|
|
CRITIQUES DE CONCERTS |
10 décembre 2024 |
|
Nouvelle production de la Traviata de Verdi mise en scène par Irina Brook et sous la direction de Jean-Claude Casadesus à l'Opéra de Lille.
Une rave party pour Violetta
Ermonela Jaho (Violetta) et Norman Reinhardt (Alfredo).
Le dernier soupir de la célèbre dévoyée de la Traviata qui meurt après trente minutes d'agonie provoque toujours un petit pincement au coeur. Tel est encore le cas à l'Opéra de Lille où est affichée une sulfureuse Traviata confiée aux soins d'Irina Brook, et qui malgré son côté tendance, fonctionne plutôt bien.
|
|
Le renoncement de Barbe-Bleue
Frénésie de la danse
Clavecin itératif
[ Tous les concerts ]
|
Cette coproduction de la Traviata entre les opéras de Bologne et de Lille, mise en scène par Irina Brook, avait suscité l'été dernier en Italie des réactions tumultueuses. Pour son arrivée dans le Nord, la fille du célèbre Peter a modéré son propos sous des lumières qui gomment ses provocations. Violetta Valéry, la Marguerite Gautier de Dumas fils, va, comme on le sait, de réceptions en libations. Ce n'est plus dans un de ces fastueux hôtels particuliers parisiens qui, de Balzac à Dumas, ont été le cadre magnifique de tant de magnifiques, mais dans une sorte de friche à l'image de celles où se retrouvent pour une fête tant d'adolescents aujourd'hui : une piscine désaffectée.
On oublie vite la piscine et l'ambiance de rave party, moins rapidement les costumes, fringues déjantées qui ne trouveraient pas preneur aux Puces. Et malgré tout, bien que la campagne prévue par le texte ait été remplacée par une plage, malgré bien d'autres incongruités, la sauce prend. Le chef-d'oeuvre de Verdi résiste décidément à tout.
Il est vrai qu'à la baguette, Jean-Claude Casadesus, plus fringant que jamais, s'amuse tout en maintenant la juste mesure plus que les envolées vers lesquelles son orchestre s'emporterait volontiers. À l'issue de la représentation, dans le foyer, la plupart des musiciens se félicitaient que dès les premières heures de répétitions, l'unité musicale ait pris aussi vite.
Révélation texane
Mais la vraie originalité de cette Traviata lilloise est dans la distribution : une révélation, le baryton texan Scott Hendricks, voix profonde, impressionnante et bien modulée, Germont émouvant et troublant. Pour ses débuts en France, le ténor américain Norman Reinhardt semble ce soir absolument mort de trac. Physique de cow-boy, il n'a certes pas le raffinement qu'on pourrait imaginer chez un lion de la vie parisienne et reste un peu brut de fonderie, à l'image de sa voix, qui laisse pourtant passer quelques beaux moments de lyrisme et une chaleur évidente.
La soprano albanaise Ermonela Jaho a fait ses classes en Italie, et on a déjà pu l'entendre de Toulon à Nice en passant par Toulouse. De rôle en rôle elle s'affirme. Parfois hésitante – au I notamment – elle possède un vrai charme vocal comme physique, piquante et sachant distiller l'émotion sans en faire trop. Il faudra l'entendre davantage avant porter un jugement plus arrêté, et notamment dans Carmen aux Chorégies d'Orange ; mais ce sera pour 2008.
Dernière chose, la mode est ces temps-ci aux suppressions des cabalettes : ce fut le cas pour la Juive à la Bastille ; c'est le cas également dans cette Traviata lilloise. Pas plus de cabalette pour Alfredo que pour son père. Selon Jean-Claude Casadesus, elles n'apportent rien à l'action et avaient été réclamées à Verdi par une coterie de snobs de l'époque. Il faut dire que les rave parties ne sont guère le rendez-vous préféré des snobs.
| | |
|
Opéra, Lille Le 07/03/2007 Nicole DUAULT |
| Nouvelle production de la Traviata de Verdi mise en scène par Irina Brook et sous la direction de Jean-Claude Casadesus à l'Opéra de Lille. | Giuseppe Verdi (1813-1883)
La Traviata, opéra en trois actes (1853)
Livret de Francesco Maria Piave d'après la Dame aux camélias d'Alexandre Dumas fils
Choeur de l'Opéra de Lille
Orchestre national de Lille
direction : Jean-Claude Casadesus
mise en scène : Irina Brook
décors : Noëlle Ginefri
costumes : Sylvie Martin-Hyszka
Ă©clairages : Zerlina Hugues
Avec :
Ermonela Jaho (Violetta Valéry), Norman Reinhardt (Alfredo Germont), Scott Hendricks (Giorgio Germont), Allison Cook (Flora Bervoix), Ma Lei (Annina), Xavier Mas (Gastone), Philippe Georges (le Baron Douphol), Jean-Luc Ballestra (le Marquis d'Obigny), Nicolas Courjal (le docteur Grenvil). | |
| |
| | |
|