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CRITIQUES DE CONCERTS |
22 mars 2025 |
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Entrée au répertoire de l’Opéra de Paris de la Fiancée vendue de Smetana dans la mise en scène de Gilbert Deflo et sous la direction de Jirà Belohlávek au Palais Garnier.
Une fiancée qui sut attendre
Christiane Oelze (Marenka)
Il aura fallu presque un siècle et demi pour que la Fiancée vendue, chef-d’œuvre de Smetana et plus généralement du répertoire tchèque, ait les honneurs de l’Opéra de Paris ! Retard considérable mais enfin rattrapé avec cette agréable production signée Gilbert Deflo qui permet d’écouter paisiblement une musique magnifique.
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Même si la version définitive de la Fiancée vendue, avec tous ses airs et les récitatifs remplaçant les dialogues, ne vit le jour qu’en 1870, soit quatre ans après une première mouture moins développée et plus proche du Singspiel, il a quand même fallu bien des années avant que ce merveilleux opéra arrive sur notre première scène nationale.
Le livret, certes, n’est pas de nature à soulever de brillantes discussions au cours des dîners de l’intelligentsia parisienne, surtout aujourd’hui où la psychanalyse a envahi le monde lyrique par l’entremise des « dramaturges », créatures désormais omniprésentes dans toute distribution et dont on se passait fort bien voici peu encore.
Même si l’on admet que le thème abordé ici va plus loin qu’une gentille intrigue campagnarde et traite en fait du drame des fils nés d’un premier lit et chassés de chez eux par une marâtre – Cendrillons masculins, en quelque sorte –, le ton n’est jamais tragique. Bien au contraire. Tout est pétri de bon sentiments et de joie de vivre, et l’on ne croit pas une seconde que l’amour des deux héros si sympathiques soit en danger.

D’autant que Gilbert Deflo, dans un décor de William Orlandi hélas trop peu festif pour le climat général de l’œuvre, joue franchement le jeu de la comédie, avec personnages caricaturaux et accessoires. C’est vivant, bien fait et cela permet sans avoir à s’interroger en permanence sur la signification au quatorzième degré de ce que l’on voit, de profiter d’une superbe musique bien chantée et bien jouée par l’orchestre.
Car c’est là que réside la force de cette partition et son droit à être qualifiée de chef-d’œuvre. D’abord, il y a l’ouverture, qui annonce en quelque sorte la nature de ce que l’on va entendre. Aussi largement développée, richement orchestrée et brillamment écrite qu’un mouvement de symphonie, elle préfigure ce que l’orchestre aura ensuite à jouer, c’est-à -dire une musique certes largement inspirée par des thèmes et des rythmes populaires fort savoureux, mais d’une extrême richesse harmonique et d’un écriture très savante. C’est un régal permanent de couleurs, de variations dynamiques, de poésie expressive, de générosité et surtout d’intelligence d’écriture orchestrale.
Là -dessus se greffe un traitement des voix dans la pure tradition romantique, donc respectueux des timbres et du gosier des chanteurs. On a souvent dit que Smetana alliait Wagner et Mozart. Ici, ce serait Wagner pour la richesse orchestrale et Mozart pour la lisibilité des voix. Alors, si l’on accepte pour une fois de laisser son psy au vestiaire avec les manteaux et d’ouvrir tout grand ses oreilles et son cœur, on passe une grande soirée de musique.
Une distribution sans défauts
D’autant que distribution rĂ©unie est sans dĂ©fauts. Marenka, la fiancĂ©e qui va se croire vendue par son amoureux, est la jolie et bien chantante Christiane Oelze, voix claire, fraĂ®che, agrĂ©able, sans problèmes. Son faussement traĂ®tre fiancĂ©, JenĂk, est le fort sympathique tĂ©nor Ales Briscein, physique de blondinet on ne peut plus adĂ©quat, bon comĂ©dien, voix bien en place, sonore et mallĂ©able. Il est totalement crĂ©dible de bout en bout et sera aussi un excellent Jaquino dans la toute proche production de Fidelio.
Franz Hawlata prend un évident plaisir à incarner le marieur hâbleur Kecal, plaisir très communicatif. Composition aussi très réussie de Christoph Homberger pour ce malheureux Vašek, aussi niais que bègue. Et puis, un coup de chapeau au grand Heinz Zednik, ici dans le rôle modeste du Maître de manège, mais qui fut, ne l’oublions pas, l’une des pierres angulaires de la Tétralogie du centenaire à Bayreuth, où il incarna d’immortels Loge et Mime sous la direction de Patrice Chéreau et Pierre Boulez. Tous les autres sont sans reproche, le chœur aussi, chargé d’une partie importante, et les danseurs acrobates qui animent les nombreuses parties dansées le font avec élégance et goût.
Reste la direction de Jirà Belohlávek. Doit-on lui reprocher d’être un peu bruyante ? Ce serait injuste de ne retenir que cela car le chef tchèque donne, avec parfois trop d’intensité il est vrai, une lecture magistrale de la partition, sans doute plus symphonique que théâtrale, mais qui met en valeur toutes les qualités qu’il faut apprécier dans ce chef-d’œuvre débordant de lumière, de vie, à la fois si direct si savant.
Palais Garnier, jusqu’au 2 novembre.
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Palais Garnier, Paris Le 11/10/2008 GĂ©rard MANNONI |
 | Entrée au répertoire de l’Opéra de Paris de la Fiancée vendue de Smetana dans la mise en scène de Gilbert Deflo et sous la direction de Jirà Belohlávek au Palais Garnier. | Bedrich Smetana (1824-1884)
Prodaná Nevesta, opéra comique en trois actes (1866)
Livret de Kerel Sabina
Chœurs et Orchestre de l’Opéra national de Paris
direction : Jirà Belohlávek
mise en scène : Gilbert Deflo
décors et costumes : William Orlandi
Ă©clairages : Roberto Venturi
chorégraphie : Micha von Hoecke
préparation des chœurs : Winfried Maczewski
Avec :
Oleg Bryjak (Krušina), Pippa Longworth (Ludmila), Christiane Oelze (Marenka), Stefan Kocán (MĂcha), Helene Schneiderman (Háta), Christoph Homberger (Vašek), Ales Briscein (JenĂk), Franz Hawlata (Kecal), Heinz Zednik (le MaĂ®tre de manège), Amanda Squitieri (Esmeralda), Ugo Rabec (l’Indien). |  |
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