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CRITIQUES DE CONCERTS |
04 octobre 2024 |
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Reprise des Noces de Figaro de Mozart mises en scène par Nicholas Hytner, sous la direction de Roland Böer à l’Opéra du Rhin.
Vive la mariée !
Sophie Karthäuser (Susanna) et Ludovic Tézier (le Comte Almaviva)
Pas de surprise avec cette reprise des Noces de Figaro dans la production de Nicholas Hytner, esthétiquement superbe mais figée par un théâtre de conventions. Nulle révélation avec les débuts en France de Roland Böer, qui corsète le chant jusque dans les récitatifs. Ludovic Tézier n’en confirme pas moins sa suprématie sur le chant français, et Sophie Karthäuser sur Susanna.
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Reprises pour la deuxième fois à l’Opéra du Rhin, ces Noces de Figaro vues par Nicholas Hytner ont été créées au Grand Théâtre de Genève en 1999. Que reste-t-il aujourd’hui de leur théâtre de la lutte des sexes plutôt que de la lutte des classes ? Les superbes décors lambrissés de Maria Bjørnson, tout en perspectives et enfilades de portes uniment blanches que les éclairages de Simon Trottet teintent de leurs ombres discrètes.
Mais les onze arbres qui tiennent lieu de jardin au dernier acte sont une cruelle mise à nue : la vie s’évapore là où la convention s’immisce. Celle-là même que Christoph Marthaler brocardait dans sa mise en scène tant détestée des gardiens du temple du bon goût, ici à la fête, mais d’une insolence théâtrale réjouissante, en dépit de ses pesanteurs. On n’a pu s’empêcher de regretter l’improbable tango de Suzanne et du Comte au rythme de Crudel ! perchè finora en les voyant ainsi plantés à l’avant-scène, ne sachant trop que faire d’eux-mêmes au début du III.
La fosse n’est assurément pas étrangère à cette absence de fluidité entre les scènes, de naturel des situations. Roland Böer dirige Mozart sérieux et droit, rapide mais jamais allègre, sans vrai galbe, sinon dans la suspension finale exagérément alanguie de Contessa, perdono, et surtout sans respiration – ce que confirme son continuo pressé. L’Orchestre philharmonique de Strasbourg y perd souvent sa cohésion, et plus d’une double croche.
Dans sa Vendetta, René Schirrer, Bartolo trop sec de timbre, court tant après la mesure qu’il finit par la dépasser. La Marcellina de Jeannette Fischer, parfaite comme elle est dans tous les rôles de caractère, se voit gratifiée de son air, mais n’a pas le temps de le chanter…
Bien timbré, le Basilio de Loïc Félix verse dans la caricature que le rôle appelle, sans doute, mais pas à ce point, tandis qu’Anaïs Mahikian fait une Barbarina bien mieux que prometteuse – déjà une projection, des couleurs, un piano craquant et une présence, surtout.
Si Nuccia Focile a bien été, physiquement, une Rosine, elle est, vocalement, une ancienne Susanna, et même plutôt légère, c’est-à -dire sans la rondeur de timbre, l’extension pulpeuse, la sérénité d’émission qui lui permettraient d’assumer sans dureté ni relâchement du vibrato ces manières, ces couleurs de grand soprano lyrique à l’italienne dont elle tente de parer sa Comtesse.
Alors que Valentina Kutzarova se révèle trop mûre pour Cherubino, David Bizic fait un Figaro comme tant d’autres, sonore, efficace sur toute la tessiture, mais sans rien qui le distingue du Masetto, du Leporello qu’il pourrait chanter avec la même couleur, les mêmes accents de valet d’opera buffa.
Grand seigneur est en revanche le Comte tout de morgue de Ludovic Tézier, d’une aisance scénique nouvellement acquise, sans toutefois prétendre redessiner les contours du personnage, et de cette voix qui fait la gloire du chant français : timbre au grain dense et homogène sur tout l’ambitus, légèrement assombri peut-être, avec ce que cela peut avoir de conséquences sur la souplesse de la vocalise, ligne supérieure, legato hautement cultivé, le baryton est décidément l’héritier de la plus noble lignée.
Plus remarquable encore, Sophie Karthäuser chante comme elle parle, avec ce naturel inné qui est la marque des plus grandes. Nulle sophistication dans ces lignes d’une limpidité qui distillent leur subtilité infinie sans qu’on n’y prenne garde. La fluidité qui fait tant défaut à cette reprise, la soprano l’incarne à elle-seule par la fraîcheur du timbre, l’apparente spontanéité, la variété d’accents d’une Susanna à l’aune de laquelle toutes les autres seront désormais jugées.
Prochaines représentations les 26 et 29 décembre, 2 et 4 janvier à Strasbourg, les 16 et 18 janvier à Mulhouse, et le 25 janvier à Colmar.
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Opéra du Rhin, Strasbourg Le 22/12/2008 Mehdi MAHDAVI |
| Reprise des Noces de Figaro de Mozart mises en scène par Nicholas Hytner, sous la direction de Roland Böer à l’Opéra du Rhin. | Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791)
Le Nozze di Figaro, opera buffa en quatre actes (1786)
Livret de Lorenzo da Ponte d’après la Folle journée, ou le Mariage de Figaro de Pierre Augustin Caron de Beaumarchais.
Chœur de l’Opéra national du Rhin
Orchestre philharmonique de Strasbourg
direction : Roland Böer
mise en scène : Nicholas Hytner
reprise par Stephen Taylor
décors et costumes: Maria Bjørnson
Ă©clairages : Simon Trottet
Avec :
Ludovic Tézier (Il Conte di Almaviva), Nuccia Focile (La Contessa di Almaviva), David Bizic (Figaro), Sophie Karthäuser (Susanna), Valentina Kutzarova (Cherubino), Jeannette Fischer (Marcellina), René Schirrer (Bartolo), Loïc Félix (Don Basilio), Michel Lecomte (Don Curzio), Alain Domi (Antonio), Anaïs Mahikian (Barbarina), Karine Bergamelli et Dilan Ayata-Benet (Due ragazze). | |
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