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CRITIQUES DE CONCERTS |
11 décembre 2024 |
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Reprise de l'Or du Rhin de Wagner dans la mise en scène de Tankred Dorst et sous la direction de Christian Thielemann au festival de Bayreuth 2007.
Bayreuth 2007 (1) :
Faux départ
Pour sa deuxième année sur l'auguste scène de Bayreuth, le Ring de Dorst et Thielemann semble poursuivre sur sa lancée quelque peu décevante. Entre une direction discutable, une scénographie inégale, un plateau moyen et une direction d'acteurs en dents-de-scie, l'impression d'ensemble ne peut que demeurer mitigée, malgré quelques instantanés réussis.
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Pour sa première mise en scène d'opéra, Tankred Dorst a voulu frapper fort en s'attaquant au plus copieux monument opératique de Wagner, le Ring. Avec des idées, un certain métier et sans doute beaucoup de bonne volonté. À l'arrivée, force est de reconnaître que cela ne suffit pas.
Passons vite sur le positif, quelques personnages bien compris, un Loge volubile et lumineux, la part animale d'Alberich bien restituée, Fricka un rien pimbêche et embourgeoisée, Wotan veule et infatué, et des Dieux tournés en dérision avec ce lever de rideau photo de famille, pomme d'or à la main, où Wotan dort debout. Passons aussi sur cette idée prometteuse de confronter le monde des Dieux à notre univers quotidien, comme deux dimensions parallèles, traversées chacune par ses habitants ordinaires qui ne voient pas même les autres – on attend ce que le metteur en scène en fera par la suite.
Reste un certain nombre de maladresses – Alberich bien emprunté sur les si beaux rochers de la scène 1, les scènes de violence pas très crédibles –, de zones d'obscurité – le jeu de Wotan et Loge face au dragon du Nibelheim, la scène finale où des enfants du monde des hommes jouent à se tuer sur le perron du Walhalla – ou même de tunnels : la scène 2 est interminable, les géants ne sont pas même esquissés, et que dire de ce Froh armé, on ne sait, d'un plumeau arc-en-ciel ou d'une sucette géante, de ce Donner à mi-chemin entre Bioman et un mauvais Bob Wilson ? La scène 4, tout de même plus réussie, pèche toutefois par le peu d'humanité d'Alberich et la faiblesse dramatique du crime commis par Wotan ; la catharsis s'y enlise définitivement.
De la même manière, la scénographie ne manque pas de beautés – la scène du Rhin, la faille du Nibelheim au milieu d'un décor industriel contemporain, le trésor des Nibelungen, les métamorphoses d'Alberich – mais y adjoint des laideurs inexplicables, en particulier l'invraisemblable collant blanc dans lequel se débat Wotan, dont le profil droit exhibe à l'envi la hanche la plus hideusement emmaillotée qu'on puisse imaginer. Détail s'il en est, mais funeste : quel costumier a pu prendre plaisir à donner au roi des Dieux l'allure d'un bébé trop bien portant empêtré dans sa couche-culotte ?
La partie musicale n'est pas en reste pour ces irrégularités de parcours. Albert Dohmen n'est pas une très grande voix, mais il a l'autorité, la noirceur, l'opportunisme aussi de Wotan. Son rival, Andrew Shore, ne brille pas par ses moyens ni son accomplissement vocal, mais compose avec maint Sprechgesang et en malmenant sa partie comme elle le fut rarement, un Alberich malgré tout cohérent avec un travail scénique manifeste.
Le Loge d'Arnold Bezuyen n'est pas non plus un modèle, ni de vocalité ni de caractérisation, mais convainc par une composition unie, empanachée, tout feu tout flamme, qui de toute évidence refuse de creuser le méphitisme machiavélique que Chéreau a mis à la mode. Le Mime de Gerhard Siegel est impeccable, le Froh doucement mélancolique de Clemens Bieber original, la Fricka de Michelle Breedt honnête, le Fafner de Hans-Peter König d'abord prometteur puis un peu court de projection.
Reste la Freia déboutonnée d'Edith Haller, grande voix mais pas toujours soignée ; le Fasolt engorgé et placide de Kwangchul Youn qui, bien qu'ayant commis ce soir une seule phrase musicale, emporte le trophée des acclamations du public ; le Donner braillard de Ralf Lukas ; l'Erda pas mauvaise mais invraisemblable de Mihoko Fujimura, dont on ne sait quelle véritable tessiture recèlent ses registres hétérogènes ; et trois Filles du Rhin que nous aurons l'indulgence de ne pas détailler.
Une battue en manque de tranchant
Tout cela emmené par la battue déroutante de Christian Thielemann, tantôt fouillée, tantôt retenue, jamais enlevée et toujours plutôt lente. On découvre ici ou là plus d'un détail d'orchestration, on admire une texture soignée ou une doublure miraculeuse, on apprécie le souci de ne pas couvrir le plateau, mais cela manque de tranchant, de nerf, de théâtre.
Si encore la direction d'acteurs compensait, mais le plateau se coule avec paresse dans le sillage tranquille et ronronnant d'un orchestre par ailleurs très bien sonnant, imaginatif et coloré, et l'on se prend à redouter des journées interminables si quelque vie ne s'empare de la production.
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Festspielhaus, Bayreuth Le 09/08/2007 Thomas COUBRONNE |
| Reprise de l'Or du Rhin de Wagner dans la mise en scène de Tankred Dorst et sous la direction de Christian Thielemann au festival de Bayreuth 2007. | Richard Wagner (1813-1883)
Das Rheingold, prologue au festival scénique Der Ring des Nibelungen (1869)
Livret du compositeur
Orchester der Bayreuther Festspiele
direction : Christian Thielemann
mise en scène : Tankred Dorst
décors : Frank Philipp Schlößmann
costumes : Bernd Skodzig
Ă©clairages : Ulrich Niepel
Avec :
Albert Dohmen (Wotan), Ralf Lukas (Donner), Clemens Bieber (Froh), Arnold Bezuyen (Loge), Kwangchul Youn (Fasolt), Hans-Peter König (Fafner), Andrew Shore (Alberich), Gerhard Siegel (Mime), Michelle Breedt (Fricka), Edith Haller (Freia), Mihoko Fujimura (Erda), Fionnuala McCarthy (Woglinde), Ulrike Helzel (Wellgunde), Marina Prudenskaja (Floßhilde). | |
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