|
|
CRITIQUES DE CONCERTS |
12 octobre 2024 |
|
Nouvelle production d'Orphée et Eurydice de Gluck mise en scène par Roser Monttló Guberna et Brigitte Seth et sous la direction d'Emmanuel Olivier à l'Atelier lyrique de Tourcoing.
La simple clarté d'Orphée
Philippe Jaroussky (Orphée) et Ingrid Perruche (Eurydice).
C'est à l'Atelier Lyrique de Tourcoing et à Jean-Claude Malgoire, qui lui fit faire quelques uns de ses premiers pas sur scène, que Philippe Jaroussky a réservé son premier Orphée de Gluck. Malgré un orchestre non sans brutalité, le contre-ténor s'est révélé la parfaite incarnation de la belle simplicité prescrite par le compositeur et son librettiste.
|
|
Wozzeck chez Big Brother
L’art de célébrer
Géométrie de chambre
[ Tous les concerts ]
|
Dès son premier appel en réponse à la plainte funèbre du choeur, il apparaît que l'Orphée de Philippe Jaroussky ne sera semblable à nul autre. D'abord par la clarté du timbre, qui l'oppose à tous les contralti féminins qui s'y sont illustrés, et plus encore par sa concentration, qui lui permet, à l'inverse de la majorité des falsettistes, de passer l'orchestre sans effort. Certes, le grave a encore ses faiblesses, mais les tentatives de mixage des registres de tête et de poitrine se révèlent assumées, sinon toujours assurées, et le médium s'épanouit avec franchise, gagnant en étoffe comme en couleurs au fil de la représentation.
C'est néanmoins le sobre raffinement de l'expression qui lui permet d'incarner cet idéal de simplicité et de clarté prescrit par Gluck, sous la plume de Ranieri de' Calzabigi, dans l'épître dédicatoire d'Alceste, véritable manifeste de la réforme engagée par le compositeur et son librettiste. Car jamais le contre-ténor français ne se laisse aller à cette facilité qui consisterait, pour une voix aussi ductile que la sienne, à se délester de quelques brillants aigus, se gardant même, dans le strict respect de la version de la création viennoise, d'achever Che farò senza Euridice par la conclusion développée par Gluck à l'intention du castrat soprano Giuseppe Millico lors de le reprise parmesane de 1769.
Si elle n'égale pas son partenaire en termes de séduction et de singularité du timbre, Ingrid Perruche dessine une Eurydice d'une sensibilité musicale et théâtrale bouleversante, et hisse le dialogue qui ouvre le troisième acte sur les cimes de la sincérité. Quant à l'Amour d'Olga Pitarch, son phrasé réjouissant de fluidité se pare de teintes piquantes, typiques des voix ibériques.
Confiée aux jeunes mains d'Emmanuel Olivier par Jean-Claude Malgoire pour les deux dernières représentations, la Grande Écurie et la Chambre du Roy révèle d'indéniables élans individuels, mais un manque de cohésion qui menace l'orchestre gluckiste tantôt de brutalité, tantôt d'imprécision, et dont l'Ensemble vocal de l'Atelier Lyrique de Tourcoing ne peut non plus se défendre.
Et puisque le remède contemporain au statisme d'Orphée et Eurydice est – pour ainsi dire systématiquement – chorégraphique, la mise en scène revient à Roser Monttló Guberna et Brigitte Seth, codirectrices de la compagnie Toujours après minuit. Mais leur volonté d'épure se heurte à un traitement esthétique aux relents peace and love – costumes aux teintes pastels et fleurs fluo géantes en guise d'ombres heureuses –, que la scénographie de lumières paresseuses de Dominique Mabileau ne sauve pas de l'insignifiance.
| | |
| | |
|