène par Thierry Malandain et dirigée par Laurent Touche au Théâtre de l'Esplanade de Saint-Étienne.
Pari manqué pour Orphée
Le chorégraphe Thierry Malandain ouvre la saison lyrique de l'Esplanade de Saint-Étienne sur un Orphée et Eurydice de Gluck nettement axé sur la danse. Un pari qui accuse quelques insuffisances qui ne seront pas rattrapées par une direction d'orchestre impersonnelle et manquant d'arêtes dramatiques.
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Il est des paris risqués. En confiant la mise en scène d'Orphée et Eurydice à un chorégraphe, l'Esplanade de Saint-Étienne et le Grand Théâtre de Reims s'aventurent hors des sentiers battus. Car même si cette « tragédie opéra » s'apparente dans sa structure à un opéra-ballet, encore faut-il que la mise en scène dispose de cartes maîtresses pour permettre à l'oeuvre de se révéler.
Or, le travail de Thierry Malandain – bien que celui-ci n'en soit pas à sa première expérience lyrique –, fait reposer l'essentiel du discours scénique sur la seule chorégraphie, s'imposant ainsi des contraintes difficilement tenables. Lumière crue sinon sommaire plaquée sur le plateau, décor quasi-inexistant au profit d'éléments qui ressortent de manière quelquefois prosaïque – les énormes roses dans le dernier acte –, le dépouillement intentionnel paraît davantage fruste qu'il ne s'accorde avec le sens de l'oeuvre. D'autant que la chorégraphie peine à transcender la conception dramaturgique statique de l'ouvrage.
Quelques symboles intéressants passent – les liens d'Orphée qui sont aussi les cordes de la lyre, l'enfermement des personnages tournant, tel des petits rongeurs domestiques, dans la Roue du Destin – dont on perçoit parfois la teneur grotesque, mais l'ensemble reste insuffisamment exploité, de sorte que ces éléments posés de manière disparate témoignent d'une incapacité à traduire une vision globale. Si la chorégraphie est nourrie, à se passer de gestes scéniques plus conventionnels, on finit par ne plus saisir la substance du propos.
Le jeu d'acteur de Florian Laconi ne sauve pas le rôle d'Orphée d'un manque de caractérisation. Le jeune chanteur fait montre d'un timbre lumineux et assure sa partie avec une conscience louable compte tenu de sa prime jeunesse, mais aussi d'une musicalité peu creusée tandis que ses aigus pâtissent au III d'une émission durcie. L'Amour de Pauline Courtin apparaît heureusement plus charnu malgré l'attitude corsetée que lui impose le metteur en scène. C'est néanmoins Nathalie Manfrinon, d'une stature dramatique nettement plus affirmée, qui campe le personnage avec le plus de relief, apportant un brin de psychologie salutaire dans cette interprétation quelque peu désincarnée.
Une direction sans aspérités
Côté fosse, les choses ne sont guère convaincantes. L'Orchestre symphonique de Saint-Étienne comme les choeurs semblent bien disposer d'un potentiel intéressant, mais la direction sans aspérités de Laurent Touche pèche par une trop grande uniformité. Aucune note expressive n'est mise en relief, pas plus que le surcroît de tension dans certaines marches harmoniques ; en résultent des phrasés monotones, sans courbe aucune.
Des problèmes de balance entre choeurs – d'une diction mâchonnante – et orchestre – avare de couleurs – ne rendent pas justice aux moyens de chacun. Mais surtout, le chef français ne relance jamais le discours ; le manque d'arêtes ne pardonnant pas en matière lyrique, cela nous vaut une lecture sans brio, qui achève de donner à cet Orphée l'impression d'un pari manqué.
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