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CRITIQUES DE CONCERTS 16 octobre 2024

Récital du pianiste David Fray au Théâtre des Champs-Élysées, Paris.

Fascinante maturité

Donné au profit du Mémorial de la Shoah, ce récital de David Fray au Théâtre des Champs-Élysées confirme l’étonnante maturité et la forte personnalité de ce pianiste français de 27 ans. Un programme tout en contrastes mais d’une grande unité de pensée et d’une densité exceptionnelle. Une soirée magique où le pianiste semble réinventer la notion de silence.
 

Théâtre des Champs-Élysées, Paris
Le 17/11/2008
GĂ©rard MANNONI
 



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  • Aucun doute ne peut subsister. David Fray est bien l’une des personnalitĂ©s majeures non seulement de sa gĂ©nĂ©ration, mais du monde pianistique actuel. Si comme tous les autres, il domine de haut tout problème technique, il se situe en revanche aux antipodes de ceux – et ils sont nombreux – chez qui l’on admire d’abord une virtuositĂ© Ă©tourdissante.

    Avec David Fray, comme chez les très grands, la technique s’oublie. On l’oublie, vraiment, pour être emporté par le propos. Et ce propos interpelle, interroge, et ne vous lâche plus. On est saisi par sa profondeur, ses aspects inattendus, sa cohérence, son intelligence. Un exemple ? Le 1er Impromptu op. 90 de Schubert commence par un unisson, après lequel la mélodie principale et quasiment unique du morceau est exposée une première fois à nu.

    David Fray plaque ce sol en double octave et ensuite, silence, pendant plusieurs secondes qui semblent s’éterniser. Alors, de ce silence va émerger en un chant d’une poésie purement magique ce thème que l’Impromptu reprendra ensuite de mille manières. Toute la construction d’une lecture où le piano chante de façon aussi pudique que bouleversante va dérouler de cette approche intériorisée, mesurée, où la réflexion, un lyrisme dense d’une pureté unique mais bien lyrique quand même prend le pas sur toute autre considération.

    Ces Quatre Impromptus op. 90 seront tous abordés dans un climat de désenchantement intérieur absolument schubertien, même les 2e et 4e, qu’une écriture plus vive pousse souvent à traiter de manière festive. Ici, on reste, grâce à des accentuations, des couleurs très subtilement trouvées, dans une nostalgie irrémédiable, aussi explicite mais aussi contrôlée que celles du Voyage d’hiver ou de la Belle meunière.

    Le concert avait commencé par l’Adagio en si mineur K. 540 de Mozart, auquel le pianiste avait enchaîné dans la foulée la transcription du Doppelgänger de Schubert par Liszt. Ce Lied est l’un des plus sobres et des plus intenses du compositeur, d’une écriture presque minimaliste, et son climat s’avère d’une osmose spontanée et parfaite avec celui de l’Adagio le précédant, au point que certains spectateurs ne se rendent même pas compte que l’on a changé de compositeur, au point de croire que le Doppelgänger a été oublié…

    En deuxième partie, contraste comme les aime David Fray, avec d’abord le dernier Prélude et fugue du Clavier bien tempéré de Bach, tout en architectures arachnéennes, d’une sensibilité vibrante, suivi de la Sonate en si de Liszt, exemple suprême de l’écriture romantique aussi extravertie que ponctuée de moments d’introspection flirtant avec le silence. Ce silence, d’ailleurs, David Fray lui redonne toute sa valeur expressive tant il se situe chez lui comme une prolongation normale de la musique qu’il ponctue, annonce ou conclut toujours dans la logique de l’écriture et du propos.

    Déployée avec de grandes richesses sonores à la fois chatoyantes et sombres, expression de tempêtes intérieures dont les peintres du XIXe siècle nous ont laissé de si marquantes images, la sonate a atteint elle aussi une qualité d’interprétation de magistrale facture. Voilà bien une vraie grande nature de pianiste, d’interprète, totalement dans son époque, comme il sait à l’occasion le montrer, totalement aussi dans la plus foisonnante tradition de l’école française enrichie de multiples enseignements étrangers, mais surtout parfaitement originale, personnelle, chargée des signes prémonitoires de la plus passionnante carrière.




    Théâtre des Champs-Élysées, Paris
    Le 17/11/2008
    GĂ©rard MANNONI

    Récital du pianiste David Fray au Théâtre des Champs-Élysées, Paris.
    Mozart, Schubert/Liszt, Schubert, Bach, Liszt
    RĂ©cital David Fray, piano

     


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