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CRITIQUES DE CONCERTS |
07 octobre 2024 |
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Le Paradis et la Péri de Schumann sous la direction de Sir Simon Rattle au Théâtre des Champs-Élysées, Paris.
Un Schumann indécis
Rarement donné, l'oratorio le Paradis et la Péri, qui se veut profane mais ne l'est guère, reste une partition à part dans l'oeuvre de Schumann. À la tête d'un Orchestra of the Age of Enlightenment engagé, Sir Simon Rattle et des solistes parfois inégaux servent cette oeuvre au livret problématique dans un bel élan collectif.
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On ne saurait le nier : le problème du Paradis et la Péri, c'est d'abord son livret. Inspiré à Emil Flesching par Lalla Rookh de Thomas Moore, il alterne passages d'une poésie réelle et aussi délicate que certaines gravures persanes et moments d'une indubitable mièvrerie. Le romantisme attendri et bien pensant au premier degré a du mal à convaincre. Quand il s'agit de Byron, c'est un autre monde.
On se demande donc à différentes reprises comme Schumann est parvenu à une telle égalité d'inspiration musicale face à un texte littéraire aussi inégal. D'autant que la forme est si proche de celle d'un opéra que les mots ont leur importance. D'ailleurs, si l'héroïne n‘était pas une créature ailée se promenant au niveau des nuages d'un pays à l'autre, comme le petit singe de Monkey Journey to the West, gageons qu'on la mettrait volontiers en scène.
Peut-être que le cinéma pourrait y pourvoir car les descriptions de paysages et de jardins vus d'en haut ne manquent pas d'étrangeté orientalisante. Mais l'ensemble de cette histoire de rédemption par la vertu merveilleuse de la larme de repentir d'un épouvantable brigand a du mal à prendre une vraie consistance dramatique ou à avoir une vraie portée philosophique. Ce mélange de raisonnement chrétien sur fond de légendes orientales pourrait être d'une rare délicatesse, mais ici, il ne parvient jamais à s‘effectuer réellement sans discordances.
Côté musique donc, la partition est solidement défendue par un Simon Rattle très engagé et par les musiciens bien motivés comme savent l'être les Anglais qui défendent une cause de l'Orchestre de l'âge des Lumières sur leurs instruments anciens. Le chef britannique évite le piège des suavités et des alanguissements suggérés par le texte pour ne mettre en relief que les couleurs de la musique, et la manière dont l'alternance très théâtrale d'airs de récits et de choeurs donne une structure dynamique à l'ensemble.
Voix tour à tour fraîche, claire et trop tranchante, parfaitement stable mais trop souvent sans charme ni sensualité, Sally Matthews est une Péri courageuse plus que séduisante. Kate Royal a en revanche un timbre d'or, avec des moyens moins vigoureux, mais beaucoup de musicalité. Et sa partie est assez modeste, avec pourtant un air bien joli. Belle présence de Bernarda Fink dotant l'Ange de son très harmonieux mezzo.
Au vaillant ténor Mark Padmore revient le long et difficile rôle du narrateur, qu'il défend avec intelligence et beaucoup de solidité vocale. Dans ses quelques interventions, le jeune Andrew Staples ne démérite pas, mais en revanche la basse David Wilson-Johnson n'est pas vraiment au niveau de ses partenaires, manque de timbre, de projection, interprétation faible et confuse de son dernier air.
Le public a beaucoup aimé et fait un triomphe à tout le monde. Tant mieux pour les artistes. Il restera de ce concert davantage le souvenir d'une rencontre rare avec une oeuvre bizarre de Schumann et avec un bel ensemble orchestral bien dirigé que d'une soirée d'exception révélatrice d'une partition que l'on regrette de ne pas entendre plus souvent.
L'écriture vocale de Schumann qui oscille ici entre opéra et mélodie n'a ni la puissance requise par le premier ni le charme qu'il a su si génialement communiquer aux secondes. L'écriture orchestrale souvent très narrative est plus égale, mais nous sommes quand même assez éloignés des grandes émotions engendrées par les symphonies, le concerto et l'oeuvre pour piano, la musique de chambre, ou, justement, les grands cycles de Lieder.
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Théâtre des Champs-Élysées, Paris Le 08/12/2007 Gérard MANNONI |
| Le Paradis et la Péri de Schumann sous la direction de Sir Simon Rattle au Théâtre des Champs-Élysées, Paris. | Robert Schumann (1810-1856)
Le Paradis et la PĂ©ri, oratorio en trois parties
Texte d'Emil Fleching, d'après Thomas Moore
Sally Matthews (La PĂ©ri)
Kate Royal (une jeune fille et solos de soprano)
Bernarda Fink (L'Ange et solos de mezzo)
Mark Padmore (Le Narrateur)
Andrew Staple (Un jeune homme et solos de ténor)
David Wilson-Johson (Un homme et solos de basse).
Orchestra and Choir of the Age of Enlightenment
direction : Sir Simon Rattle | |
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