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CRITIQUES DE CONCERTS 27 avril 2024

Version de concert de Thaïs de Massenet sous la direction de Christoph Eschenbach au Théâtre du Châtelet, Paris.

Une Thaïs en or massif
© Marie-Noëlle Robert

Somptueuse dans une robe de sirène haute-couture, magistrale dans son approche d'un rôle aussi mythique que périlleux, Renée Fleming a subjugué le public parisien en chantant Thaïs aux côtés du puissant Athanaël de Gerald Finley. Une grand soirée lyrique, menée par la baguette inspirée de Christoph Eschenbach à la tête de l'Orchestre de Paris.
 

Théatre du Châtelet, Paris
Le 16/04/2007
Gérard MANNONI
 



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  • Qu'elle possède l'une des voix les plus belles du monde lyrique actuel, personne n'en doutait. Mais que Renée Fleming soit capable de renouveler aussi profondément la conception d'un rôle à la fois si connu et méconnu que celui de Thaïs en aura surpris plus d'un. Moulée dans une incroyable robe semblant faite de pièces d'or et parfaitement symbolique du monde que la courtisane incarne au début de l‘oeuvre, la soprano américaine s'est passée sans peine de toute mise en scène pour camper avec une intelligence infinie la mythique héroïne d'Anatole France qui inspira Massenet.

    Séductrice tranquillement sûre d'elle dans un premier temps, sans arrogance ni provocation, s'appuyant sur le simple rayonnement d'une professionnelle de la beauté dont la suprématie est une évidence, l'héroïne devient, après sa rencontre avec Athanaël, une âme rongée de doute et d'angoisse. Dès l'air célèbre Dis moi que je suis belle, elle est une femme bouleversée par la certitude brutale que sa beauté est éphémère, futile, inutile, absurde, et c'est au bord des larmes, trépignant presque de désespoir et d'impatience, à la fois enfant trop gâtée et femme au bord de la crise de nerfs, qu'elle supplie Vénus de lui répondre. Mais elle connaît déjà la réponse.

    Et cette transformation qui fait d'un air généralement traité, pour sa bravoure, comme une suprême affirmation d'orgueil et de sûreté de soi, l'expression de la certitude insupportable de la vanité absolue d'une vie, il faut être une immense artiste pour la traduire de manière si forte, si implacable. L'imposant duo avec Athanaël qui vient ensuite en découle alors naturellement, tout comme semble justifiée l'intuition initiale du moine. On comprend qu'il avait d'emblée décelé à quel point Thaïs était prête à la conversion sans le reconnaître et même sans le savoir, et toute l'oeuvre trouve alors une logique interne qui lui manque si cet air n'est pas chanté avec cette ferveur et cette intensité dramatique.

    Par la suite, tout suit son cours, dans une grande beauté vocale de plus en plus apaisée, et c'est en quelque sorte Athanaël qui prend le relais de l'émotion. L'émission un peu raide, la voix un peu trop droite et parfois poussée dans l'aigu en début de soirée, Gerald Finley déploie vite de magnifiques moyens pour être un Athanaël puissant, pathétique dans la dureté de son mysticisme comme dans la révélation de son amour impossible. On pense fatalement à l'échange de mort entre la Prieure des Dialogues des Carmélites et Blanche de la Force, Athanaël ayant endossé le péché de Thaïs pour lui communiquer sa propre sainteté. Avec des interprètes de cette trempe, tout devient clair. Distribution de haut vol, d‘ailleurs, avec le méritoire Nicias de Fabrice Dalis, le parfait Palémon de Nicolas Courjal, belle voix bien en place, beau chant bien mené, avec aussi tous les autres, dont les quatre comparses féminines.

    Christoph Eschenbach conduit l'ensemble avec un sens équilibré de l'évolution dramatique, trouvant les bons accents aux bons moments, sans excès d'emphase, mais avec ce qu'il faut de théâtralité pour palier l'absence de spectacle. L'Orchestre de Paris joue aussi admirablement qu'il sait le faire lorsqu'il décide de s'investir à fond dans un projet, et on comprend qu'en pareilles circonstances, il ait tenu à relever le défi lancé par les chanteurs.

    Alors, question que beaucoup se posent à l'issue de la soirée, pourquoi ne donne-t-on pas Thaïs plus souvent ? Pour plusieurs raisons, sans doute. La partition n'est pas sans tunnels, incontestablement, et ne supporte en conséquence aucune médiocrité ni approximation dans l'exécution. Et puis, le rôle-titre est redoutable, par sa tessiture par les qualités physiques qu'il exige et par sa complexité psychologique, si l'on veut faire autre chose que du son.

    Jouer à la courtisane métaphysique n'est pas facile, pas plus qu'au mystique amoureux. Il y a tant de non dit à faire comprendre dans ces personnages, que seuls les très grands chanteurs peuvent se permettre de les approcher. Nous venons d'avoir la plus convaincante démonstration que mieux vaut donner peu souvent Thaïs que de le mal donner. Une maxime qui devrait d'ailleurs s'appliquer à bien d'autres pages du répertoire.




    Théatre du Châtelet, Paris
    Le 16/04/2007
    Gérard MANNONI

    Version de concert de Thaïs de Massenet sous la direction de Christoph Eschenbach au Théâtre du Châtelet, Paris.
    Jules Massenet (1842-1912)
    Thaïs, opéra en trois actes (1894)
    Livret de Louis Gallet, d'après le roman d'Anatole France

    Choeur Accentus
    direction : Laurence Equilbey
    Orchestre de Paris
    direction : Christoph Eschenbach

    Avec :
    Renée Fleming (Thaïs), Gerald Finley (Athanaël), Fabrice Dalis (Nicias), Nicolas Courjal (Palémon), Laurent Alvaro (le serviteur de Nicias), Marie Devellereau (Crobyle), Caitlin Hulcup (Albine), Rebecca Bottone (la Charmeuse), Nora Sourouzian (Myrtale).

     


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