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CRITIQUES DE CONCERTS |
11 décembre 2024 |
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Reprise de la Belle Hélène d’Offenbach dans la mise en scène de Mariame Clément, sous la direction d’Hervé Niquet à Angers Nantes Opéra.
Toujours aussi belle, Hélène
Stéphanie d'Oustrac (Hélène)
Deux ans après sa création à l’Opéra du Rhin, la Belle Hélène mise en scène par Mariame Clément surprend toujours par son inventivité constante, son refus de la facilité, son utilisation virtuose, jamais toc ni redondante, de la vidéo. Un grand spectacle donc, où l’astre de Stéphanie d’Oustrac brille de tout son éclat.
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Souvent, le souvenir magnifie, et revoir un spectacle que l’on avait tant aimé engendre la déception. Rien de tel avec cette Belle Hélène d’Offenbach reprise à Nantes et Angers deux ans après sa création à Strasbourg. Intacte, bien sûr, cette élégance qui est la griffe de Mariame Clément et de sa décoratrice et créatrice de costumes Julie Hansen. Intact, aussi, l’esprit des dialogues adaptés avec la complicité d’Hélène Delavault, et remis au goût du jour depuis certaine élection. Intacte, surtout, l’animation du plateau auquel Benoît Bénichou, assistant à la mise en scène pour la création, a su réinsuffler la saveur des premières fois.
Autres temps, autres mœurs : le Second Empire se moquait d’une Antiquité de pacotille, le XXIe siècle naissant lui trouve d’allègres correspondances dans le cinéma hollywoodien des années 1930. On y croise Garbo – n’était-elle pas, Vénus moderne, la Divine ? – et Pâris enlève Hélène en aéroplane, alla Howard Hugues. Mariame Clément, qui a fait ses classes en Allemagne, use assurément d’un concept dramaturgique qui induit inévitablement une transposition, mais ne dérive jamais vers un humour potache aux relents teutons, non plus que vers cette aridité dogmatique et misérabiliste du Regietheater qui condamne à une idée par spectacle.
Car dès lors que le concept n’est plus un refuge, il stimule une inventivité constante, qui sait prendre des chemins de traverse pour mieux surprendre, et toujours avec une finesse qui rend cette Belle Hélène bien supérieure – on le pensait déjà à la création, on n’en démordra plus – à celle de Laurent Pelly, dont il ne reste à vrai dire que le souvenir d’une habile juxtaposition de gags plus efficaces que subtils.
De la même manière, l’utilisation de la vidéo par Momme Hinrichs et Torge Møller, alias fettFilm, n’est jamais une fin en soi, parfaitement intégrée à un théâtre dont elle est souvent, par de multiples clins d’œil, le prolongement, parfois même le moteur. Et si c’était cela, une mise en scène vraiment moderne ?
Des courbes Ă faire tourner les tĂŞtes
Plus belle que jamais, Stéphanie d’Oustrac retrouve Hélène, qui est décidément ce qu’elle fait de mieux avec les héroïnes de tragédie lyrique, peut-être justement parce qu’elle met dans la déclamation un rien d’autodérision relevé d’un zest de Sarah Bernhardt et d’une pincée d’Arletty. La voix s’est encore épanouie, pulpeuse, sensuelle. Et comme si cela ne suffisait pas, des courbes qui font tourner les têtes – ces galbes que soulignent la soie et la mousseline, ces décolletés...
Tout aussi beau, tout aussi sculpté, tout aussi charmeur, avec un je ne sais quoi de Cary Grant dans le sourire de trois quart face qui assure l’authenticité hollywoodienne de son Pâris, Sébastien Droy émoustille par la fraîcheur du timbre et l’élégance d’une ligne, d’une diction à frissonner de plaisir.
Fabuleux en scène, Franck Leguérinel et Steven Cole collent à Calchas et Ménélas, tandis que François Harismendy s’efface derrière le souvenir de l’Agamemnon de René Schirrer. Quant à Caroline Fèvre, elle fait ce qu’elle peut de la tessiture impossible de cet enfant gâté d’Oreste qui, à l’instar de Nicklausse dans les Contes d’Hoffmann, coupe les voix en deux, finalement aussi ingrat à jouer qu’à chanter.
Qu’Hervé Niquet ait de l’humour, cela ne fait aucun doute : ses facéties sont bien connues, et son salut emperruqué à l’issue de cette dernière représentation en prolonge la liste. Il n’en reste pas moins que sa baguette, qui tend à surligner certaines fantaisies d’orchestration d’Offenbach, ne peut se départir d’une certaine lourdeur – à moins que l’acoustique du Quai n’empâte ainsi la fosse… Mais pas au point de diminuer l’effet euphorisant du spectacle !
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Le Quai, Angers Le 07/12/2008 Mehdi MAHDAVI |
| Reprise de la Belle Hélène d’Offenbach dans la mise en scène de Mariame Clément, sous la direction d’Hervé Niquet à Angers Nantes Opéra. | Jacques Offenbach (1819-1880)
La Belle Hélène, opéra-bouffe en trois actes (1864)
Livret d’Henri Meilhac et Ludovic Halévy.
Chœur d’Angers Nantes Opéra
Orchestre National des Pays de la Loire
direction musicale : Hervé Niquet
mise en scène : Mariame Clément (réalisée par Benoît Bénichou)
décors et costumes : Julia Hansen
éclairages : Hervé Audibert
vidéo : fettFilm (Momme Hinrichs et Torge Møller)
Avec :
Stéphanie d’Oustrac (Hélène), Sébastien Droy (Pâris), Steven Cole (Ménélas), François Harismendy (Agamemnon), Caroline Fèvre (Oreste), Franck Leguérinel (Calchas), Philippe Talbot (Achille), Vincent Karche (Ajax I), Éric Vrain (Ajax II), Christine Craipeau (Bacchis), Emmanuelle de Negri (Léœna), Eugénie Danglade (Parthœnis). | |
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