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CRITIQUES DE CONCERTS |
08 septembre 2024 |
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Comme dans Trois Soeurs, la composition dramaturgique de l'opéra est parfaitement soignée quoique foncièrement différente. Construite en une arche avec un point culminant, la dramaturgie de Lady Sarashina se révèle jusque dans la mise en espace : d'un équilibre parfait, composée de deux parties jumelles, dans lesquelles évoluent un anneau au fur et à mesure de l'oeuvre, anneau qui matérialise la conception cyclique du temps, mais qui symbolise aussi la route des astres, se rencontrant au point culminant ; le nœud nodal, où se rejoignent en somme le rêve et la réalité. De ce travail scénique se dégagent une indicible pureté, une légèreté et une évidence rhétorique rare qui font manifestement du bien sur nos scènes occidentales, un discours esthétique auquel ne pourrait pas même prétendre les mises en scène de Bob Wilson, d'une mouvance proche.
Certes, les acteurs ne sont pas japonais, et n'ont donc pas cette conception du centre, le hara, qui au milieu de cette souveraine légèreté, est le fil à plomb qui tient cet équilibre. Gêne donc un certain nombre de choses, comme le manque de présence pas toujours intentionnel de ces personnages quasi oniriques tout comme l'inélégance de la marche occidentale avec ses orteils benoîtement levés, détail certes, mais qui tranche de manière flagrante avec l'esthétisme japonais.
La moindre imperfection saute aux yeux dans cet équilibre aussi harmonieux que précaire, ne serait-ce qu'un clignement d'œil du à une déconcentration et qui surseoit à ce « regard de neige » typiquement japonais. C'est là toute la finesse et la subtilité aussi bien que la difficulté d'une mise en espace ouvragée et délicate.
Les chanteurs ont dans cette production les défauts de leurs qualités ; blancheur et évanescence de personnages vocalement et scéniquement parfois trop désincarnés, en particulier pour Peter Bording. Dans ce quatuor vocal, Mireille Delunsch est incontestablement celle qui gère le mieux cet équilibre entre l'incarnation et l'évanescence. L'ensemble demeure d'une bonne tenue et séduit par son unité et sa cohérence esthétique.
En fosse, Peter Eötvös transfigure un Orchestre de l'Opéra de Lyon qui s'illustre dans une belle recherche de timbres, digne d'une phalange aguerrie à la musique contemporaine. La musique plante souvent un climat harmonique recherché, conte et raconte, dans une musique théâtrale autant qu'onirique. L'univers sonore de Lady Sarashina et l'univers visuel d'Amagatsu se complètent magnifiquement, l'une étant le contrepoint de l'autre ; se dégagent de Lady Sarashina comme de Trois Soeurs une poétique singulière et un métier sûr plaçant indéniablement Eötvös et Amagatsu parmi les collaborations les plus réussies de l'Histoire lyrique.
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