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CRITIQUES DE CONCERTS 07 octobre 2024

Récital Haendel de Jennifer Larmore accompagnée par l'Ensemble Matheus sous la direction de Jean-Christophe Spinosi au Théâtre des Champs-Élysées, Paris.

Question d'abattage
© IMG Artists

La technique de Jennifer Larmore n'est certes pas des plus orthodoxes, et son mezzo à l'aigu éclatant n'est pas sorti indemne de la fréquentation assidue des travestis les plus caverneux. Son abattage n'en est pas moins intact, qualité indispensable à Haendel, et qui fait le plus souvent défaut à ses rivales, au premier rang desquelles la trop mécanique Vivica Genaux.
 

Théâtre des Champs-Élysées, Paris
Le 24/03/2007
Mehdi MAHDAVI
 



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  • Si la silhouette de Jennifer Larmore est apparue mĂ©tamorphosĂ©e sur la scène du Théâtre des Champs-ÉlysĂ©es, sa voix, reconnaissable entre mille, continue de dĂ©cliner irrĂ©versiblement. Mais que nous sert d'ergoter sur une Ă©mission de plus en plus hĂ©tĂ©rogène, une colorature de moins en moins mordante, une palette dynamique dĂ©sespĂ©rĂ©ment terne, un grave fantomatique, une projection rĂ©duite, puisque la mezzo-soprano n'a rien perdu de son abattage ?

    Car sans cette qualité le plus souvent innée, le bel canto, qu'il soit baroque ou romantique, se trouve réduit à un vain enchaînement d'acrobaties. Angelika Kirchschlager et Vivica Genaux ne viennent-elles pas d'en apporter la preuve dans un Ariodante que leur placide application aurait pu faire sombrer dans l'ennui le plus abyssal, et plus grave encore, l'indifférence ?

    Qu'importe, dès lors, que pour ce récital haendélien, Larmore ait aligné les tubes, pour la plupart inadaptés à des moyens qui ne sont définitivement plus ceux du contralto qu'elle a tenté d'être depuis ses débuts, puisqu'elle sait habiter chacune de ces figures, féminines ou masculines, avec la même intensité dans le regard, la même pugnacité dans la diction.

    Entrant d'emblée dans le vif du sujet, elle incarne Déjanire par la qualité percussive des consonnes, cet instinct du mot phénoménalement véloce, d'une incisivité shakespearienne. Son César n'est certes plus que l'ombre du miracle jamais renouvelé capté par les micros d'Harmonia Mundi, mais Empio, diro, tu sei reste d'une fureur inégalée, malgré un souffle raccourci qui ne lui permet plus toujours d'aller au bout de la vocalise.

    Il faut de même être intimement artiste pour émouvoir autant d'un Cara sposa à l'intonation fragile, sans couleur ni ampleur, coincé dans les joues. Et le panache seul sauve un Venti, turbini où le basson la couvrirait presque. À l'absence de ligne – ni tenue, ni réserves – plus encore que de messa di voce, Aure, deh, per pieta ne survit pas.

    Un air de Junon d'anthologie

    Mais l'air de Junon, curieusement privé de son récitatif – d'autant que jumeau de celui de Déjanire, il est une aubaine pour qui ne craint pas d'accentuer les dentales –, est anthologique, puisque personne, pas même Marilyn Horne, n'y a jamais autant fait claquer les mots sur les notes. Également privé de son récitatif, donc de ce qui en fait l'impitoyable ironie, Ombra mai fu peine à être purement décoratif dès lors que le timbre n'y déploie que sa grisaille, et le souffle ses insuffisances.

    Après le pensum mécanique infligé quelques jours auparavant par Mlle Kirchschlager, le Dopo notte d'Ariodante remet in fine les pendules à l'heure, prouvant que la jubilation n'est pas affaire d'ornementation – à peine esquissée –, mais de tempérament, et sans doute aussi de tessiture.

    Toujours bondissant, Jean-Christophe Spinosi mise avant tout sur les effets, dont certains ne sont pas du meilleur goût. Mais l'Ensemble Matheus semble s'être étoffé depuis ses prestations chaotiques du mois de novembre, déployant des couleurs plus franches et des basses mieux assises. Surtout, la réjouissante complicité entre le chef et la chanteuse, fruit d'une collaboration entamée avec l'Orlando Furioso, dont l'air Anderò, chiamerò dal profondo est donné en bis, aura alimenté la flamme que la prestation en dents de scie de Jennifer Larmore n'aurait pu seule entretenir.




    Théâtre des Champs-Élysées, Paris
    Le 24/03/2007
    Mehdi MAHDAVI

    Récital Haendel de Jennifer Larmore accompagnée par l'Ensemble Matheus sous la direction de Jean-Christophe Spinosi au Théâtre des Champs-Élysées, Paris.
    Georg Friedrich Haendel (1685-1759)
    Extraits de Watermusic, Hercules, Giulio Cesare, Rinaldo, Semele, Serse et Ariodante.

    Jennifer Larmore, mezzo-soprano

    Ensemble Matheus
    direction : Jean-Christophe Spinosi

     


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