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CRITIQUES DE CONCERTS |
11 octobre 2024 |
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Création à l’Opéra de Paris de Melancholia de Georg Friedrich Haas dans la mise en scène de Stanislas Nordey, dans le cadre du festival Agora 2008.
Un opéra mort-né
Succès d'estime pour la création au Palais Garnier de Melancholia du compositeur autrichien Georg Friedrich Haas, et pourtant, à notre sens, un cuisant échec tant l’opéra s'adresse avant tout à l'intellect. La mise en scène redondante de Stanislas Nordey en aggrave de surcroît le manque de corps et l'absence de drame.
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À quoi attribuer la cruelle indifférence qui nous a traversée tout au long de la représentation de cette Melancholia donnée en création mondiale sous les ors carmins du Palais Garnier ? Le livret du grand écrivain norvégien Jon Fosse est pourtant digne d’intérêt, narrant l'histoire réelle du peintre paysagiste norvégien du XIXe siècle Lars Hertevig qui sombre dans la folie avec une simplicité presque maeterlinckienne.
La musique du compositeur autrichien Georg Friedrich Haas – fort connu dans son pays, moins dans nos contrées latines – n'apparaît pas non plus à l'image de son héros artiste démuni à qui l'on répète inlassablement : « Tu ne sais pas peindre ». Au contraire, Haas compose presque trop bien, avec ces amas de sons riches en harmoniques qui évoquent aussi bien Ligeti, Grisey ou Scelsi, magnifiquement servi en outre par un Klangforum Wien dirigé par un impérial Emilio Pomarico.
C'est que de ce monologue sans action, la musique semble dans un premier temps surjouer l'intrigue. Confortable, virtuose notamment dans les parties chorales (magnifique VokalenEnsemble Nova), elle répètera ses longs processus qui évolueront par la suite de la même façon à chaque scène, sans aucune espèce de construction dramatique.
Assumons, soit, que ce statisme musical soit porteur d'une étrangeté idoine à son sujet. Non, la principale fautive de ce gâchis est la mise en scène de Stanislas Nordey, qui commet ici l'erreur de représenter la folie de son personnage, de l'illustrer même en montrant son sur-moi, ses apparitions, sans faire appel à l'imaginaire du spectateur.
Tous les éléments mis sur le même plan, malgré de savants jeux de costumes blancs et noirs, empêchent l'incarnation des personnages, qui demeurent au rang de fantoches ; la faute n'en incombe pas au plateau, dont il faut citer la magnifique prestation du baryton-basse Otto Katzameier en Lars.
Melancholia, par son refus des contrastes, s'adresse ainsi avant tout à l'esprit – la musique de Haas aurait pourtant un riche potentiel d'épiphanies, de bonheurs ambigus si elle délaissait cet expressionnisme vieillot en contradiction avec ses subtiles textures répétitives – et crée in fine un objet lisse, absolument inoffensif, qui, loin de la bronca attendue, récoltera d'ailleurs un succès d'estime inespéré.
Pas d'enjeux, rien qui ne soit dramatisé, tout qui soit mis sous nos yeux jusqu'à l'indifférence la plus totale entraîne une sorte de produit de luxe européen, mais gageons que les amateurs d'opéra souhaitent davantage de drame, de corps et d'investissement, et que dans les manifestations du festival Agora – auquel Melancholia appartient –, elles préfèreraient ô combien les œuvres terrassantes de beauté de Gérard Grisey, notamment le Noir de l'étoile ou les Quatre chants pour franchir le seuil, qui montrent que la musique d'aujourd'hui, ce n'est pas cet académisme-là , c'est nouveau, c'est surprenant, c'est plein de couleurs et surtout, c'est vivant.
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