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CRITIQUES DE CONCERTS 29 mars 2024

Nouvelles productions de la Mort de Cléopâtre de Berlioz et de la Voix humaine de Poulenc dans la mise en scène de Mireille Delunsch et sous la direction de Kwamé Ryan à l'Opéra de Bordeaux.

La femme aux deux visages
© Guillaume Bonnaud

Regain de vitalité dans un Grand-Théâtre de Bordeaux sous le signe de la nouveauté : nouveau directeur musical, le Canadien Kwamé Ryan ; nouvelle salle de concert qui ouvrira en 2008 ; et pour l'heure nouvelle production de la Voix Humaine de Poulenc avec les débuts de Mireille Delunsch à la mise en scène.
 

Grand-Théâtre, Bordeaux
Le 16/01/2007
Nicole DUAULT
 



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  • Artiste au double visage de chanteuse et de metteur en scène, Mireille Delunsch est véritablement deux femmes en une. Elle chante la cantate la Mort de Cléopâtre de Berlioz en prélude à la Voix humaine de Francis Poulenc. Reine d'Égypte et héroïne anonyme de la Voix, ces deux femmes pourraient être la même. Toutes deux sont face à une cassure, à la solitude et au désarroi. Toutes deux ne voient qu'une conséquence à la brisure de l'âme : le suicide.

    Cléopâtre a perdu le pouvoir et l'amour. Son charme jadis si efficace sur César puis Marc Antoine n'allume pas les feux d'Octave. La morsure du serpent anéantira la vie de cette arrière-petite-fille d'Ève. La femme du monde imaginée par Jean Cocteau et mise en musique par Francis Poulenc, frustrée dans son désir, vit elle une agonie. Dans les deux rôles, Mireille Delunsch fait montre d'une formidable intensité dramatique. Et dans sa désespérance, elle fait frissonner un public qui à l'issue du dernier souffle de la Voix humaine, suspendu dans l'émotion, laisse un instant avant d'applaudir.

    Le rapprochement bienvenu de ces deux oeuvres si différentes dans un même programme, c'est Kwamé Ryan qui en a eu l'idée. Pour ses débuts à la tête de l'ONBA (Orchestre national Bordeaux Aquitaine) dans deux réalisations opératiques, le chef canadien originaire de l'île de Trinidad, passé par Cambridge et la férule de Peter Eötvös, paraît en totale symbiose avec sa formation. Dans l'acoustique lumineuse du Grand-Théâtre, les moindres détails sont perceptibles.

    La mise en scène aboutie, imaginative, raffinée de Mireille Delunsch magnifie les deux ouvrages. Pour la Mort de Cléopâtre, la reine vêtue d'or porte la coiffe au serpent de Pharaon. Elle se détache sur un proscenium dont la toile de fond en triptyque reproduit le décor du rideau de scène du théâtre. La musique de la cantate écrite en 1829 par un Berlioz de 26 ans en perspective du Prix de Rome étonne par sa violence colorée et son modernisme. On comprend presque que les examinateurs effrayés par l'audace qui s'en dégage, deux ans après la mort de Beethoven, n'aient pas donné le prix à Berlioz qui devrait attendre l'année suivante.

    Le rideau se baisse et se rouvre presque immédiatement. Cléopâtre se détache sur un plateau noir ne laissant apparaître qu'une loge d'artiste avec sa table de maquillage entourée d'ampoules lumineuses. Elle s'assied devant son miroir, enlève sa coiffe et son manteau d'or. Elle apparaît en robe noire style années 1950 et lentement démaquille son visage du khôl et du henné. Peu à peu s'entrevoient au centre de la scène une chambre d'hôtel banale avec un lit, un fauteuil de cuir et une malle, où dans un moment l'anonyme de Cocteau ira puiser les photos de son amour perdu. Le décor s'illumine de néons blancs qui clignoteront chaque fois que le téléphone sonnera. Peu à peu derrière ce décor, on aperçoit l'orchestre et son chef. En un instant, ils ont quitté la fosse pour se retrouver sur le plateau autour de l'héroïne.

    Cette mise en scène sobre, dépouillée, Mireille Delunsch l'a réalisée avec un complice, André Weitz, scénographe habituel d'Olivier Py. Aucune surcharge, le chagrin et la douleur, le déchirement et l'abandon n'existent que par les intonations vocales de la cantatrice qui affirme fourmiller d'idées de mises en scène.

    Elle pense à des ouvrages du XIXe siècle, à Faust par exemple. En attendant une carrière nouvelle, la chanteuse sera prochainement à la Bastille Louise dans l'opéra éponyme de Gustave Charpentier et Elsa dans le Lohengrin de Wagner. Le dédoublement est sa vie, son habitude, sa richesse, elle qui avant de chanter commença par le piano, le saxophone, la musicologie et imaginait devenir styliste.




    Grand-Théâtre, Bordeaux
    Le 16/01/2007
    Nicole DUAULT

    Nouvelles productions de la Mort de Cléopâtre de Berlioz et de la Voix humaine de Poulenc dans la mise en scène de Mireille Delunsch et sous la direction de Kwamé Ryan à l'Opéra de Bordeaux.
    Hector Berlioz (1803-1869)
    La Mort de Cléopâtre, scène lyrique (1829)
    Mireille Delunsch (Cléopâtre)

    Francis Poulenc (1899-1963)
    La Voix humaine, tragédie lyrique en un acte (1959)
    Texte de Jean Cocteau
    Mireille Delunsch (Elle)

    Orchestre National Bordeaux Aquitaine
    direction : Kwamé Ryan
    mise en scène : Mireille Delunsch
    scénographie : Pierre-André Weitz

     


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