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CRITIQUES DE CONCERTS 19 mars 2024

Récital du pianiste Grigory Sokolov au Théâtre des Champs-Élysées, Paris.

Grigory Sokolov, l'homme-piano
© Opus 111

Un concert de Grigory Sokolov est toujours un événement dont on ne sort pas indemne. Au Théâtre des Champs-Élysées, dans l'antépénultième sonate de Schubert et dans les vingt-quatre préludes de Chopin, le pianiste russe se montre constamment à la hauteur de sa réputation d'interprète hors du commun. Un récital pianistique qui laisse une empreinte indélébile.
 

Théâtre des Champs-Élysées, Paris
Le 20/11/2007
Michel LE NAOUR
 



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  • Peu d'interprètes donnent l'impression de faire pleinement corps avec leur instrument. Au piano, Horowitz, Richter, Gould, ont, chacun à leur manière, manifesté cette osmose que réalise aujourd'hui Grigory Sokolov. Comme la craie qui redevient falaise dans le poème de Prévert, il semble que le clavier, sous les doigts de cet artiste singulier et incomparable, fasse partie de lui-même tant il s'identifie avec son instrument – qu'il sait d'ailleurs démonter et remonter comme un mécanisme d'horlogerie.

    On éprouve le sentiment que le clavier fait partie intégrante de lui-même tant dans son esprit que dans sa chair. Sokolov, qui à l'âge de 16 ans, avant même d'avoir achevé ses études à Leningrad, obtenait le Premier Prix du Concours Tchaïkovski, est non seulement un prodige, mais aussi dans son domaine une forme de génie.

    Au TCE, il entre sur scène comme une ombre, éclairé seulement par une lumière tamisée digne de Georges de La Tour alors que le public est tenu dans une quasi obscurité à l'image de l'ambiance qu'entretenait jadis Richter. D'entrée de jeu, la séduction opère car sa lecture d'oeuvres que l'on croit connaître par coeur prend d'emblée une dimension personnelle et atteint même l'inouï. On finit par oublier ce qui appartient au style ou à la notion d'authenticité tant l'imprégnation de l'interprétation fascine.

    Dans la 19e sonate en ut mineur de Schubert, d'écriture déjà visionnaire, la transmutation saisissante est atteinte par une attention à chaque inflexion, une gradation de chaque nuance – du pianissimo le plus lointain au fortissimo le plus saisissant –, un usage quintessencié de la pédale sans que le discours ne perde jamais de vue sa trajectoire, depuis les emportements de l'Allegro initial, la déambulation onirique de l'Adagio, la danse douce-amère du Menuetto jusqu'à l'hallucination fantasmagorique de l'Allegro final. Ce n'est plus Schubert que l'on entend, mais cela n'a plus d'importance face à la maîtrise obtenue par des moyens de sorcier.

    Objet sonore non identifié

    Les 24 préludes op. 28 de Chopin, obsessionnels, dépassent par la lecture qui en est fournie l'impression de continuité : chaque pièce est en soi un tout, et du microcosme Sokolov fait un macrocosme, véritable orchestre où le piano dompté n'est plus un instrument à percussion mais un objet sonore non identifié. Le compositeur polonais devient le frère de Moussorgski, de ses Chants et danses de la mort ou des Tableaux d'une exposition – le 15e prélude en ré bémol majeur, terrifiant ! La chartreuse de Valdemosa se transforme en paysage de la Nuit de Walpurgis.

    Les bis sont de la même eau : les deux Mazurkas de Chopin, ciselées à la limite de la sophistication, encadrent trois pages de Scriabine – deux Poèmes et un Prélude op. 13 – extatiques et enflammées où la messe noire est dite. Saint Augustin, au Ve siècle de notre ère affirmait : « on ne peut pas expliquer par des paroles ce que l'on chante dans son coeur Â». À l'écoute de ce récital exceptionnel, dans une tradition proche de Gilels, les mots effectivement manquent, mais le souvenir pénétrant demeure.




    Théâtre des Champs-Élysées, Paris
    Le 20/11/2007
    Michel LE NAOUR

    Récital du pianiste Grigory Sokolov au Théâtre des Champs-Élysées, Paris.
    Franz Schubert (1797-1828)
    Sonate pour piano n° 19 en ut mineur D. 958 (1828)

    Frédéric Chopin (1810-1849)
    24 Préludes op. 28 (1839)

    Grigory Sokolov, piano

     


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