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CRITIQUES DE CONCERTS |
11 octobre 2024 |
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Nouvelle production du Chevalier à la rose de Strauss mise en scène par Nicolas Joel et sous la direction de Jiri Kout au Théâtre du Capitole, Toulouse.
Un Chevalier tout d’un bloc
Sophie Koch (Octavian) et Martina Serafin (la Maréchale).
C’est une production ultra-classique aux forces musicales musclées que propose le Théâtre du Capitole pour son nouveau Chevalier à la rose. La mise en scène aussi figurative que possible de Nicolas Joel s’inscrit d’emblée dans les grands classiques du genre et s’efface devant un plateau de grandes voix et la direction drue et surnuancée de Jiri Kout.
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On sait pertinemment en se rendant à Toulouse que les productions assurées par le maître des lieux ne révolutionneront pas notre vision des grands ouvrages du répertoire. Mais si son Elektra ou ses Maîtres chanteurs savaient sporadiquement apporter une touche d’originalité bienvenue, son Chevalier à la rose s’avère d’une littéralité absolue, et à aucun moment Nicolas Joel ne s’aventure dans l’interprétation, à l’instar d’un Otto Schenk dont la célébrissime mise en scène a été vue mille fois à Munich, à Vienne ou à Salzbourg.
Ce qui n’empêche un métier certain dans la caractérisation des rôles ou la gestion des scènes de foule, même si les rodomontades permanentes des hommes du baron finissent à la longue par lasser. La seule surprise du spectacle intervient lorsque le petit Mohammed renverse accidentellement le plateau du petit-déjeuner de la Maréchale, car même la scénographie d’Ezio Frigerio reste figée dans les somptueux stucs d’un palais blanc et or aux imposantes colonnes corinthiennes.
En fosse, Jiri Kout fait pétarader l’Orchestre du Capitole comme rarement, coupant la parole aux applaudissements en démarrant chaque acte sur les chapeaux de roue. La virtuosité si redoutable de la partition éclate au grand jour sans que jamais la formation toulousaine ne soit prise en défaut, mais la battue pèche souvent par une raideur – les épisodes de valse – et une surnuanciation globale qui contraignent le plateau à chanter à gorge déployée.
Et si le Chevalier à la rose bénéficie de tout l’attirail symphonique du génial orchestrateur qu’était Strauss, il est aussi et surtout, trois décennies avant Capriccio, art de la conversation et de la saveur des mots, aspect le plus lacunaire de cette production inattaquable quant à la qualité intrinsèque de ses intervenants.
Ainsi, d’une santé vocale et d’un aigu d’airain à même de couvrir ses collègues comme l’orchestre dans le trio final, la Maréchale de Martina Serafin évolue loin de la fragilité, des tourments et des rêveries, preuve que le rôle a plus à perdre qu’à gagner d’être confié à un Hochdramatisch. L’énergie même de l’émission de l’Autrichienne, ses accès de poigne – pour ne pas dire de virilité – sacrifient par trop la féminité frémissante de Marie-Thérèse.
L’Octavian fou d’amour de Sophie Koch
Véritable triomphatrice de la distribution, Sophie Koch est un Octavian fou d’amour, d’une fougue, d’un emportement qui sont idéalement ceux du jeune amant de dix-sept ans. Si le bas-médium manque parfois de chair, l’aigu, incendiaire, est d’un sublime rayonnement. Un léger enrobement de l’émission n’enlève encore rien à la qualité de l’allemand, et la Française joue de surcroît divinement la gourde et les contorsions vocales de Mariandel. Face à elle, jamais un timbre ne nous a autant rappelé Hilde Güden que celui d’Anne-Catherine Gillet, Sophie pétulante et acidulée, typée même, dont l’aigu peu souple est au moins d’une acuité offrant un beau potentiel dramatique.
Kurt Rydl est un Baron Ochs aussi kolossal qu’était la saison passée son Roi Marke, d’une présence écrasante. Jamais histrion ou ridicule, il distille au contraire un sérieux, une morgue qui ne peuvent que rendre le personnage plus antipathique encore, et se tire admirablement, au vu du poids de son instrument et d’un vibrato effrayant, des passages à haut-débit.
Les comprimari sont excellents – le chanteur italien tout en soleil du jeune Ismael Jordi, les intrigants – avec une mention toute particulière pour le Faninal d’un époustouflant panache – l’impact du timbre comme le mordant de la diction – du vétéran Eike Wilm Schulte, aussi percutant que dans les plus beaux souvenirs d’il y a vingt ans.
Théâtre du Capitole, jusqu’au 18 mai.
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Théâtre du Capitole, Toulouse Le 13/05/2008 Yannick MILLON |
| Nouvelle production du Chevalier à la rose de Strauss mise en scène par Nicolas Joel et sous la direction de Jiri Kout au Théâtre du Capitole, Toulouse. | Richard Strauss (1864-1949)
Der Rosenkavalier, comédie lyrique en trois actes (1911)
Livret de Hugo von Hofmannsthal
Coproduction avec le Teatro dell’Opera di Roma
Chœur et Orchestre du Capitole
direction : Jiri Kout
mise en scène : Nicolas Joel
décors : Ezio Frigerio
costumes : Franca Squarciapino
Ă©clairages : Vincio Cheli
préparation des chœurs : Patrick Marie Aubert
Avec :
Martina Serafin (Die Feldmarschallin), Kurt Rydl (Der Baron Ochs von Lerchenau), Sophie Koch (Octavian), Eike Wilm Schulte (Herr von Faninal), Anne-Catherine Gillet (Sophie), Ingrid Kaiserfeld (Jungfer Marianne Leimetzerin), Andreas Conrad (Valzacchi), Elsa Maurus (Annina), Ismael Jordi (Ein Sänger), Scott Wilde (Notar / Ein Polizeikomissar), Rémy Corazza (Ein Wirt). | |
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