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CRITIQUES DE CONCERTS |
11 décembre 2024 |
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Concert Chostakovitch du Quatuor de Jérusalem à l'Auditorium du Louvre, Paris.
Les Jérusalem célestes
Le Quatuor de Jérusalem, fondé en 1993, a déjà acquis une solide réputation dans le répertoire classique. Sa maîtrise factuelle atteint de réels sommets interprétatifs dans trois quatuors de Chostakovitch donnés en hommage au maître soviétique dans le cadre d'une large rétrospective du musée du Louvre.
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Passeur de l'âme russe, Chostakovitch s'inscrit dans une tradition héritée de Tchaïkovski et de Moussorgski, mais, plus encore au sein du massif de ses quinze quatuors, dans la lignée de Beethoven – surtout à partir du 3e quatuor, d'une profondeur égalant ceux de la maturité. Le Quatuor de Jérusalem, constitué de quatre instrumentistes israéliens – bien que trois d'entre eux soient nés en Russie – s'est perfectionné auprès des plus grandes formations du moment – Amadeus, Guarneri, Pražák, Takács.
Il proposait à l'Auditorium du Louvre un florilège faisant voisiner le 1er quatuor (1938) avec les 8e (1960) et 12e (1968), d'une puissance bien plus établies. D'entrée de jeu, l'aspect ludique et néoclassique de l'opus 49 qui laisse augurer d'autres lendemains, voit les musiciens quelque peu distanciés, même si la qualité du phrasé et la justesse de l'intonation, d'une grande précision, rendent divertissante cette oeuvre en quatre mouvements proche de Haydn et de Mozart.
Il en va autrement du 12e quatuor, qui prend subitement une tournure plus engagée liée à son climat épique et à son intensité dramatique. Le Quatuor de Jérusalem installe, dès le Moderato introductif, une perspective très intériorisée et architecturée pour se libérer, dans le finale Allegretto qui retrouve la sérénité contenue. Ce même sentiment prévaut après l'entracte dans un 8e quatuor à l'éclairage sombre ; la puissance du geste et le style de jeu combinent l'âpreté et la fermeté des coups d'archet (Allegro) à la méditation s'achevant sur un silence quasi insoutenable (Largo).
Plus proche d'une conception beethovénienne défendue par les Fitzwilliam que de celle plus acérée et dense représentée par les ensembles russes – en premier lieu le Quatuor Borodine –, le Quatuor de Jérusalem obtient par d'autres voies, grâce à des moyens techniques exceptionnels et une cohésion sans faille, un résultat tout à fait convaincant qui peut tenir la dragée haute face à d'autres formations – Danel, Kronos, et dans une moindre mesure Eder, Rubio, Hagen.
Le regard projeté sur cette oeuvre en forme de Requiem – plus autobiographique que véritable profession de foi contre le fascisme – se révèle sans appel. L'émotion qui se dégage in fine noue les gorges. Personne ne songe à applaudir tant la musique creuse les âmes. Après un tel paroxysme, tout bis eût été une faute de goût.
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Auditorium du Louvre, Paris Le 29/10/2006 Michel LE NAOUR |
| Concert Chostakovitch du Quatuor de Jérusalem à l'Auditorium du Louvre, Paris. | Dimitri Chostakovitch (1906-1975)
Quatuor à cordes n° 1 en ut majeur op. 49
Quatuor à cordes n° 8 en ut mineur op. 110
Quatuor à cordes n° 12 en ré bémol majeur op. 113
Quatuor de Jérusalem
Alexander Pavlovski, violon I
Sergei Bresler, violon II
Amihai Grosz, alto
Kyril Zlotnikov, violoncelle | |
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