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CRITIQUES DE CONCERTS |
11 octobre 2024 |
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Nouvelle production de Tosca de Puccini mise en scène par Patrice Caurier et Moshe Leiser et sous la direction de Jean-Yves Ossonce à Angers Nantes Opéra.
Vrai théâtre lyrique
Claudio Otelli (Scarpia) et Nicola Beller-Carbone (Tosca)
Tout juste créée au Théâtre Graslin de Nantes, cette Tosca vue par Patrice Caurier et Moshe Leiser est à l’affiche du Quai, le superbe et très moderne nouveau complexe inauguré il y a peu à Angers sur les rives de la Loire. Une vision modernisante de l’opéra de Puccini, défendue par une étonnante cantatrice-actrice.
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Tout d’abord, il a ce nouveau lieu, le Quai, faisant face au château d’Angers, sur l’autre rive de la Loire. L’architecture en est sobre, ample, belle, somme toute, avec ses lignes géométriques harmonieuses. La grande salle de presque 1000 places possède une fosse et un plateau de dimensions appréciables, une acoustique qui a semblé positive, peut-être un peu sonore pour l’orchestre, malgré les précautions prises par les metteurs en scène pour situer l’action à l’avant-scène, dans un décor prudemment clos par un vaste mur. Impression d’ensemble largement favorable, donc, pour cette nouvelle maison d’accueil pour l’opéra à Angers.
Ensuite, il y a une interprète, en la personne de Nicola Beller-Carbone. Grande, taille mannequin, desservie au I par un vaste manteau années 1950 des plus disgracieux, elle subjugue au II, cette fois dans un somptueux ensemble du soir très « haute couture » de la même époque, tant par son jeu que par son chant.
La voix n’a certes pas la sensualité immédiate de la grande amoureuse qu’est Tosca, mais elle est franche, longue, sans failles, et capable des plus fougueux élans comme des plus tendres murmures. Et puis, quelle actrice ! Patrice Caurier et Moshe Leiser ont parfaitement compris quel parti ils pouvaient tirer de pareille personnalité. Ils lui ont composé un personnage qui n’a rien à voir avec les traditionnelles émois de Tosca. C’est un peu « Tosca dans le privé », dépouillée de ses mines et de ses gestes de théâtre, une femme passionnée, intelligente, mais aussi fragile.
La scène du meurtre de Scarpia est à cet égard exemplaire, où elle est saisie d’un tremblement nerveux à peine l’acte accompli, lente évolution vers une libération de tout son être, bien plus efficace dramatiquement que l’habituel jeu de chandeliers et de crucifix. Mais encore faut-il avoir une cantatrice qui puisse assumer aussi brillamment ce véritable morceau de bravoure qui restera dans les annales des mises en scènes de l’œuvre.
Son partenaire est le jeune ténor chilien Giancarlo Monsalve. Il n’a guère que deux ou trois ans de carrière internationale derrière lui, un bon physique, une bonne voix encore un peu serrée mais devrait vite s’épanouir avec plus de richesse, surtout s’il ne la force pas. Le tout petit décrochage au milieu du Vittoria du II devrait lui servir d’avertissement. Ne pas chercher à faire plus de volume que le gosier ne peut pour l’instant en émettre. Cela viendra.
Autre grand meneur de ce jeu théâtral très fouillé, le Scarpia de Claudio Otelli est l’un des plus convaincants entendu depuis fort longtemps. Sous la baguette très experte et exacte de Jean-Yves Ossonce, l’Orchestre national des Pays de la Loire est un partenaire brillant de ce plateau d’exception, marqué aussi par l’étonnant Sacristain d’Erick Freulon. On dit bien qu’il n’y a pas de petits rôles mais seulement de petits interprètes. Freulon est un grand interprète d’un rôle soudain devenu grand !
Reste maintenant la mise en scène. On pourra discuter éternellement sur la valeur de certaines options, parfois inutilement provocatrices – Scarpia se masturbant sur la statue de la Vierge au I –, parfois simplement regrettables – Tosca se suicide d’un coup de revolver dans le cachot où Mario vient d’être exécuté au lieu de se jeter du haut du Château Saint-Ange, ce qui colle mal avec le grand déploiement émotionnel de la musique à cet instant –, parfois totalement adéquates – la scène de la mort de Scarpia.
Le reste n’est que détails : les costumes contemporains, discrets et passe-partout ; le manque de profondeur du décor, bénéfique pour les voix. L’important est la grande intelligence de l’ensemble, sa cohérence, et sa remarquable direction d’acteurs. C’est cela que l’on retiendra d’un travail une fois de plus hors des sentiers battus, mais pas pour ne rien raconter.
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Le Quai, Angers Le 10/10/2008 GĂ©rard MANNONI |
| Nouvelle production de Tosca de Puccini mise en scène par Patrice Caurier et Moshe Leiser et sous la direction de Jean-Yves Ossonce à Angers Nantes Opéra. | Giacomo Puccini (1858-1924)
Tosca, opéra en trois actes (1900)
Livret de Giuseppe Giacosa et Luigi Illica d’après le drame de Victorien Sardou
Maîtrise de la Perverie
Chœur d’Angers Nantes Opéra
Chœur Allegretto
Orchestre national des Pays de la Loire
direction : Jean-Yves Ossonce
mise en scène : Patrice Caurier & Moshe Leiser
décors : Christian Fenouillat
costumes : Agostino Cavalca
Ă©clairages : Christophe Forey
vidéo : Laurent Langlois
préparation des chœurs : Xavier Ribes & Gilles Gérard
Avec :
Nicola Beller-Carbone (Floria Tosca), Giancarlo Monsalve (Mario Cavaradossi), Claudio Otelli (le Baron Scarpia), Frédéric Caton (Cesare Angelotti), Erick Freulon (le Sacristain), Emanuele Giannino (Spoletta), Guy-Étienne Giot (Sciarrone), Éric Vrain (un Geôlier), Emmanuelle de Negri (un Berger). | |
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