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CRITIQUES DE CONCERTS |
13 octobre 2024 |
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Récital de la soprano Jessye Norman accompagnée au piano par Mark Markham à la salle Pleyel, Paris.
Jessye sera toujours Jessye
Depuis sa réouverture, Jessye Norman a retrouvé la salle Pleyel pour son rendez-vous annuel avec le public parisien. Après un programme entièrement consacré à la mélodie française, la diva américaine célèbre les cinq saisons : l'été, l'hiver, le printemps, l'automne et l'éternelle saison de l'amour avec cet éclectisme dont elle a l'irrésistible secret.
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S'il est bien un point que pas un des auditeurs du récital de Jessye Norman ce 16 mars 2008 à la salle Pleyel ne peut décemment nier, c'est que la diva chante à faire fuir les détenteurs de l'oreille absolue, tant son intonation se révèle assez constamment basse, sur une échelle allant du comma au demi-ton. Cela n'est d'ailleurs plus un mystère pour personne depuis de nombreuses années – rappelez-vous le scandale du bicentenaire de la prise de la Bastille : l'hymne national entonné par une noire américaine, qui plus est en froid avec le diapason ! Pour cette raison même, nous voulions passer ce détail sous silence, d'autant que nous l'avions souligné à l'occasion de la précédente venue de l'artiste à Paris.
Oui mais voilà , nos voisines de gauche n'ont eu de cesse de s'en faire l'écho entre chacune des vingt-deux mélodies composant le programme. Nous aimerions donc simplement leur faire remarquer, pour peu qu'elles nous lisent, et ainsi qu'à tous ceux pour qui ces défauts de justesse sont rédhibitoires, que lors de ses débuts parisiens à la salle Pleyel le 4 mai 1973 dans le rôle-titre d'Aida de Verdi, l'intonation de la grande Jessye était déjà des plus douteuses, et qu'en connaissance de cause, ils pourraient simplement s'abstenir d'assister à ses concerts, et par conséquent éviter d'importuner leurs voisins, plus sensibles à un rayonnement surnaturel.
Car telle qu'en elle-même, encore amincie peut-être, et la démarche légèrement plus souple que la saison passée, crinière déployée et bouche gigantesque prête à happer la salle entière l'espace d'un sourire ultra bright, la diva apparaît, lançant à ses 1800 fidèles I Love Paris de Cole Porter, ultime bis de son précédent récital. Et puisque pour Jessye Norman, la vie n'est pas rythmée par quatre, mais cinq saisons, soit les traditionnels été, hiver, printemps, automne, que magnifie l'éternelle saison de l'amour, le programme, en forme de best of irrésistiblement nostalgique, puise au gré des styles et des langues que la chanteuse anime de son swing inimitable.
Si la voix se déploie, de nouveau immense, en couleurs ensorcelantes, l'interprète sait, mieux que personne, tantôt alanguir, tantôt escamoter, en parfaite complicité avec son pianiste attitré et attentionné, Mark Markham, pour maquiller une souplesse dynamique rendue aléatoire par le passage des ans.
Bien que Brahms, Mahler, Strauss, et surtout Wagner impressionnent toujours, justement parce qu'elle leur insuffle cette généreuse sophistication qui est sa signature même, ce sont les songs de Michel Legrand, Vernon Duke, Joseph Kosma – les Feuilles mortes en anglais, reprises bouches fermées à l'octave inférieure –, George Gerswhin, et ce Weill a cappella qui nous la rendent intime. Enfin, sommet absolu, le Collier des Poèmes pour Mi, d'une sensualité quasi-sacrilège.
Et puis, le choix des bis est chez Jessye Norman un art à part entière : un Zueignung de Strauss qui, pour les sceptiques, achève de ressusciter la légende, un Je te veux de Satie comme une irrépressible montée de désir, à ne pas mettre entre toutes les oreilles, et l'évidence d'un Summertime aux ombres mêlées de Kirsten Flagstad et Sarah Vaughan. Même au quart de ton près, Jessye sera toujours Jessye !
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Salle Pleyel, Paris Le 16/03/2008 Mehdi MAHDAVI |
| Récital de la soprano Jessye Norman accompagnée au piano par Mark Markham à la salle Pleyel, Paris. | Johannes Brahms (1833-1897)
O komme, holde Sommernacht op. 58 n°4
Gustav Mahler (1860-1911)
Ich atmet' einen linden Duft, extrait des RĂĽckert-Lieder
Alban Berg (1885-1935)
Sommertage, extrait des Sieben frĂĽhe Lieder
Michel Legrand (1932)
Summer 1942, chanson originale du film
Hugo Wolf (1860-1903)
Geh, Geliebter, geh, jetzt, extrait du Spanisches Liederbuch
Alban Berg
Im Zimmer, extrait des Sieben frĂĽhe Lieder
Richard Strauss (1864-1949)
Lob des Leidens, op. 15 n°3
Johannes Brahms
Meine Liebe ist grün, op. 63 n°5
Hugo Wolf
Ich hab' in Penna, extrait de l'Italianisches Liederbuch
Hector Berlioz (1803-1869)
Villanelle, extraite des Nuits d'été, op. 7
Olivier Messiaen (1908-1992)
Le Collier, extrait des Poèmes pour Mi
Vernon Duke (1903-1969)
April in Paris, extrait de Walk a Little Faster
Alban Berg
Die Nachtigall, extrait des Sieben frĂĽhe Lieder
Richard Strauss
September, extrait des Vier letzte Lieder
Franz Schubert (1797-1828)
Die Liebe hat gelogen, D. 751
Kurt Weill (1900-1950)
September Song, extrait de Knickerbocker Holiday
Joseph Kosma (1905-1969)
Autumn Leaves
Richard Strauss
Ständchen, extrait des Sechs Lieder, op. 17
George Gershwin (1898-1937)
Love Walked In, extrait du film Goldwyn Follies
Our Love is Here to Stay
Richard Danielpour (1956)
I Envy Public Love
Richard Wagner (1813-1883)
Träume, extrait des Wesendonklieder
Jessye Norman, soprano
Mark Markham, piano | |
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