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CRITIQUES DE CONCERTS 24 avril 2024

Version de concert de Farnace de Vivaldi sous la direction de Jordi Savall Ă  la salle Pleyel, Paris.

Leçon d'équilibre vivaldien

Rare à l'opéra, Jordi Savall y est d'autant plus précieux. En 2001, il jetait son dévolu sur Farnace de Vivaldi, présenté à Madrid dans une mise en scène fastueuse. La salle Pleyel en offre enfin un reflet concertant, où la somptuosité du Concert des Nations et la direction hors des modes du chef espagnol font souffler un vent frais sur l'interprétation vivaldienne.
 

Salle Pleyel, Paris
Le 16/01/2007
Mehdi MAHDAVI
 



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  • L'oeuvre théâtrale de Vivaldi a Ă©tĂ© l'objet de bien des fantasmes, atteignant leur apogĂ©e Ă  la parution du miraculeux rĂ©cital de Cecilia Bartoli. Puis est venu le temps de l'exĂ©cution systĂ©matique du fonds des manuscrits de Turin, notamment grâce Ă  la monumentale intĂ©grale en cours chez NaĂŻve, qui a permis de relativiser le gĂ©nie dramatique inĂ©gal d'une plume souvent mue par des exigences commerciales. Rares sont en effet les opĂ©ras du PrĂŞtre roux qui mĂ©ritent, de la première Ă  la dernière note, leur statut de chef-d'oeuvre, sans qu'un chef ardent et passionnĂ© ne les bousculent d'ingĂ©nieux coups de pouce.

    Farnace, créé à Venise en 1727, la même année que l'Orlando furioso, est incontestablement l'une de ces perles, et c'est sans doute pour cette raison que Jordi Savall l'a choisi pour une de ses non moins rares incursions dans le théâtre lyrique. Livret resserré, habile d'Antonio Maria Lucchini, récitatifs d'une efficacité haletante – la dernière scène entrecoupée d'un quatuor est un modèle du genre –, airs toujours en situation, ne cédant jamais à la pyrotechnie gratuite : le génie irrigue bien la partition de bout en bout.

    Comme dans l'enregistrement des représentations madrilènes de 2001, Savall propose la version de Pavie (1731), où le rôle-titre, créé par une soprano, revient à un ténor, mais en renonçant aux extraits de la pièce homonyme de François Courcelle, plus connu sous le nom de Francesco Corselli, dont le Farnace fut présenté à Madrid en 1739.

    Et ce Vivaldi inattendu, inespéré même, constitue une authentique bouffée d'air frais, à mille lieux de la grille de lecture qui lui est trop souvent appliquée, et tend systématiquement à le dynamiter. D'abord grâce aux Concert des Nations – doublé d'un continuo superlatif – qui, à quelques écarts de justesse près, offre une sonorité fruitée d'une rondeur et d'une clarté délectables. Jamais la dynamique ne semble forcée, plaquée, les traits les plus virtuoses coulent avec un naturel confondant, sans que l'hédonisme ne devienne une fin pour autant.

    Car le geste de Jordi Savall est d'une absolue souplesse, d'une respiration ample et juste, qui laisse le climat de chaque scène s'imposer de lui-même plutôt que de lui faire un sort. Jusqu'à l'improbable retournement de la scène finale, où la belle-mère trouve soudain à son gendre abhorré trois actes durant toutes les qualités morales – de l'incongruité du lieto fine dans l'opera seria –, musique et drame se fondent dans une palpitante continuité, sans jamais se livrer un combat pléonastique. Et Vivaldi n'aura jamais semblé aussi maître de ses moyens expressifs que dans cette lecture d'un parfait équilibre.

    De même, la distribution brille par son homogénéité. Marina de Liso ne peut certes pas ne pas faire regretter la Tamiri absolue de Sara Mingardo, et sans doute n'est-elle pas suffisamment tragédienne pour incarner un rôle écrit sur mesure pour Anna Girò, dont Goldoni disait qu'elle avait plus de jeu que de voix. Mais le velours enveloppant d'un timbre égal et la somptuosité du legato sont autant de qualités inestimables. Enfin assurée sur tout l'ambitus – des aigus dardés et rayonnants –, avec une ligne raffermie, un timbre plus corsé, Adriana Fernández est aujourd'hui la Berenice qu'elle n'était absolument pas il y a cinq ans.

    Ni tout à fait ténor, ni vraiment baryton, Furio Zanasi possède une de ces voix intermédiaires d'une rocailleuse clarté qui font merveille dans Monteverdi et Vivaldi. Formidable diseur, il investit le récitatif avec un feu, une profondeur qui lui font défaut dans les airs, et plus particulièrement dans l'hypnotique et bouleversant Gelido in ogni vena – et comment oublier la douleur surnaturelle dont savait l'étreindre Cecilia Bartoli ? – effleuré avec d'infinies précautions aux extrêmes d'une tessiture redoutable, qui tutoie tant les cimes que les abysses.

    Timbres frisant la banalité, intonation un rien hésitante, aigus légèrement plafonnants, la Selinda de Gloria Banditelli et le Pompeo de Lawrence Zazzo partagent les mêmes défauts, mais surtout les mêmes qualités, soit un instinct théâtral hors pair doublé de présences physiques et vocales intensément projetées, avec pour le contre-ténor ces prises de risques constantes dans la conduite de la ligne qui en font un des interprètes les plus exaltants du moment dans sa catégorie vocale.

    Et pour peu qu'un soprano gracieux soit crédible en prince amoureux et vindicatif – les conventions du genre sont ainsi faites –, Céline Scheen fait un Gilade à se pâmer. Intonation de rêve, timbre lumineux, juvénile, coloratures ciselées, de la pure dentelle vocale en somme, pour un Scherza l'aura lusinghiera miraculeux.




    Salle Pleyel, Paris
    Le 16/01/2007
    Mehdi MAHDAVI

    Version de concert de Farnace de Vivaldi sous la direction de Jordi Savall Ă  la salle Pleyel, Paris.
    Antonio Vivaldi (1678-1741)
    Farnace, dramma per musica en 3 actes (1727)
    Livret d'Antonio Maria Lucchini

    Le Concert des Nations
    direction : Jordi Savall

    Avec :
    Furio Zanasi (Farnace), Adriana Fernández (Berenice), Marina de Liso (Tamiri), Gloria Banditelli (Selinda), Lawrence Zazzo (Pompeo), Céline Scheen (Gilade), Fulvio Bettini (Aquilio).

     


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