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CRITIQUES DE CONCERTS |
11 octobre 2024 |
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Nouvelle production de l'Enlèvement au sérail de Mozart mise en scène par Jean-Christophe Mast et sous la direction de Giuseppe Grazioli à l'Opéra de St-Étienne.
Entre littéralité et invention
Alors que les mises en scène iconoclastes ont tendance à devenir légion, l'Esplanade de Saint-Étienne mise sur un Enlèvement au sérail bien équilibré, ne négligeant ni littéralité ni invention. Réussi et pertinent mais manquant de souffle au plan de l'interprétation musicale, Blonde et Pedrillo s'y distinguent sur les deux plans.
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Si la transposition scénique permet généralement de décadrer l'action pour révéler des aspects sous-jacents au texte, il est appréciable de pouvoir bénéficier de temps à autre d'une mise en scène efficace de facture plus traditionnelle. Jean-Christophe Mast cultive habilement une solution mixte, toujours respectueuse de la lettre comme de l'esprit, loin des visions iconoclastes qui ont tendance à se généraliser dans nos théâtres, mais ne cédant pas plus à une stricte littéralité qui anesthésierait toute réflexion.
Aux décors traditionnels – palais et fauteuils – se superposent des costumes évoquant à la fois l'époque coloniale – la veste de Belmonte – l'univers militaire – les treillis – mélangés le plus souvent à des vêtements à la turque. Ce mélange des genres fait toujours sens sans jamais susciter une impression de dépareillement : Selim, chrétien converti à l'Islam, représente ainsi ce point de jonction entre les deux civilisations, en costume blanc à l'occidentale sous ses vêtements d'apparat orientaux.
De surcroît, la psychologie des personnages est brossée avec perspicacité. Ainsi, Constance éprouve indéniablement un penchant naturel pour Selim et apparaît dans un premier temps en proie à un conflit intérieur en raison de son engagement envers Belmonte : loin d'accabler son personnage pour ses doutes, Jean-Christophe Mast apporte au contraire sur Constance une lumière de compassion, légitimant cette attirance pour le Pacha par cette inclination naturelle de l'être pour l'Amour, comme s'il s'agissait ni plus ni moins d'un grand appel irrépressible en chacun de nous.
Au-delà du thème de la fidélité, le metteur en scène joue également très bien la carte du Singspiel léger et joyeux, où le Pedrillo facétieux de Mathias Vidal et la Blonde mutine et sulfureuse de Pauline Courtin apparaissent comme les personnages clefs de cette dramaturgie à la fois profonde et divertissante ; servante et valet confisquent ainsi sans peine la première place à leurs maîtres. Elle, notamment, redonne dès son entrée toute son acuité à un deuxième acte précédé de beaucoup de routine et assume son rôle jusqu'au bout sans le moindre complexe, façon Zerbinette dans Ariane à Naxos.
Malheureusement, Francesca Lanza n'assume pas son personnage avec la même intensité, avec au surplus une nette tendance à intoner trop bas et un vibrato très serré, donnant une dimension tragique maladroite sinon involontaire à sa Constance. Sébastien Droy assure quant à lui son Belmonte sans histoire, avec un matériau assez avantageux mais qui demanderait sans doute davantage de projection, alors qu'Éric Martin-Bonnet campe un Osmin à la fois pitoyable et plein de dur ressentiment.
Dans la fosse, l'Orchestre Symphonique de Saint-Étienne manque de relief, sous la baguette d'un Giuseppe Grazioli qui confond vélocité et vivacité. En résulte une lecture par trop horizontale, dépourvue d'arêtes malgré une volonté évidente de bien faire. Le polissage extrême de la matière orchestrale donne clairement l'impression d'une lecture sinon superficielle, du moins sans vice ni vertu, si bien qu'au final, l'efficacité de la mise en scène constitue l'élément saillant du spectacle.
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