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CRITIQUES DE CONCERTS |
11 décembre 2024 |
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Création mondiale du Temps des gitans d'Emir Kusturica à l'Opéra de Paris.
Quand Kusturica frôle la réussite
Il s'en est fallu de peu pour que la création de ce Temps des Gitans façon opéra du cinéaste Emir Kusturica à la Bastille soit une réussite complète. Un curieux équilibre entre qualités et défauts pour ce punk opéra qui montre une réelle volonté d'ouverture de l'Opéra de Paris sous le mandat de Gerard Mortier. Le public, lui, adore. Tant mieux !
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Pourquoi donc, sans avoir le sentiment d'avoir passé une mauvaise soirée ni d'avoir perdu une heure quarante-cinq minutes de sa vie, sort-on de ce Temps des gitans avec un lot d'impressions mitigées ? Sans doute parce que les qualités incontestables de ce vaste spectacle musical qui se veut Mitteleuropa mais qui est très américain, sont quelque peu gâchées par certaines maladresses dans la réalisation d'idées pourtant brillantes.
Car des qualités, il y en a, sans contredit. L'énergie, la fougue des interprètes, on pourrait même parler de frénésie pour quelques uns, est de nature à emporter l'adhésion et à forcer l'admiration. Certains, comme Gorica Popovic, grand-mère du héros de l'histoire, le jeune Perhan, fort bien incarné aussi Stevan Andjelkovic, chantent vraiment bien, voix personnelle, expressive, généreuse.
D'autres sont d'excellents comédiens, acrobates ou jongleurs, car toute cette population tzigane est fort bien reconstituée, colorée, pagailleuse, à la fois séduisante et dangereuse. Les décors hauts en couleur, avec leur côté faussement bricolé, leur fantaisie assez extravagante mais souvent d'une vraie poésie, sont eux aussi pleins d'un charme atypique mais adapté aux lieux et à l'histoire. On pourrait aussi ajouter que l'exécution musicale est d'un professionnalisme total.
Alors, qu'est-ce qui ne va pas ? D'abord, la structure générale du spectacle, découpé en une suite de petites séquences qui se succèdent brutalement, sans liaison, sans intermède. Au cinéma, quand c'est bien fait, cela fonctionne. Pour un spectacle vivant, c'est déjà bien plus problématique, d'autant qu'ici, il n'y a quasiment aucune progression, ni dans l'intensité dramatique de l'action, ni dans l'intensité émotionnelle de la musique. Les scènes fortes explosent sans être amenées, préparées, et elles ne ressortent pas dans ce contexte en permanence effréné. Le spectateur aime qu'on le prenne en main au début d'un spectacle et qu'on l'emmène quelque part, ailleurs, à la fin. Ici, ce n'est pas vraiment le cas, ou pas assez.
Et cela tient aussi à la musique, trop semblable d'un bout à l'autre, dans des couleurs identiques, dans des rythmes certes trépidants, mais si répétitifs qu'ils finissent par ne plus rien signifier. Après deux ou trois séquences, on a le sentiment d'avoir tout vu et tout entendu, même si, par la suite, certains passages seront plus réussis que d'autres.
L'entreprise n'en demeure pas moins originale pour une fin de saison de l'Opéra national de Paris. La salle est pleine, le public dans sa majorité très heureux. Ceux qui connaissent le film avouent ne pas y retrouver les mêmes satisfactions, mais c'est peut-être trop en demander, même dans un lieu réputé pour chercher à pratiquer l'excellence en tous domaines.
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Opéra Bastille, Paris Le 30/06/2007 Gérard MANNONI |
| Création mondiale du Temps des gitans d'Emir Kusturica à l'Opéra de Paris. | Emir Kusturica (*1954)
Le Temps des gitans, punk opéra
Texte de Nenad Jankovic d'après le scénario original de Gordan Mihic et Emir Kusturica
En langue Tzigane
Création mondiale
Coproduction avec le Palau de les Arts Reina SofĂa, Valencia
Maîtrise des Hauts de Seine / Choeur d'enfants de l'Opéra national de Paris
The No Smoking Orchestra
direction : Dejan Sparavalo
The Garbage Serbian Philharmonia
direction : Zoran Komadina
mise en scène : Emir Kusturica
musique : Dejan Sparavalo, Nehad Jankovic, Stribor Kusturica
décors : Ivana Protic
costumes : Nesa Lipanovic
Ă©clairages : Michel Amathieu
Avec :
Nenad Jankovic (Ahmed), Ognjen Sucur (Brandes), Gorica Popovic (la grand-mère), Marijana Bizumic (Danira), Dejan Sparavalo (Dr Lorenzo), Milica Todorovic (Azra), Stevan Andjelkovic (Perhan), Stanko Tomic, Zlatko Sakulskil (joueurs), Natasa Tomic (la mère d'Azra), Katarina Mrksic, Ivana Bizumic, Dragana Stanojevic, Tatjana Nikolic, Maja Martic, Brankica Ivankovic (paysannes). | |
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