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CRITIQUES DE CONCERTS |
11 décembre 2024 |
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RĂ©cital du pianiste Krystian Zimerman Ă la salle Pleyel, Paris.
Le piano selon Zimerman
Pianiste magistral mais pas vraiment comme les autres, le Polonais Krystian Zimerman, disposé à ne jouer que sur ses propres instruments, a une fois encore proposé une approche très individualisée d’un programme savamment conçu, sous la forme d’une promenade musicale à travers les siècles. Une expérience unique à la salle Pleyel.
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S’il est vrai que les plus grands interprètes ont chacun une personnalité bien marquée, il en est qui parviennent, dans cet Olympe très sélectif, à tracer leur propre route de manière encore plus différente. C’est le cas de Krystian Zimerman, qui a su, depuis plus de trente ans, se maintenir parmi cette élite enviée, mais en empruntant des chemins bien à lui.
Si analyse et réflexion profondes tiennent une large place dans son travail, on ne saurait pour autant le qualifier d’intellectuel car les rapports humains et la sensibilité ont toujours été aussi primordiaux pour lui, dans son rapport sur la durée avec des maîtres comme Leonard Bernstein, dans sa volonté de retrouver avant tout les sources d’inspiration de chaque œuvre.
On sait aussi qu’il se passionne pour la facture de pianos à laquelle il se consacre, tout comme pour la direction d’orchestre. Ce souci d’authenticité, de vérité dans le domaine du son, le conduit d’ailleurs, comme jadis Michelangeli, à ne jouer que sur ses propres instruments, exigence encore plus pointue que celle d’autres illustres pianistes dont on sait le soin qu’ils apportent au réglage du piano qu’ils vont utiliser en arrivant dans une salle de concert. Pour toutes ces raisons, ajoutées bien sûr à ce que l’on peut appeler plus simplement le talent, un récital Zimerman demeure un moment particulier dans la vie du mélomane.
Dans ce programme conçu comme « une promenade musicale à travers les siècles », selon ses termes mêmes, Krystian Zimerman nous conduit de Bach à Szymanowski, en passant par Beethoven et Brahms. Œuvres de jeunesse pour les deux premiers, ou tardives pour les deux derniers, souvent dans la même tonalité, tout est pensé en similitude d’inspiration et en contraste d’écriture.
Des structures sobres de la 2e partita en ut mineur BWV 826 de Bach à celles tout aussi rigoureuses mais plus libérées de la Sonate op. 111 de Beethoven, du romantisme intense mais intériorisé des Klavierstücke op. 119 de Brahms aux éclats virtuoses brillantissimes des Variations sur un thème populaire polonais en si mineur op. 10 de Szymanowski, c’est à la fois une volonté de respect de l’écriture et de fidélité à ce qui l’a inspiré qui marque les interprétations du pianiste.
Images aux couleurs plutôt romantiques pour Bach, op. 111 de Beethoven volontairement abordée en songeant que le compositeur n’était pas un vieillard lorsqu’il l’écrivit puisqu’il avait exactement « l’âge que j’ai aujourd’hui » – soit 52 ans – comme le dit Zimerman, pièces de Brahms replacées dans leur temps, période très mouvante et éclectique où se mêlaient les derniers feux du romantisme et les premiers éclats de ce qui serait le XXe siècle, hommage enfin au jeune Szymanowski et étincelante manière de faire quand même un peu de grande virtuosité tout en célébrant la musique polonaise, rien n’est approché en fonction d’idées reçues.
Même si l’on ignorait tout ce qui concourt à faire la spécificité du jeu de Zimerman, on ne peut manquer d’être touché, séduit, passionné par ses propositions, tant elles sont à la fois différentes et lisibles, immédiatement en phase avec la sensibilité de l’auditeur. On voudrait pouvoir réentendre ces moments extraordinaires de musique, tout en sachant qu’ils sont impossibles à fixer, même si la très importante discographie du pianiste peut en être un miroir, une sorte de mémoire, seulement, car chaque concert est un instant insaisissable, éphémère, ce qui accroît sa force, sa valeur.
Ce programme sera redonné aux Flâneries musicales Reims le 22 juin, mais on sait forcément que ce ne sera pas la reproduction stéréotypée de ce que nous avons entendu salle Pleyel. Quel bonheur !
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Salle Pleyel, Paris Le 11/06/2008 GĂ©rard MANNONI |
| RĂ©cital du pianiste Krystian Zimerman Ă la salle Pleyel, Paris. | Johann Sebastian Bach (1685-1750)
Partita n° 2 en ut mineur BWV 826
Ludwig van Beethoven (1770-1827)
Sonate pour piano n° 32 en ut mineur op. 111
Johannes Brahms (1833-1897)
KlavierstĂĽcke op. 119
Karol Szymanowski (1882-1937)
Variations sur un thème populaire polonais en si mineur op.10
Krystian Zimerman, piano | |
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