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CRITIQUES DE CONCERTS 26 avril 2024

Concert de l'Ensemble Fa sous la direction de Jeffrey Milarsky à l'Espace de projection de l'IRCAM, Paris.

L'insoutenable sensualité de Tristan Murail
© Philippe Gontier

Paris accueille depuis plusieurs jours un festival Tristan Murail, où le public peut entendre la quasi totalité de la production récente du maître spectral. Sa pièce Pour adoucir le cours du temps, donnée par l'Ensemble Fa, vient couronner la nouvelle manière d'un compositeur à l'écriture harmonique suffocante de richesse et de beauté.
 

Espace de projection, IRCAM, Paris
Le 04/12/2006
Laurent VILAREM
 



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  • La création des Légendes urbaines à la Cité de la Musique avait charmé, Terre d'ombre à Radio France avait impressionné, et c'est avec une impatience de plus en plus vive que l'on s'apprête à découvrir chaque nouvelle création de Tristan Murail. Car cette musique agit comme une drogue : elle vous immerge, parvient à jouer avec votre perception du temps et de l'espace, et finit par vous faire ressentir physiquement le besoin de ces sonorités mouvantes et effilées.

    Chaque pièce semble en outre continuer ou déplacer le territoire de la précédente. Ainsi, Pour adoucir le cours du temps réunit, à l'instar de Bois Flotté ou l'Esprit des dunes, un ensemble d'une dizaine de musiciens couplés à des sons électroniques. Le titre prend judicieusement en exergue une phrase de Jorge-Luis Borges : « J'écris pour moi-même, pour quelques amis et pour adoucir le cours du temps Â», car en manuel d'écriture spectrale – travail sur les partiels des sons, les résonances, objets musicaux oscillant entre le son et le bruit – l'oeuvre enveloppe l'auditeur dans un frémissant tissu sonore. Charriant des harmonies toujours plus belles et plus complexes, elle s'achève dans une respiration prodigieuse, digne des plus beaux mouvements lents de Messiaen. Pour adoucir le cours du temps éblouit ; sa luxuriance a la valeur d'une émouvante consolation.

    Ce concert de l'Ensemble Fa montre en outre l'influence grandissante dont les musiques de Grisey et de Murail – autrement dit les tenants de la musique spectrale – jouissent outre-Atlantique. En témoigne Empreintes de Joshua Fineberg, professeur de composition à Harvard, qui sonne souvent comme du Murail courroucé, et qui juxtapose des sons furieux à de longues notes tenues, mais exaspère aussi par son systématisme et son charivari.

    En première partie était également donnée en création After Serra, pour cinq instruments du jeune américain Jason Eckardt, qui cherche à restituer en musique les sculptures de son compatriote Richard Serra. Confrontant elle aussi fébrile hyperactivité à des éléments plus étales amenés à se développer, la pièce évoque aussi bien Grisey que le premier Steve Reich et dénote un souci de la forme bien plus aboutie que chez Fineberg.

    Toutefois, l'autre événement de la soirée est la création française de l'Afrique d'après Tiepolo de Hugues Dufourt. Avec l'auteur d'Erewhon ou Lucifer, l'auditeur entre immédiatement dans une autre temporalité. On ne s'étonne donc guère que cette musique qui s'inspire d'un tableau de Tiepolo débute par une très longue introduction de piano – tenu par Dominique My –, bientôt doublé d'un vibraphone. Fidèles à la maxime de leur auteur : « la musique est un art de retouches Â», interviennent ensuite des balancements d'accords, typiques de la manière de Dufourt. Constamment changeante, constamment identique, cette musique évoque aussi bien l'exploration des spectraux que le dépouillement de Morton Feldman. Une demi-heure durant, elle envoûte par sa transparence et sa lumière.




    Espace de projection, IRCAM, Paris
    Le 04/12/2006
    Laurent VILAREM

    Concert de l'Ensemble Fa sous la direction de Jeffrey Milarsky à l'Espace de projection de l'IRCAM, Paris.
    Jason Eckardt (*1971)
    After Serra, pour flûte, clarinette, piano, violon, violoncelle
    Création française

    Tristan Murail (*1947)
    Pour adoucir le cours du temps, pour 19 instruments et électronique

    Joshua Fineberg (*1969)
    Empreintes, pour 15 instruments et électronique

    Hugues Dufourt (*1943)
    L'Afrique d'après Tiepolo, pour piano solo et 7 instruments
    Création française
    Dominique My, piano

    Ensemble Fa
    direction: Jeffrey Milarsky

     


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