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CRITIQUES DE CONCERTS |
04 décembre 2024 |
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Nouvelle production de Cadmus et Hermione de Lully mise en scène par Benjamin Lazar et sous la direction de Vincent Dumestre à l'Opéra-Comique, Paris.
Lully, vingt ans après
Avant Atys, il n'y avait rien. Après Atys, il y eut trois ou quatre fois rien. Fort du succès de leur Bourgeois Gentilhomme, Vincent Dumestre et Benjamin Lazar ont osé leur première tragédie en musique sur la scène même du miracle orchestré en 1987 par William Christie et Jean-Marie Villégier, Cadmus et Hermione. Triomphe obligé.
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Frénésie de la danse
Clavecin itératif
Réserve expressive
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D'après ceux qui l'ont entendue et vue – car l'un ne peut aller sans l'autre concernant la tragédie lyrique –, la production d'Atys de Lully présentée à l'Opéra-Comique par William Christie et Jean-Marie Villégier fut plus qu'une résurrection, un miracle, une révolution, dont le principal bénéficiaire se révéla
Rameau, dont les oeuvres furent dès lors portées à la scène avec une exhaustivité qui relégua, malgré quelques tentatives sporadiques, l'opéra du Grand Siècle dans l'ombre des Lumières.
Depuis quelques années pourtant, l'Académie Baroque Européenne d'Ambronay a remis à l'honneur l'oeuvre dramatique du surintendant de la musique du Roi, proposant la première exécution moderne de Cadmus et Hermione en 2001. C'est cette première tragédie en musique de Lully et Quinault, à la fois laboratoire et manifeste de l'opéra français naissant, que Vincent Dumestre et Benjamin Lazar ont choisie pour leurs débuts dans le genre sur la scène idoine de la salle Favart.
Même s'il leur a fallu conjurer le souvenir encore vif d'Atys, le fondateur du Poème Harmonique et le disciple d'Eugène Green ne pouvaient échouer dans leur entreprise de reconstitution historique, déjà mise en oeuvre dans le Bourgeois Gentilhomme de Molière et Lully, tant leur maîtrise de la rhétorique semble évidente au regard de cette production.
Certes, le décor planté de nuages d'Adeline Caron est loin de ressusciter les fastueuses perspectives imaginées pour la création de l'ouvrage au Jeu de Paume de Bel-Air, ou sa reprise à Saint-Germain-en-Laye par Carlo Vigarini, ou encore la diversité des tableaux agencés par Jean Berain, son successeur à l'Académie royale de Musique. De même, le jeu des machines – vols et autres apparitions tour à tour monstrueuses ou divines – révèle, non sans ironie, une naïve modestie qui ne peut tout à fait rendre compte du merveilleux déployé par les grands maîtres du XVIIe siècle.
Mais l'équipe de Benjamin Lazar fait preuve d'un savoir-faire certain, qui ne pourra qu'être approfondi au fil des productions auxquelles le succès de ce premier essai semble devoir la promettre, car comme l'écrit le metteur en scène dans le copieux programme co-édité par le Centre de Musique Baroque de Versailles : « De même qu'un clavecin s'apprivoise avant de rendre les nuances qui semblaient dans un premier temps impossibles, l'éclairage à la bougie réclame un long travail et beaucoup d'ingéniosité pour parvenir à en exploiter toute la palette ».
Cette production ne se défend donc pas d'être aussi, d'abord un laboratoire. Ainsi, la distribution se distingue par un authentique travail de troupe assurément fondé sur une pédagogie tendant à gommer ce que la gestuelle baroque et la prononciation restituée du français, évident facteur d'intelligibilité, pourraient avoir d'artificiel aux yeux et aux oreilles contemporaines, et garantissant une unité stylistique sur laquelle la plupart des productions d'opéras baroques font malheureusement l'impasse.
Des chanteurs en manque de liberté
Faut-il en voir une conséquence néfaste dans le fait qu'à l'exception du Cadmus d'André Morsch, qui réserve dans son monologue du cinquième acte Belle Hermione, hélas ! puis-je être heureux sans vous ? le seul véritable moment d'émotion de la soirée, et de l'Arbas brillamment fanfaron d'Arnaud Marzorati, aucune personnalité vocale ne se détache, les chanteurs peinant à investir l'espace de liberté que leur concèdent malgré tout un jeu, une déclamation et un chant extrêmement codifiés ?
Absolument abouti apparaît en revanche le travail de Vincent Dumestre, animant d'une respiration ample un Poème Harmonique dont les sonorités à la fois patinées et charpentées encadrent et pimentent les rebondissements un rien mécanique de cette fausse tragédie où personnages sérieux et burlesques se mêlent avec cette liberté héritée de l'opéra vénitien qui disparaîtra de la tragédie lyrique à partir de Thésée, que le Théâtre des Champs-Élysées présentera à partir du 20 février sous la direction d'Emmanuelle Haïm, et dans une mise en scène de Jean-Louis Martinoty, deuxième épisode d'un hiver décidément faste pour Lully et Quinault.
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Opéra Comique - Salle Favart, Paris Le 21/01/2008 Mehdi MAHDAVI |
| Nouvelle production de Cadmus et Hermione de Lully mise en scène par Benjamin Lazar et sous la direction de Vincent Dumestre à l'Opéra-Comique, Paris. | Jean-Baptiste Lully (1632-1687)
Cadmus et Hermione, tragédie en musique en cinq actes et un prologue (1673)
Livret de Philippe Quinault d'après les Métamorphoses d'Ovide
Danseurs, Choeur et Orchestre du Poème Harmonique
direction : Vincent Dumestre
mise en scène : Benjamin Lazar
chorégraphie : Gudrun Skamletz
collaboration à la mise en scène : Louise Moaty
scénographie : Adeline Caron
costumes : Alain Blanchot
éclairages : Christophe Naillet
maquillage : Mathilde Benmoussa
chef de choeur : Daniel Bargier
Avec :
André Morsch (Cadmus), Claire Lefilliâtre (Hermione), Arnaud Marzorati (Arbas / Pan), Jean-François Lombard (La Nourrice / Dieu champêtre), Isabelle Druet (Charite / Mélisse), Arnaud Richard (Draco / Mars), Camille Poul (L'Amour / Palès), David Ghilardi (Le Soleil / Premier Prince Tyrien), Geoffroy Buffière (Le Grand Sacrificateur / Jupiter), Romain Champion (Premier Africain / L'Envie), Vincent Vantyghem (Second Prince Tyrien), Luanda Siqueira (Junon / Aglante), Engénie Warnier (Pallas), Anthony Lo Papa (Second Africain), Jan Jereon Bredelwold (Achion), Elodie Fonnard (L'Hymen), Hélène Richer (Vénus). | |
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