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CRITIQUES DE CONCERTS 26 avril 2024

Premier volet de la Trilogie du diable au Grand Théâtre de Genève, avec le Freischütz de Weber mis en scène par Olivier Py et sous la direction de John Nelson.

Trilogie du diable (1) :
Trop de noir tue le noir

© Magali Dougados / GTG

Ellie Dehn (Agathe)

Le Freischütz d’Olivier Py à Genève donne le ton d’une Trilogie du diable qui promet d’être idéalement glauque. Omniprésence de panneaux de bois noir et rideau de scène digne de Saw, l’emblème de l’opéra romantique finit par sombrer dans une étouffante noirceur. Plus que par une distribution moyenne, la production est surtout handicapée par une lecture orchestrale proche de l’indigence.
 

Grand Théâtre, Genève
Le 07/11/2008
Yannick MILLON
 



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  • On connaĂ®t la prĂ©dilection d’Olivier Py pour les scĂ©nographies noir-Ă©bène, sa manière de creuser les ouvrages lyriques au plus profond des tortures de la psychĂ©, son obsession pour les rapports eros-thanatos, qui avaient accouchĂ© d’un excellent Tannhäuser Ă  l’automne 2005 in loco. Et cette fois encore, un panonceau prĂ©vient les spectateurs Ă  chacune des soirĂ©es de la Trilogie du diable prĂ©sentĂ©e par le Grand Théâtre : « quelques scènes pourraient ĂŞtre de nature Ă  heurter la sensibilitĂ© de certaines personnes Â».

    Car, fidèle à son credo, Py est tout naturellement un ardent défenseur des exhibitions de seins, torses, fesses, poils pubiens, vagins, testicules et autres pénis soigneusement sélectionnés, en accord avec sa représentation de l'abîme, des visions infernales et tentatrices, d’un univers de déchéance toujours connecté au sujet des ouvrages qu’il choisit de mettre en scène.

    Ainsi groupée sur trois soirées, cette trilogie, qui établit entre les ouvrages choisis – le Freischütz, la Damnation de Faust, les Contes d’Hoffmann – des ponts sur lesquels nous serons amené à revenir, présente seulement le risque d’une saturation de noirceur, de nudité, de violence, sans doute beaucoup plus digestes séparément.

    © Magali Dougados

    Moins audacieuse que la Damnation, la production du Freischütz souffre, compte tenu des multiples variations d’atmosphère du livret, d’une trop grande univocité. Les panneaux de bois noir qui forment, au gré des rotations d’une tournette, une scénographie en perpétuel mouvement, mais qui engendrent aussi un sentiment permanent de claustration, irriguent de bout en bout une lecture qu’enténèbre encore un rideau de scène aux allures de papier calque maculé de sang séché tout droit sorti de la série de films d’épouvante Saw.

    Mais comme trop de noir tue le noir, la scène fondamentale de la Gorge-aux-Loups est ainsi nivelée, privée de sa singularité et rate sa cible, par un manque paradoxal de glauque compte tenu de son entourage : une Agathe le visage couvert de sang au lever de rideau du II, comme défigurée par la chute du tableau qu’Ännchen tente de reclouer au mur ; la suffocante ambiance du début du III, censée laisser retomber la tension avant la scène finale.

    Dommage, car excellente était l’idée de l’armoire recelant les forces maléfiques, même si pendant l’orgie, le trémoussement nu des petits Nibelungen replets qui en surgissent fait plutôt sourire que frémir d’horreur. De même, l’humiliation dont est victime Max dans la scène initiale est de ces moments théâtraux qui donnent toujours du crédit au travail du metteur en scène, tout comme l’éclipse de lune sur la Cavatine d’Agathe, ou encore le dénouement, où la fofolle Ännchen, qui n’a pas envie de subir les lamentations de sa maîtresse pendant une année, se fait la malle avec Kilian, où enfin Samiel et l’Ermite s’installent à table pour régler leurs comptes au bras de fer.

    Un orchestre défait

    Une mise en scène imparfaite jusque dans ses excès, mais qui vaut assurément mieux que le consensus mou. Car le point noir de la production se situe dans la fosse, où l’on n’a pas souvenir d’avoir entendu l’Orchestre de la Suisse romande aussi défait – les cors notamment. En cause, la battue brouillonne et expédiée de John Nelson, dénuée de tout élan romantique intérieur et cantonnée dans une sonorité étriquée – les cordes – et des approximations de mise en place impardonnables un soir de dernière.

    Le plateau est également le plus moyen de la trilogie, dominé par le Max très engagé de Nikolaï Schukoff, dont l’allemand n’est pas le point fort – pourtant, comme son nom ne l’indique pas, le ténor est autrichien – mais dont la projection est idéale sur tous les registres, d’une franchise, d’une netteté qui en font un héros romantique crédible par sa vaillance comme par ses velléités.

    Tout aussi excellents, le Kuno wagnérien, au timbre qui est à lui seul une présence, du vétéran Peter Wimberger, et le roi Ottokar du tout jeune Rudolf Rosen, d’une magnifique morgue. Un cran en dessous, le Kaspar de Jaco Huijpen manque de mordant mais s’avère agile vocalisateur. Trop uniment baryton, le Kilian vocalement anonyme d’Alexander Puhrer a le mérite d’exister en scène, tandis que l’Ermite de Feodor Kuznetsov souffre comme nombre de ses compatriotes basses d’un disgracieux engorgement.

    Enfin, si le chant d’Ellie Dehn, souple mais typique de ces émissions sans énergie à la Denoke, vaut quelques jolis moments à une Agathe peu attentive au mot et sans aura mystique, l’Ännchen à la petite voix sans couleur et toute rentrée d’Olga Pasichnyk milite bien mal pour la cause des interprètes spécialisés dans le baroque qui tentent des incursions en territoire romantique.

    Au-delà de nombreuses insuffisances, tant au niveau scénique que musical, un spectacle qui interpelle jusqu’après le tomber de rideau, un peu à la manière des croassements du corbeau de la Gorge-aux-Loups qu’on pouvait entendre durant l’entracte dans toute l’enceinte du Grand Théâtre.




    Grand Théâtre, Genève
    Le 07/11/2008
    Yannick MILLON

    Premier volet de la Trilogie du diable au Grand Théâtre de Genève, avec le Freischütz de Weber mis en scène par Olivier Py et sous la direction de John Nelson.
    Carl Maria von Weber (1786-1826)
    Der Freischütz, opéra en trois actes (1821)
    Livret de Friedrich Kind

    Chœur du Grand Théâtre
    Chœur Orpheus de Sofia
    Orchestre de la Suisse romande
    direction : John Nelson
    mise en scène : Olivier Py
    décors et costumes : Pierre-André Weitz
    préparation des chœurs : Ching-Lien Wu & Krum Maximov

    Avec :
    Rudolf Rosen (Ottokar), Peter Wimberger (Kuno), Ellie Dehn (Agathe), Olga Pasichnyk (Ännchen), Jaco Huijpen (Kaspar), Nikolai Schukoff (Max), Feodor Kuznetsov (un Ermite), Alexander Puhrer (Kilian), Jean Lorrain (Samiel), Elisabeth Gillming, Iana Iliev, Mi-Young Kim, Mathilde Nicolaus (Quatre demoiselles d’honneur).

     


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