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CRITIQUES DE CONCERTS 19 mars 2024

Création de Machinations de Georges Aperghis à l'IRCAM, Paris.

Est-ce que les machines pensent ?

À mi-chemin entre le théâtre, la télévision et la musique, Machinations de Georges Aperghis est un surprenant objet opératique dont la qualité première - et rare en création contemporaine- est d'être jubilatoire.
 

Espace de projection, IRCAM, Paris
Le 06/06/2000
Olivier BERNAGER
 



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  • Depuis un quart de siècle, Aperghis, d'origine grecque, travaille sur la voix, la théâtralité de la musique, et écrit des pièces basées sur la pure sonorité des mots dont la plus célèbre, Récitations , a fait partie des morceaux imposés au baccalauréat 1996 ! Machinations dans le contexte hi-tech de l'Espace de projection de l'Ircam est une sorte d'hymne à la joie. Etre là, dans le Saint des Saints de la technologie et pouvoir répéter à l'infini un mot, le promener dans l'espace, jouer à " Oreille chaude ", à " Jacques a dit ", à " Si c'est pas moi c'est l'autre " est une jubilation, un clin d'oeil au monde enfantin des comptines, au babil originel. Non, ils ne s'amusent pas bien sûr, Aperghis et son co-auteur François Regnault, mais ils sont si proches de l'enfance !
    Et c'est là le premier paradoxe de cet attachant spectacle : quel plaisir de toucher un jouet ultra sophistiqué : la technique Ircam et son Espace de projection ! Quant à nous spectateurs, le nôtre sera celui d'assister à une scène étrange pendant quelques premières minutes, mais familière bientôt.
    Soit sur la scène quatre dames, on pense à un rang de dactylos dans une Compagnie d'Assurances des années 60, elles papotent en tapant pendant les heures de travail. " A entraîne B, B entraîne C, C entraîne DS " à l'infini, et nous voici entraînés dans une symphonie de mots, de situations saugrenues ou ingénues. Le maître d'oeuvre de la scène est l'informaticien : au bout de la rangée devant ses écrans, il jubile d'être là sur le devant de la scène et le dit d'entrée. C'est qu'Aperghis n'oublie pas qu'il est fils de son temps, il montre ces artistes qui vivent dans l'ombre en successeurs des facteurs d'instruments de musique, ces informaticiens qui développent les outils nécessaires aux compositeurs.
    Pour joindre le geste à la parole, Aperghis a disposé quatre écrans derrière les dames. On y voit le grossissement d'objets que le compositeur qualifie de " primordiaux " : des feuilles d'arbre, des bouts de bois, des traces de doigts rappellent-ils la présence de la nature face à la technologie ? En tout cas, ils sont grossis, transformés, détournés, ils offrent une piste à l'imagination d'autant que ce sont les dames qui les manipulent.


    Que dit le texte ? Il parle de machines. Il rappelle que la machine transforme, que l'homme peut être transformé en machine, et vice-versa. Le sommet de cette glose tient dans une phrase : " Est-ce que les machines pensent ? " Question rendue drôle dans ce contexte, mais qui n'est pas si jeune, quand on y pense, et si les navettes tissaient d'elles-mêmes (Aristote) ? Que fait l'informaticien ? Il empêche tout ce petit monde de penser en rond, il perturbe, il crée des tensions, il fait l'artiste en quelque sorte ainsi (à cause de lui ?) les dames vont se disputer, les mots fuser, les cris, les gestes, les attitudes corporelles vont s'inscrire dans un univers sonore autant que théâtral. Le langage musical d'Aperghis est celui d'un compositeur d'opéra : le mot est musique. Chaque phonème est pris pour lui même, pour ses qualités sonores examinées au microscope, mis en espace ou traduit en image sur les quatre écrans. Aperghis va beaucoup plus loin dans cette partition que dans ses précédentes oeuvres notamment son Sextuor dont plusieurs passages de " Machinations " semblent être issus. On attend maintenant après l'IRCAM qu'il s'empare du web !




    Espace de projection, IRCAM, Paris
    Le 06/06/2000
    Olivier BERNAGER

    Création de Machinations de Georges Aperghis à l'IRCAM, Paris.
    Machinations de Georges Aperghis
    Spectacle musical en création française.
    Musique et mise en scène : Georges Aperghis
    Lumières et vidéo : Daniel Levy
    Technique Ircam
    Texte : François Regnault et Georges Aperghis
    Avec Sylvie Levesque, Donatienne Michel Dansac, Sylvie Sacoun et Geneviève Strosser (voix), Olivier Pasquier (ordinateur).

     


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