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CRITIQUES DE CONCERTS |
12 octobre 2024 |
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Concert de l'Orchestre national de Lyon sous la direction de Jun Märkl, avec la participation de la soprano Deborah Polaski à la salle Pleyel, Paris.
Wagner enchaîné
Outre les prestigieuses phalanges internationales, la salle Pleyel a pour vocation de recevoir les grands orchestres régionaux. Avant l'Orchestre Philharmonique de Strasbourg pour une Salomé très attendue, c'était au tour de l'Orchestre National de Lyon de briller dans un programme Wagner, sous la direction de son directeur musical Jun Märkl.
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Fruits de la passion entre Richard Wagner et Mathilde Wesendonk, les Wesendonklieder apparaissent comme le laboratoire de Tristan et Isolde – Im Treibhaus et Traüme sont d'ailleurs sous-titrés « Étude pour Tristan et Isolde ». Il était donc tout à fait légitime d'enchaîner d'une seule coulée harmonique le prélude de l'opéra, le cycle de cinq mélodies, et la Mort d'Isolde, d'autant que Deborah Polaski est une des interprètes les plus recherchées du rôle de la princesse d'Irlande.
Trente ans de carrière dans les rôles les plus exigeants du répertoire ont malheureusement réduit son instrument d'une ampleur phénoménale à l'inconstance, et si ses dons de tragédienne parviennent à transcender cette inévitable usure dans les tessitures les plus inhumaines, la nudité du concert la surexpose.
Soumise à une tessiture trop basse, la soprano américaine peine à trouver ses marques, un grave inexistant mal soudé à un médium trop large lui interdisant tout legato, particulièrement dans Der Engel. Plus flagrant encore est le manque d'investissement, comme un refus de l'effort, son imposante stature allant de pair avec une imperturbable placidité tant physique qu'expressive, où le mot semble effleuré avec indifférence.
Vibrato incontrôlé
Douloureux enfin se révèlent ces sons constamment attaqués à l'aveugle, qu'un vibrato incontrôlé ne lui permet pas d'ajuster, jusqu'à des aigus plafonnants ou escamotés. Les quelques piani qui émaillent la ligne ne sont dès lors qu'un pis-aller, détimbrages intempestifs d'une voix qui n'est plus que subrepticement majestueuse.
L'esthétique orchestrale défendue par Jun Märkl apparaît de surcroît en totale contradiction avec ce chant monolithique. Souple, précis, le chef munichois délivre en effet un Wagner cursif et d'une grande clarté, analytique parfois jusqu'à l'excès, tant les plans sonores semblent dissociés dans l'acoustique de la salle Pleyel, comme pour permettre de mieux distinguer chaque pupitre de l'Orchestre National de Lyon, dont il est le directeur musical depuis septembre 2005.
Quelques bois ingrats ne pourraient d'ailleurs entamer la bonne santé d'une phalange dont le pupitre de violoncelles se révèle le moteur sombre et tranchant dans l'enchaînement ininterrompu d'extraits pseudo-symphoniques du Ring – cette Chevauchée des Walkyries, ces Adieux de Wotan et Mort de Siegfried, cette Immolation de Brünnhilde privés de voix.
Faire-valoir indiscutablement brillant pour un orchestre en tournée, ce type de pot-pourri n'en demeure pas moins l'antithèse absolue de l'oeuvre d'art totale conçue par Wagner. Restait à savourer la belle tenue de cuivres constamment sollicités et le geste limpide de Jun Märkl, dont le Wagner svelte ose trancher avec la tradition symphonique pour légitimer un tant soit peu ce raccourci définitivement indigeste.
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Salle Pleyel, Paris Le 13/05/2007 Mehdi MAHDAVI |
| Concert de l'Orchestre national de Lyon sous la direction de Jun Märkl, avec la participation de la soprano Deborah Polaski à la salle Pleyel, Paris. | Richard Wagner (1813-1883)
Prélude de Tristan et Isolde (1865)
Wesendonklieder (1862)
Mort d'Isolde
Der Ring des Nibelungen (extraits symphoniques)
Deborah Polaski, soprano
Orchestre National de Lyon
direction : Jun Märkl | |
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