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CRITIQUES DE CONCERTS |
11 décembre 2024 |
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Création de l’opéra Divorce à l’italienne de Giorgio Battistelli dans la mise en scène de David Pountney et sous la direction de Daniel Kawka à l’Opéra de Lorraine.
Le rire star d’opéra
Wolfgang Ablinger-Sperrhacke (Don Féfé) et Bruno Pratico (Rosalia)
Quel plaisir ! Pour tous ceux qui croient que l’opéra contemporain est d’un ennui à dormir debout, l’Opéra de Lorraine apporte un démenti éclatant. On rit tout au long de cette création mondiale dont le sujet reprend celui d’un chef-d’œuvre du cinéma, couronné au début des années 1960 par le festival de Cannes et les Oscars d’Hollywood : Divorce à l’italienne.
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Souvenez-vous de Marcello Mastroianni, mari pleutre, ingénieux et amoureux d’une jeunette qui dans une région, la Sicile, où le divorce est inexistant, se débarrasse, après maintes péripéties, par le crime, d’une épouse encombrante ! Telle est la trame de l’opéra du compositeur italien Giorgio Battistelli. Celui-ci est très connu pour l’adaptation de chefs-d’œuvre cinématographiques comme Prova d’orchestra de Fellini naguère à Strasbourg. Il réussit avec Divorce à l’italienne une œuvre comme il en existe peu dans l’univers lyrique actuel : espiègle, savoureuse, sans prétention.
Le décor plonge dans l’univers futuriste de Giorgio de Chirico avec ses couleurs acides et ses ombres froides. La jovialité chaleureuse des relations familiales n’est qu’apparente. La famille et ses relations conflictuelles d’hier et d’aujourd’hui sont au centre du propos. À part Angela (la soprano roumaine Theodora Georghiu), dont est amoureux le héros Don Féfé, tous les autres rôles féminins sont incarnés par des hommes.
Pour le compositeur, dans le monde contemporain, ce sont les femmes qui portent la culotte. Mammas adipeuses ou maigres ronchonnes aux voix tonitruantes ou grêles, elles ne s’occupent qu’apparemment à faire cuire la pasta. Elles sont le moteur d’une histoire où, dès le début, tout fout le camp, idées, sentiments et même objets à l’image de cette cuisinière curieusement accrochée perpendiculairement à un mur.
Avec ingéniosité sur une scène en gradins, le metteur en scène anglais David Pountney fait en permanence référence au cinéma avec, par exemple, des coups de projecteurs en halo, comme dans les comédies musicales des années 1930. Sur un écran de cinéma sont projetées des vidéos évoquant des scènes du passé et du présent.
Nous entrons même dans les rêves du héros imaginant par les moyens les plus biscornus, poison ou sèche-cheveux plongé dans une baignoire, de se débarrasser de sa femme avant d’en venir à l’idée géniale de provoquer l’adultère pour se donner le prétexte de commettre un crime pour venger son honneur bafoué.
À ce qui pourrait n’être qu’une farce un peu facile, le metteur en scène anglais ajoute une distanciation pince-sans-rire qui fait merveille au même titre que les décors et les costumes au parfum néo-réalistes. L’ombre du génial Mastroianni plane sur le personnage de Don Féfé. Certes, les mimiques de Mastroianni nous manquent, mais sans jamais vouloir se référer à son modèle, le chanteur autrichien Wolfgang Ablinger-Sperrhacke impose un personnage calculateur et sympathique.
Un couple Ă la Dubout
Irrésistible de drôlerie est le couple à la Dubout formé par Rosalia (Bruno Pratico) et son amant Carmelo Patanè (Bernhard Landauer). Il y a tant à voir et à rire sur le plateau entre les décors, les personnages si hauts en couleurs, l’écran vidéo, qu’on en oublierait presque la musique alors qu’on est à l’opéra. Sans doute se fait-elle trop timide, forte à certains moments, mélodique et épineuse, très difficile pour les chanteurs, elle souligne surtout les situations et les états d’âme.
À la première écoute, elle paraît plus une musique de film que d’opéra et ne s’impose pas assez. À la seconde, on est subjugué par la manière dont elle s’infiltre dans l’action, soulignant les propos échangés ainsi que les conversations intimes. Le compositeur italien Giorgio Battistelli, dans la mouvance de Stockhausen, de Kagel et de Henze, s’était déjà inspiré de scénarios cinématographiques. Dans sa musique, il construit une partition fondée sur l’autodérision, l’ironie et le sarcasme mais aussi sur l’émotion pour faire feu sur la morale.
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Opéra de Lorraine, Nancy Le 30/09/2008 Nicole DUAULT |
| Création de l’opéra Divorce à l’italienne de Giorgio Battistelli dans la mise en scène de David Pountney et sous la direction de Daniel Kawka à l’Opéra de Lorraine. | Giorgio Battistelli (*1953)
Divorzio all’italiana, action musicale pour le crépuscule de la famille en vingt-trois tableaux
Livret du compositeur, librement adapté du film de Pietro Germi
Création mondiale, commande de l’État.
Chœurs de l’Opéra national de Lorraine
Orchestre symphonique et lyrique de Nancy
direction : Daniel Kawka.
mise en scène : David Pountney
décors, costumes : Richard Hudson
Ă©clairages : Fabrice Kebour
vidéo : Fettfilm (Momme Hinrichs & Torge Møller)
Avec :
Wolfgang Ablinger-Sperrhacke (Don Féfé), Bruno Pratico (Donna Rosalia), Jean Segani (Don Gaetano), Peter Edelmann (Donna Matilde), Olivier Grand (Don Calogero Giacalone), Pascal Desaux (Donna Fifidda), Teodora Gheorghiu (Angela), Bernhard Landauer (Carmelo Patanè), Xavier Szymczak (Immacolata Patanè), Benjamin Colin (Felicetto), Wenwei Zhang (Il Dottore Talamone), Julien Veronese (Don Ciccio). | |
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