altamusica
 
       aide
















 

 

Pour recevoir notre bulletin régulier,
saisissez votre e-mail :

 
désinscription




CRITIQUES DE CONCERTS 29 mars 2024

Nouvelle production de Médée de Cherubini mise en scène par Krzysztof Warlikowski et sous la direction de Christophe Rousset au Théâtre Royal de la Monnaie, Bruxelles.

Médée révélée
© Maarten Vanden Abeele

Nadja Michael (Médée)

À la Médée originale, impossible fusion de la tragédie classique et lyrique, le XXe siècle a préféré Medea, monstrueux et ultime avatar italianisé. Pour revenir à la source musicale, la production du Théâtre Royal de la Monnaie confiée à Christophe Rousset et Krzysztof Warlikowski n'en évite pas moins les dialogues en alexandrins pour restituer à la tragédie sa vérité crue.
 

Théâtre royal de la Monnaie, Bruxelles
Le 27/04/2008
Mehdi MAHDAVI
 



Les 3 dernières critiques de concert

  • Inspirations romantiques

  • Verdi sentimental

  • Perfection selon saint Jean

    [ Tous les concerts ]
     
      (ex: Harnoncourt, Opéra)




  • C'est dans une version hybride, avatar italien d'une traduction allemande, lestĂ©e de rĂ©citatifs stylistiquement incongrus par l'obscur Franz Paul Lachner soixante ans après sa crĂ©ation, que MĂ©dĂ©e de Cherubini est passĂ©e Ă  la postĂ©ritĂ©, sublimĂ©e par le gĂ©nie dramatique de Maria Callas, dont l'identification Ă  la magicienne infanticide estompait les monstruositĂ©s d'une partition dĂ©naturĂ©e.

    Le retour à la forme originale de l'opéra-comique, alternant chant et dialogues parlés, n'en pose pas moins un problème de taille. Où trouver des chanteurs capables de déclamer les alexandrins ronflants de François-Benoît Hoffmann, librettiste par ailleurs honorable, sans sombrer dans le ridicule ? L'équipe scénique de la nouvelle production du Théâtre Royal de la Monnaie a éludé la question, fissurant le marbre tragique de ces vers académiques en leur substituant une prose concise, actuelle jusqu'à la crudité – si les protagonistes non francophones de la distribution s'approprient avec un étonnant naturel, leurs partenaires surtimbrent leur langue maternelle avec une emphase très vieille école, qu'accuse une amplification trop artificielle.

    Sise dans un de ces non-lieux oĂą le sordide cĂ´toie le clinquant de symboles religieux dont la fidèle Malgorzata Szcześniak s'est fait une spĂ©cialitĂ©, Krzysztof Warlikowski enflamme les corps de MĂ©dĂ©e et Jason avec une vĂ©ritĂ© qui engendre la dĂ©mesure. Ă€ cet Ă©gard, le troisième acte laisse simplement pantois, conclu dans un silence glaçant par le claquement d'une porte.

    Confronté à un mythe antique, le metteur en scène polonais renoue ainsi avec sa violence originelle, sans toutefois déployer la même puissance dramaturgique que dans Iphigénie en Tauride. Car concentrée sur la figure de l'étrangère, beauté fatale aux origines lointaines, donc incertaines et dangereuses, qui vient jouer les trouble-fêtes, alors qu'un Jason assagi s'apprêtait à connaître un bonheur sans mélange avec l'innocente Dircé, la seule dont le chant fleurisse, en une de ces idylles américaines modèles qui défilent sur le rideau de scène dès avant l'ouverture, sur un fond sonore absolument sixties, la transposition se révèle signifiante par sa seule littéralité.

    Virginie Pochon (Dircé) / © Maarten Vanden Abeele

    La véritable révolution de Médée a donc lieu dans la fosse, où des Talens Lyriques chauffés à blanc libèrent enfin la pâte orchestrale des pesanteurs anachroniques qui l'ont souvent rendue indigeste, avec ces cuivres qui giflent, ces vents qui sifflent sur une rythmique implacable que cravache le geste concentré de Christophe Rousset, exaltant en Cherubini l'héritier autant que le précurseur, qui plus d'une fois, au-delà de Weber et de Bellini, annonce Wagner.

    À cette tornade instrumentale résiste un plateau somme toute assez fulgurant. Virginie Pochon fait, comme la partition l'y oblige, une Dircé banalement décorative, quand le Créon de Philippe Rouillon est, pour la même raison, un rustre sans envergure, comme l'est Thoas dans l'Iphigénie en Tauride de Gluck.

    Mais Ekatarina Gubanova déploie, l'espace d'un Ah ! nos peines seront communes, une ligne d'une tenue plus tout à fait classique, mais pas encore belcantiste, et d'un galbe vocal envoûtant. Toujours percutant d'émission, et d'une diction française admirable, Kurt Streit est un Jason exemplaire de rectitude virile, jusque dans sa veulerie.

    Bannissant toute orthodoxie vocale de son chant, et par-là même plus sauvage encore dans sa démesure, Nadja Michael est une Médée écorchée, au corps de liane consumée mu par cet amour qui n'a d'autre issue que le meurtre innommable, accusant rageusement les inégalités d'un ambitus meurtrier, qui voit jaillir d'un grave boueux, parfois éructé et d'un médium instable des aigus incendiaires, qui marquent la ligne au fer rouge.




    Théâtre royal de la Monnaie, Bruxelles
    Le 27/04/2008
    Mehdi MAHDAVI

    Nouvelle production de Médée de Cherubini mise en scène par Krzysztof Warlikowski et sous la direction de Christophe Rousset au Théâtre Royal de la Monnaie, Bruxelles.
    Luigi Cherubini (1760-1842)
    Médée, opéra-comique en trois actes (1797)
    Livret de François-Benoît Hoffmann, dialogues parlés réécrits par Krzysztof Warlikowski, Miron Hakenbeck et Christian Longchamp.

    Choeurs de la Monnaie
    Les Talens Lyriques
    direction : Christophe Rousset
    mise en scène : Krzysztof Warlikowski
    dĂ©cors et costumes : Malgorzata Szcześniak
    Ă©clairages : Felice Ross
    dramaturgie : Miron Hakenbeck
    vidéo : Denis Guéguin

    Avec :
    Nadja Michael (Médée), Kurt Streit (Jason), Ekatarina Gubanova (Néris), Philippe Rouillon (Créon), Virginie Pochon (Dircé), Violet Serena Noorduyn (première servante), Rachel Frenkel (deuxième servante).

     


      A la une  |  Nous contacter   |  Haut de page  ]
     
    ©   Altamusica.com