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CRITIQUES DE CONCERTS 11 décembre 2024

Vêpres de la Vierge de Monteverdi mises en scène par Oleg Kulik et sous la direction de Christophe Spinosi au Théâtre du Châtelet, Paris.

VĂŞpres de l'homme-chien
© Marie-NoĂ«lle Robert

Sulfureux performer, le Russe Oleg Kulik est un as du marketing. Il s’est métamorphosé en mystique tibétain pour l’une des musiques les plus intensément spirituelles au monde : les Vêpres de la Vierge de Monteverdi. Des concerts cérémonieusement célébrés par un autre chien fou devenu sage, le chef Jean-Christophe Spinosi. Stupéfiant.
 

Théatre du Châtelet, Paris
Le 24/01/2009
Nicole DUAULT
 



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  • Quel tohu-bohu que ce spectacle ! Jamais les VĂŞpres de la Vierge n’avaient attirĂ© la fine fleur de la critique artistique. Le tout Paris jusqu’à Orlan, la femme Ĺ“uvre d’art au visage Ă©ternellement refabriquĂ©, Ă©taient prĂ©sents Ă  la première reprĂ©sentation, se congratulant Ă  coup de superlatifs autour d’un thĂ© noir venu du Tibet.

    Il est vrai que le metteur en scène efface, de loin, le génial auteur Claudio Monteverdi. Il n’y en a que pour le plasticien russe provocant et provocateur, Oleg Kulik. Son fait de gloire est un cliché qui a fait le tour du monde. On le voit nu, à quatre pattes, tenu en laisse par un autre homme nu. Il aboie et mord les passants.

    Exposée à la Fiac 2008, cette photo a été censurée pour atteinte à la dignité humaine et retirée de la de la manifestation. L’annonce du spectacle du Châtelet avait de quoi réjouir certains et épouvanter les autres. Une bataille d’Hernani entre anciens et modernes ? Le spectacle est tombé à plat comme un mauvais soufflé. Entre-temps, le provocateur Kulik s’était acheté une conduite dans les ordres mystiques tibétains et Jean-Christophe Spinosi, le plus audacieux, le plus créatif et le plus fou des baroqueux, ayant trouvé plus fou que lui, s’est réfugié dans l’orthodoxie musicale.

    Première : le Châtelet est entièrement aux couleurs de Kulik, depuis la façade ornée d’une bâche sur laquelle il a dessiné des créatures zoomorphes. La salle aux lumières voilées est éclairée par des néons rouges, puis parfois roses, verts ou bleus. Du lustre tombe une immense bâche transparente. Elle tourne au-dessus de la tête des spectateurs du parterre et accueille des projections laser de formes, de traits, de signes. Au fond de la scène, des miroirs renvoient d’autres formes tandis que des saltimbanques mi-hommes mi-animaux gesticulent.

    © Marie-Noëlle Robert

    Les musiciens de l’Ensemble Matheus sont sur la scène vêtus de tuniques blanches et rouges. Le plus curieux est la coiffure frangée, genre balayette, qui tombe sur les yeux. Le chef, Jean Christophe Spinosi, n’en revient pas. Qui d’autre que lui aurait accepté de diriger ses musiciens en leur tournant le dos et en faisant face au public ? Un grand miroir circulaire, rétroviseur géant, permet à l’orchestre de suivre les indications du chef.

    Les choristes et les solistes, eux aussi en tunique blanche ou rouge, sont éparpillés au second balcon, à l’orchestre, à la corbeille. Projections lumineuses, effets laser, tout cela épate le chaland. Mais souvenons-nous, Xenakis, Bob Wilson ont fait les mêmes choses voilà au moins trente ans. C’était alors novateur. Aujourd’hui, c’est ringard ! Certes l’univers de Kulik est intéressant, mais il doit donner d’autres preuves de sa créativité.

    Bravo en revanche à Spinosi ! Dans cette effervescence et ce tumulte, il ne perd pas le nord. Au contraire. Véritable girouette, se tournant avec la partition parfois face au public, à d’autres moments lui tournant le dos, il semble rester zen. Ce n’est pas d’habitude dans son caractère.

    Mais quand on a trouvé plus fou que soi, que reste-t-il ? La sagesse, l’harmonie, l’intelligence. Il a tout cela. Il communique ces vertus à ses solistes empêtres dans d’indéfinissables tuniques-soutanes. Son ensemble est magnifique et se joue des contraintes de la mise en scène. Il est le gagnant-gagnant de cette opération exubérante où l’on entend, quand même, un peu de la magie de Monteverdi…




    Théatre du Châtelet, Paris
    Le 24/01/2009
    Nicole DUAULT

    Vêpres de la Vierge de Monteverdi mises en scène par Oleg Kulik et sous la direction de Christophe Spinosi au Théâtre du Châtelet, Paris.
    Claudio Monteverdi (1567-1643)
    Vespro della beata Vergine (1610)

    Chœur du Châtelet
    Ensemble Matheus
    direction : Jean-Christophe Spinosi
    mise en scène et costumes : Oleg Kulik
    scénographie : Dan Kryutchkov
    conception sonore : Hermes Zygott

     


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