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CRITIQUES DE CONCERTS |
12 octobre 2024 |
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Concert d'ouverture du festival Présences de Radio France 2007 consacré à Thomas Adès à la Maison de la Radio, Paris.
De l'inconvénient
d'écrire un chef-d'oeuvre à 25 ans. Le festival Présences de Radio France rend cette année hommage au jeune Britannique Thomas Adès. Le concert d'ouverture fait entendre Asyla, oeuvre la plus célèbre de son auteur et véritable classique d'aujourd'hui. Si cette pièce de 1997 sidère encore, la création française du Concerto pour violon déçoit.
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Salle Olivier Messiaen - Maison de la Radio, Paris
Le 09/02/2007
Laurent VILAREM
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Il est des créations embarrassantes dont le festival Présences a depuis quelques années le secret. La plus forte, opéra en un acte du compositeur irlandais Gerald Barry, se base sur une courte pièce de Strindberg. Chanté en arioso libre dans un sabir inconnu – en français, vraiment ? – par Barbara Hannigan, quelques harmonies tirées du Stravinski néo-classique ponctuent le monologue. L'ensemble est, osons le mot, ringard, et parfaitement superflu, et nous frémissons par avance du second opéra de Gerald Barry programmé plus avant dans le festival.
Venons-en à la tête d'affiche du festival de cette année. Après des figures aussi vénérables que Hans-Werner Henze en 2003 et Krzystof Penderecki l'an passé, le programmateur René Bosc a eu du courage, tant la salle étrangement n'est qu'aux trois quarts comble, de rendre hommage à un compositeur de 36 ans. Thomas Adès est pourtant une véritable star en Angleterre : son opéra The Tempest, forcément d'après Shakespeare, est une des plus retentissantes créations de ces vingt dernières années à Covent Garden et Simon Rattle se veut le plus infatigable défenseur de sa musique.
C'est qu'Adès a la particularité d'avoir d'ores et déjà écrit un tube : Asyla. Cette pièce pour orchestre de 1997 prend soin de faire appel en son troisième mouvement à un rythme disco, trouvaille qui unifie un discours jusqu'alors désarticulé et engendre un effet de sidération rare dans la musique d'aujourd'hui. La musique d'Adès est aussi coupante qu'un rasoir. Tendue comme un fil, et ce jusqu'à l'exaspération dans de grands éclats tonitruants, elle semble jouer avec les frontières du rationnel. À la manière du Sacre du printemps en 1913, Asyla parle juste à notre époque : signifiant en latin à la fois la notion de « refuge, havre » et « d'asile d'aliénés », elle dit admirablement l'enfermement et l'hystérie modernes.
Asyla, authentique chef-d'oeuvre
Cet authentique chef-d'oeuvre, dans une interprétation survoltée et presque pompière par le compositeur himself à la tête du City of Birmingham Symphony Orchestra, porte une ombre démesurée au récent Concerto pour violon, donné ce soir en création française. Sous-titré Concentric Paths, on y retrouve ce discours en agitation perpétuelle, qu'une écriture jonglant avec l'extrême virtuosité cherche à faire basculer dans le déraisonnable. Mais cette fois, c'est sans compter le génie des sonorités percussives, sans le talent d'une orchestration ici singulièrement maigre.
L'obligeance à Stravinski apparaît alors avec acuité – on ne dira jamais assez l'influence du maître russe sur la musique anglo-saxonne actuelle ! –, celui du Concerto en ré, des années 1920, voire l'influence de Berg, que seule la durée du mouvement lent parvient à réinvestir. Écrire une oeuvre unanimement louée, c'est également prendre le risque de s'enfermer dans des procédés : la petite danse du troisième mouvement rappelle ainsi celle d'Asyla, mais en nettement moins dense et abrasive.
Servi par le violon admirablement sûr d'Anthony Marwood, la pièce fait perdre au compositeur le contact avec notre époque et rejoint la tradition des concertos pour violon, jouant du passé, dépassé par lui. Le festival Présences nous montrera si Adès est l'homme d'une seule oeuvre. Gageons que le prodige britannique ait des ressources.
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Salle Olivier Messiaen - Maison de la Radio, Paris Le 09/02/2007 Laurent VILAREM |
| Concert d'ouverture du festival Présences de Radio France 2007 consacré à Thomas Adès à la Maison de la Radio, Paris. | Gerald Barry (*1952)
La plus forte, opéra en acte
Création mondiale
Barbara Hannigan, soprano
Thomas Adès (*1971)
Concerto pour violon, « Concentric Paths »
Création française
Anthony Marwood, violon
Asyla
City of Birmingham Symphony Orchestra
direction : Thomas Adès | |
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