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CRITIQUES DE CONCERTS |
05 octobre 2024 |
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Le Chant de la terre de Mahler par l’Orchestre national de Lille sous la direction de Jean-Claude Casadesus, avec la participation de la mezzo-soprano Violeta Urmana et du ténor Jon Villars au festival de St-Denis 2008.
Corps et âme
Régulièrement invité avec son Orchestre national de Lille au Festival de Saint-Denis, Jean-Claude Casadesus, dans le Chant de la terre de Gustav Mahler, a prouvé une nouvelle fois qu’il entretenait une relation privilégiée avec le compositeur viennois et des solistes parfaitement accordés à sa conception émouvante et pétrie d’humanité.
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Dans une conférence sur Mahler donnée en 1912 peu après sa mort, Arnold Schönberg affirmait que « ceux qui écrivirent une 9e symphonie se trouvaient déjà trop près de l’au-delà ». Sans nul doute avec le Chant de la terre – symphonie déguisée avec voix qui se présente comme un oratorio écrit à partir de poèmes chinois de Li Tai Po et Wang Wei traduits en allemand – le compositeur a-t-il voulu défier le sort ? Il n’entendra jamais son œuvre que son disciple Bruno Walter créera post-mortem à Munich, comme d’ailleurs la 9e symphonie à Vienne.
C’est cet esprit de contemplation de la vie passée, d’irréalité et de plainte de l’adieu où toujours, selon Schönberg : « il faut s’abstraire de toute attache terrestre et se sentir à l’aise dans un monde spirituel éthéré », que Jean-Claude Casadesus a installé le climat de son interprétation. Sans s’abstraire de la réalité de la vie (les cinq premiers Lieder) aux fragrances éthyliques entêtantes, à la juvénilité débordante, à l’ivresse de la nature, à la solitude automnale, il se projette corps et âme dans le dernier Lied avec mezzo-soprano (Der Abschied), déchirement à abandonner la vie terrestre, sérénité quasi métaphysique d’une fusion éternelle avec le cosmos là où la barre de mesure elle-même se dissout dans la musique.
Conscient de l’enjeu, l’Orchestre national de Lille, avec à sa tête le premier violon Fernand Iaciu, s’engage bien que ses moyens ne soient pas, on en convient, ceux de la Philharmonie de Vienne. En mahlérien inné, Jean-Claude Casadesus conduit ses troupes avec toute l’énergie, le dynamisme et l’élan dont on le sait capable, mais aussi avec le sentiment d’accéder à l’inexprimable.
Les solistes ne sont pas en reste dans cette trajectoire qui joue avec les sens : le ténor américain Jon Villars a une stature impressionnante et une santé vocale éblouissante, presque débordante, et la mezzo lituanienne Violeta Urmana – qui a d’ailleurs superbement enregistré l’œuvre avec Boulez – se montre capable d’apprivoiser un chant luxuriant et généreux accoutumé à Wagner, Verdi et Strauss, pour atteindre mezzo voce puis aux limites du silence cette dimension d’éternité de l’Adieu conclusif que Mahler, pourtant chef d’orchestre expérimenté, pensait impossible à diriger.
La tête dans les étoiles – même si le couvercle de nuages a envahi Saint-Denis –, le public sort la gorge serrée de cette quête de spiritualité.
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Basilique, Saint-Denis Le 03/06/2008 Michel LE NAOUR |
| Le Chant de la terre de Mahler par l’Orchestre national de Lille sous la direction de Jean-Claude Casadesus, avec la participation de la mezzo-soprano Violeta Urmana et du ténor Jon Villars au festival de St-Denis 2008. | Gustav Mahler (1860-1911)
Das Lied von der Erde (1908)
Violeta Urmana, mezzo-soprano
Jon Villars, ténor
Orchestre national de Lille
direction : Jean-Claude Casadesus | |
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