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CRITIQUES DE CONCERTS |
10 octobre 2024 |
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Première à l'Opéra de Lille du Jules César de Haendel mis en scène par David McVicar, sous la direction d'Emmanuelle Haïm.
Veni, vidi, Vicar !
Tuva Semmingsen (Sextus)
Après Paris et Nancy, c'est à Lille que Jules César poursuit sa conquête des Gaules, dans la sensationnelle production de David McVicar. Sous la direction d'Emmanuelle Haïm, rôdée à Glyndebourne l'été dernier, la distribution réunie autour de la pétaradante Sonia Prina convainc davantage par sa conviction théâtrale que par son adéquation vocale.
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C'est incontestablement de Glyndebourne qu'est venu le salut du théâtre haendélien ces dix dernières années. La Theodora de Peter Sellars – enfin importée par l'Opéra national du Rhin –, la Rodelinda de Jean-Marie Villégier – vue au Châtelet –, puis le Giulio Cesare de David McVicar – que reprend aujourd'hui l'Opéra de Lille – ont en effet prouvé que l'aria da capo n'était rien moins qu'une forme empesée et contraignante pour peu qu'on la respecte, jusqu'à la réinvestir en ornant le geste même, plutôt que de la combattre.
Sans doute le metteur en scène écossais s'est-il souvenu de l'esprit parodique autant que de l'esthétique coloniale du spectacle historique de Nicholas Hytner, qui marqua l'entrée de Haendel à l'Opéra de Paris en 1987. Mais ce fini du détail – superbes costumes de Brigitte Reiffenstuel – digne d'un film de James Ivory, ce sens du rythme et des enchaînements, cette capacité à rebondir, qui renoue avec les sources vénitiennes du livret de Nicola Francesco Haym, sont assurément la signature de ce virtuose du théâtre lyrique.
Réglé comme la plus endiablée des revues de music-hall, dont le moindre numéro est copieusement applaudi, ce pur divertissement, d'où la violence et l'émotion ne sont pas exclues pour autant, ressuscite par sa profusion chorégraphique l'esprit fastueux, sinon la lettre – quoique la perspective ouverte sur le large de Robert Jones s'en inspire –, qui régnait au King's Theatre de Haymarket, où la débauche de machineries tenait lieu de mise en scène.
Portée par ce flux énergétique continu, la direction d'Emmanuelle Haïm est animée d'un punch inhabituel, fouettant les airs de bravoure avec un rien de systématisme. Mais les courbes s'en ressentent, et manquent d'autant plus de souffle et de souplesse que le Concert d'Astrée, en résidence à l'Opéra de Lille, apparaît souvent imprécis, pauvre en couleurs et réfractaire à la dynamique – quant aux cors naturels, ils ne font guère preuve de plus d'assurance la main dans le pavillon que ceux des Talens Lyriques au Théâtre des Champs-Élysées, qui osaient héroïquement braver la justesse pavillon en l'air. Dès lors, c'est au clavecin que l'ancienne continuiste de William Christie se révèle la plus inventive, colorant les récitatifs et les airs accompagnés par la seule basse continue avec une inépuisable fantaisie.
Au rôle-titre, Sonia Prina apporte une étonnante virilité, contrebalancée par une veine délicieusement ludique dans les airs avec instrument obligé, ainsi qu'une mordante évidence d'accent dans les récitatifs. Mais cette voix, curieusement émise le menton dans la poitrine, demeure courte, d'un métal souvent ingrat dans le médium, et gargarisante dans les coloratures. De la Cléopâtre-Mata Hari de McVicar, Anna Christy possède la silhouette et l'agilité corporelle, mais son soprano pincé en rade de suraigus manque cruellement de contours et de couleurs pour celle de Haendel, particulièrement dans Se pietà et Piangerò, pierres de touche des voix trop légères.
Une Cornelia mieux chantante que jamais
Malgré un timbre et une présence anonymes, le Sesto de Tuva Semmingsen parvient à susciter l'intérêt grâce à son exécution soignée et sensible des da capo. Couleurs et vibrato singuliers, aux limites de l'étrange dans la messa di voce de Priva son d'ogni conforto, les soupirs de Son nata a lagrimar, Charlotte Hellekant n'a sans doute jamais mieux chanté Cornelia que dans cette production où sa longue silhouette à la Katharine Hepburn, évadée de l'African Queen, l'identifie définitivement à la veuve de Pompée.
Tolomeo acrobate, Christophe Dumaux jongle entre les registres de tête et de poitrine sans perdre la concentration d'un contre-ténor à la couleur de plus en plus affirmée, dont la trémulation va comme un gant à l'ambition hystérique du frère de Cléopâtre. Quant à Simon Bailey, Achilla à la voix gigantesque mais souvent raide, et Rachid Ben Abdeslam, Nireno en perpétuelle ébullition, ils participent d'un casting où la photogénie et les aptitudes chorégraphiques l'ont audiblement emporté sur les exigences belcantistes.
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Opéra, Lille Le 18/05/2007 Mehdi MAHDAVI |
| Première à l'Opéra de Lille du Jules César de Haendel mis en scène par David McVicar, sous la direction d'Emmanuelle Haïm. | Georg Friedrich Haendel (1685-1759)
Giulio Cesare in Egitto, opera seria en trois actes (1724)
Livret de Nicola Francesco Haym, d'après Giacomo Francesco Bussani
Choeur de l'Opéra de Lille
Le Concert d'Astrée
direction musicale : Emmanuelle HaĂŻm
mise en scène : David McVicar
décors : Robert Jones
costumes : Brigitte Reiffenstuel
chorégraphie : Andrew George
maître d'armes : Nicholas Hall
Ă©clairages : Paule Constable
Avec :
Sonia Prina (Giulio Cesare), Anna Christy (Cleopatra), Charlotte Hellekant (Cornelia), Tuva Semmingsen (Sesto), Christophe Dumaux (Tolomeo), Simon Bailey (Achilla), Rachid Ben Abdeslam (Nireno), Alexander Ashworth (Curio). | |
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