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CRITIQUES DE CONCERTS 25 avril 2024

Première à l'Opéra de Lorraine du Sant'Alessio de Landi mis en scène par Benjamin Lazar et sous la direction de William Christie.

L'apothéose nancéienne de Saint Alexis
© Sylvain Guichard

Créé à Caen puis repris à Paris, le Sant'Alessio de Stefano Landi inaugurant la collaboration entre William Christie, qui sortit l'oeuvre de l'oubli en la gravant pour Erato voici déjà plus de dix ans, et Benjamin Lazar, champion de la reconstitution historique, trouve enfin à l'Opéra de Nancy un temple propice à son apothéose.
 

Opéra de Lorraine, Nancy
Le 25/01/2008
Mehdi MAHDAVI
 



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  • Parce que le Théâtre des Champs-Élysées nous semble définitivement inadapté, par sa configuration spatiale autant que par son acoustique, aux opéras du premier baroque italien, nous avons souhaité revoir le Sant'Alessio dans des conditions qui nous permettent d'en rendre compte avec l'acuité que mérite cette quasi-recréation appelée à faire date avant même sa réalisation. D'autant que la représentation parisienne à laquelle nous avions assisté n'avait pas manqué de nous rendre sceptique sur ce point. Beau spectacle, certes, et servi par des voix non moins belles qu'inattendues, mais aux mots indistincts, au continuo évaporé – Anna Caterina Antonacci subissait le même sort dans Era la notte.

    Les dimensions, l'intimité même de l'Opéra de Nancy nous invitent à affiner, voire infléchir ce jugement plus frustré que définitif, tant d'un point de vue théâtral que musical, grâce au caractère palpable que revêt la représentation. Ainsi, les tableaux agencés par Benjamin Lazar et son équipe prennent enfin vie, et justifient une démarche historique dont le récent Cadmus et Hermione révélait certaines limites.

    Plutôt que de reconstituer avec des moyens inévitablement moindres les fastes de l'opéra de cour du XVIIe siècle, le metteur en scène et sa scénographe Adeline Caron ont pris le parti, à notre sens plus inventif, de l'évocation. Point de toiles peintes, ni de machines à proprement parler, mais trois éléments architecturaux en bois inspirés des gravures de François Collignon illustrant l'édition originale de la partition, dont l'ingénieuse mobilité recrée les différents lieux décrits par le livret, et auxquels l'éclairage à la bougie confère des reflets cuivrés.

    © Nathaniel Baruch

    De même, Benjamin Lazar s'est appuyé sur le récit de l'écrivain français Jean-Jacques Bouchard, qui assista à la création de l'opéra au palais Barberini, pour la scène de carnaval qui clôt le premier acte. Mais alors que dans Cadmus à Hermione, la rhétorique gestuelle tendait à devenir une fin, se substituant à la notion, certes anachronique, de direction d'acteurs, elle apparaît ici comme un moyen, dont les chanteurs usent avec liberté et fluidité. Car si la Sposa de Max Emanuel Cencic s'y plie avec une ineffable grâce, préservant le travesti de l'artifice et de la caricature, la stature du Demonio de Luigi De Donato se suffit à elle-même, tandis que la Madre de Xavier Sabata tombe à genoux comme guidée par le mouvement des étoffes déployées en palette et drapés picturaux par Alain Blanchot.

    Contrarié en septembre 2004, dans son désir de ne distribuer David et Jonathas de Charpentier qu'à des garçons, comme il était d'usage au collège des Jésuites où l'opéra fut créé, par la mue tardive de deux pages du CMBV – le sort s'acharnait –, William Christie ne voit cette fois s'élever aucun obstacle à son respect de l'interdit papal excluant les femmes de la scène romaine. Largement dominée par les voix aiguës, la distribution réunit donc huit contre-ténors, sans que ne se trouve jamais fondée la crainte d'une uniformité des timbres.

    Prodige de clarté incarnée

    Prodige d'angélique clarté, et néanmoins incarnée, Philippe Jaroussky cisèle les lignes souvent aériennes du rôle-titre. D'une ampleur, d'une beauté de timbre uniques dans ce registre, Max Emanuel Cencic distille un envoûtant belcantisme d'avant l'heure, qui lisse parfois les consonnes. Face à la nourrice distinguée de Jean-Paul Bonnevalle, la Madre ogresque de Xavier Sabata est sans doute un rien excessive. Mais les valets de José Lemos et Damien Guillon forment un duo comique parfaitement contrasté. Et si la vocalité trop engorgée d'Alain Buet contrarie la langue italienne, Luigi De Donato assume l'étendue stupéfiante du Démon sans que le grain serré, noir de sa basse ne s'altère.

    Tant que le compositeur Stefano Landi et son librettiste Giulio Rospigliosi, futur pape Clément IX, divertissent, fidèles aux préceptes de la Contre-Réforme, en mêlant les formes et les genres, l'accompagnement scrupuleux des Arts Florissants, en parfait équilibre acoustique avec le plateau, fait au Sant'Alessio un bel écrin, auquel le régale apporte sa teinte démoniaque.

    Mais dès qu'ils édifient, pendant nécessaire selon Horace, et que le récitatif sermonne, s'aplanit, le continuo, pourtant coloré, perd tout ressort, berçant le fidèle sans contrecarrer les longueurs d'une première partie enchaînant les deux premiers actes. Non qu'il faille devancer le chanteur, maître de sa déclamation, mais relancer son discours lorsque celui-ci s'enlise dans une rhétorique peu familière à notre époque. Le défi n'en était que plus grand, et la somptuosité de sa réalisation d'autant plus admirable.




    Prochaines représentations : les 29 et 30 janvier à l'Opéra de Nancy, les 14 et 16 février au Grand Théâtre de Luxembourg.




    Opéra de Lorraine, Nancy
    Le 25/01/2008
    Mehdi MAHDAVI

    Première à l'Opéra de Lorraine du Sant'Alessio de Landi mis en scène par Benjamin Lazar et sous la direction de William Christie.
    Stefano Landi (1587-1639)
    Il Sant'Alessio, dramma musicale en trois actes (1632)
    livret de Giulio Rospigliosi.

    Maîtrise de Caen
    Les Arts Florissants
    direction : William Christie
    mise en scène : Benjamin Lazar
    collaboration artistique : Louise Moaty
    scénographie : Adeline Caron
    costumes : Alain Blanchot
    éclairages : Christophe Naillet
    chorégraphie : Françoise Deniau
    maquillages : Mathilde Benmoussa

    Avec :
    Philippe Jaroussky (Sant'Alessio), Max Emanuel Cencic (Sposa), Alain Buet (Eufimiano), Xavier Sabata (Madre), Damien Guillon (Curtio), Pascal Bertin (Nuntio), José Lemos (Martio), Luigi De Donato (Demonio), Jean-Paul Bonnevalle (Nutrice), Terry Wey (Roma, Religione), Ryland Angel (Adrasto), Ludovic Provost (Uno del choro).

     


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