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CRITIQUES DE CONCERTS 11 décembre 2024

Nouvelle production du Château de Barbe-Bleue de Bartók mise en scène par Johan Simons et sous la direction de Peter Eötvös au festival de Salzbourg 2008.

Salzbourg 2008 (3) :
Un château kafkaïen

© Monika Rittershaus

Michelle DeYoung (Judith) et Falk Struckmann (Barbe-Bleue).

Mise en scène du Château de Barbe-Bleue de Bartók par Johan Simons au festival de Salzbourg sous la direction de Peter Eötvös, augmentée des Vier Orchesterstücke et de la Cantata profana. Une production énigmatique, non dépourvue de poésie et d’idées, servie par un orchestre de toute beauté et des chanteurs engagés sinon toujours séduisants.
 

GroĂźes Festspielhaus, Salzburg
Le 18/08/2008
Thomas COUBRONNE
 



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  • Si le Château de Barbe-Bleue de BĂ©la BartĂłk manifeste une conception d’ensemble cohĂ©rente, l’adjonction des Quatre pièces pour orchestre en guise d’ouverture devant le rideau et de la Cantata Profana en manière de prologue nous semble plutĂ´t le fruit du goĂ»t du jour, qui s’accommode mal d’un opĂ©ra d’une heure seulement.

    Certes, le mélomane y trouve son compte, d’autant que Peter Eötvös excelle à ensorceler les contrastes lumineux d’une partition trop rare et transfigurée ici par la limpide ductilité des Wiener Philharmoniker. Mais on cherchera en vain une véritable continuité, un éclairage qu’apporterait une œuvre sur le sens de l’autre ; car c’est au fond la principale faiblesse de ce spectacle, que le sens y demeure obscur malgré d’indéniables qualités.

    La scénographie, d’abord, fait preuve tout ensemble d’une imagination et d’une modernité absolument pas surfaites. Harmonieusement construit autour des fenêtres auxquelles s’agglutinent les masses chorales, le décor de la Cantata, urbain, contemporain, et d’un primitivisme à la fois violent – les explosions de couleurs vives, le geste prophétique de certaines figures peintes sur le fond – et naïf – l’oiseau mort sur une cabane d’enfant –, compense l’inexistence assumée mais pas pour autant convaincante du jeu des acteurs. On pense à Kafka, à son univers absurde enfermé dans la ville, l’homme, la société, et où pourtant la nature a par son absence une place douloureusement lointaine, désirée, consolatrice et mystique.

    © Monika Rittershaus

    Ce qui ne manque ni dans le décor ni dans l’orchestre – l’appel de la nature, la contemplation des grands espaces – ne sera hélas qu’évoqué par l’immobilité des chanteurs, et tout à fait évacué d’un chant sans subtilité, aux accents durs et dépourvu d’aucun mystère, que ce soit chez un Falk Struckmann rauque ou chez un Lance Ryan qui, outre une intonation hasardeuse et une émission droite et pincée, prive son Cerf enchanté de la plus petite aura de noblesse ou de merveilleux.

    Tandis qu’un changement de décor révèle les courbes superposées d’un arbre et de ses ombres portées – en quelque sorte la quintessence de l’arbre en tant que symbole primitif et sa mémoire – débute le prologue du Château de Barbe-Bleue, souvent supprimé, qui nous rappelle que la scène se passe à l’intérieur de l’âme humaine. Ni portes, ni château, ni jardin, ni chambres secrètes, rien qu’un ancien combattant aveugle en fauteuil roulant et son infirmière.

    Fantasme, rituel ou jeu, l’exploration du château n’est ici qu’un prétexte à l’introspection, et n’a pas plus de réalité que le sang ou la lumière dont il est partout question dans le livret : c’est à une plongée dans les méandres de sa mémoire et de ses angoisses que se livre Barbe-Bleue, guidé par une Judith totalement imprévisible, tantôt débordante de tendresse, tantôt moqueuse et frivole, tantôt caressante et séductrice, tantôt cruelle et froide.

    Abstraction et équivocité

    Si la relation entre les deux personnages, riche et ambiguë, servie par des interprètes engagés et convaincants, y trouve un intérêt, on reste malgré tout frustré par une trop grande abstraction et surtout par l’équivocité du résultat : Barbe-Bleue finit par succomber à un infarctus, mais Judith demeure énigmatique, sans qu’on sache jamais vraiment ce que le metteur en scène veut dire par là. On ne devine ni ses motivations, ni ses sentiments pour Barbe-Bleue, et par ce renversement de situation – c’est lui qui est faible, qui aime, qui meurt, c’est elle qui est possédée, qui tire les ficelles, qui sait –, on perd en signification ce qu’on gagne en liberté d’interprétation.

    Reste la musique, détaillée et mobile, débordante d’une palette de couleurs et de textures merveilleuse – cordes suaves ou bruitistes, dentelle des cuivres bouchés –, peut-être un rien trop lisse sous la baguette d’Eötvös qui ne donne jamais dans une sauvagerie attrayante mais il est vrai un peu facile. S’y coulent une Michelle DeYoung très en voix, en inflexions et en coloris vocal, ici mellifère, là despotique, et un Falk Struckmann dont on pourra admirer le monolithisme ou détester la brutalité, mais dont les rugissements – à nos oreilles assez insupportables – ne laisseront pas indifférent.

    L’étrangeté de cette production ouvre bien des interrogations, et, succès ou déception, le Château de Barbe-Bleue aura rarement livré aussi peu de ses secrets.




    GroĂźes Festspielhaus, Salzburg
    Le 18/08/2008
    Thomas COUBRONNE

    Nouvelle production du Château de Barbe-Bleue de Bartók mise en scène par Johan Simons et sous la direction de Peter Eötvös au festival de Salzbourg 2008.
    BĂ©la BartĂłk (1881-1945)
    Quatre pièces pour orchestre, op. 12 Sz 51(1912-1921)
    Cantata profana, les Neuf cerfs enchantés, Sz 94 (1930)
    Le Château de Barbe-Bleue, op. 11 Sz48 , opéra en un acte (1911-1918)
    Livret de Béla Balazs d’après un conte de Perrault

    Konzertvereinigung Wiener Staatsopernchor
    Mozarteum Orchester Salzburg (musique de scène)
    Wiener Philharmoniker
    direction : Peter Eötvös
    mise en scène : Johan Simons
    décors : Daniel Richter
    costumes : Greta Goiris
    Ă©clairages : Mark Van Denesse
    préparation des chœurs : Jörn H. Andresen

    Avec :
    Lance Ryan (le Fils), Falk Struckmann (le Père / Barbe-Bleue), Michelle DeYoung (Judith), André Jung (le Barde).

     


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