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CRITIQUES DE CONCERTS 16 avril 2024

Concert du Klangforum Wien sous la direction de Sylvain Cambreling à l’Opéra de Paris.

Le tort des absents

Luxueux programme de musique contemporaine à l'amphithéâtre de l'Opéra Bastille, avec des œuvres de Murail, Manoury, Levinas et Dufourt. Dirigé par Sylvain Cambreling, le Klangforum Wien fait des étincelles. Et pourtant, moins d'une centaine de personnes dans la salle alors que les plus grands noms de la création française sont à l'affiche.
 

Amphithéâtre de l'Opéra Bastille, Paris
Le 02/02/2009
Laurent VILAREM
 



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  • Maigrichonne affluence pour ce concert de musique contemporaine certes, mais qui affiche rien moins que les plus grands noms de la création française d'aujourd'hui. Comment alors expliquer pareille désaffection ? En niant que cette musique ait quoi que ce soit d'aride ou d'inutilement confrontant ? En affirmant qu'elle vous élève, aborde des territoires inconnus où il fait bon se perdre et se retrouver, qu'elle bouleverse même ?

    Dufourt, Levinas, Murail, Manoury, l'affiche faisait donc rêver. Et moins que l'ombre de Boulez, c'est davantage le spectre de Gérard Grisey, le grand disparu (en 1998), qui hante ce concert, tant ces compositeurs aujourd'hui quinquagénaires ont dû se situer par rapport à la musique spectrale.

    Alors, oui, le début d'Appels de Michael Levinas, la première pièce inscrite au programme, surprend et dérange. Un bruit blanc proche du souffle poursuivi par une trompette presque espagnole, et c'est ensuite un enchaînement de sonorités absolument invraisemblables, qui loin de toute considération musicologique, procure, pour ceux qui aiment être déstabilisé, une merveilleuse décharge d'énergie et de joie.

    Ce qui frappe avant tout dans ces Appels-là, ce sont les techniques instrumentales tout à fait inattendues dans lesquelles Levinas est passé maître. Comme ce micro qui tournoie autour d'un gong ou le son de ce cor projeté directement sur une caisse claire. Entourant l'auditeur d'un flot sonore à la manière d'une soufflerie, les Appels lancés s'engloutissent dans un cosmos plus grand dans les dernières mesures.

    Autre compositeur, cette fois strictement spectral – il est le fondateur de l'ensemble l'Itinéraire –, Tristan Murail, qui répand la bonne parole processuelle à l'Université Columbia de New York depuis plus de dix ans. La pièce présentée ce soir date de sa période américaine (2005), et s'inspirant de la phrase de Borges: « J'écris pour moi-même, pour quelques amis et pour adoucir le cours du temps Â».

    Et ce n'est que justice tant Pour adoucir le cours du temps, pour ensemble et sons de synthèse, a un fort impact émotionnel. Murail use ici d'un temps large à l'instar de la grande respiration électronique initiale. L’œuvre se gorge ainsi d'harmonies qui vont en se saturant et qui exhalent une pénétrante mélancolie. On pourrait dire de Murail, lui qui a mis en musique un lac, que ses harmonies s'écoutent comme on regarde les nénuphars pourrissants de Monet. Sublime interprétation du Klangforum Wien dirigé par Sylvain Cambreling.

    Comme Tristan Murail, Philippe Manoury est depuis 2004 un exilé volontaire puisqu'il enseigne la composition à l'Université de San Diego en Californie. Il est l'homme de chefs-d'œuvre tels Fragments pour un portrait ou la Partition du ciel et de l'enfer, comme de pensums musicaux dénués d'enjeux et de plaisir. À quelle catégorie appartiendrait ce Strange Ritual, daté de 2006 ?

    Plutôt à la seconde malheureusement tant l'idée d'un rituel immuable et anarchique inspire les tics habituels du compositeur : notes répétées, longues tenues de cordes suraiguës, antiphonies et forme corsetée dans des épisodes distendus par du remplissage. On y sent plus de savoir-faire que d'inspiration ou d'élan organique.

    Pour conclure ce concert, la pièce la plus ancienne du programme, Antiphysis de Hugues Dufourt, de 1978, qui a pour intéressant projet de priver son instrument soufflant « de sa vocation pastorale Â» pour privilégier « une flûte torride, âcre, emplie de la rumeur des villes Â». Le résultat impressionne par sa rigueur formelle et son ton délicieux, tour à tour péremptoire et poétique.

    Certes, cette soirée était davantage intéressante qu'exaltante, mais diantre, comment justifier ce frêle parterre d'initiés ? On ne peut s'empêcher de penser que le Klangforum Wien joue au même moment chaque soir à guichets fermés Yvonne à Garnier. On songe au renouveau baroque et au public capable de batifoler dans les subtilités les plus ardues du Grand Siècle. Est-ce grâce au renouveau de l'interprétation ?

    Alors, outre les parfaits ensembles comme le Klangforum Wien – dont il faut louer et relouer la qualité et l'exigence, jusque dans les véloces changements de plateau –, cherchez dans les programmes les noms du pianiste Wilhem Latchoumia, du violoncelliste Alexis Descharmes, de la chef Susanna Mälkki, de la soprano Barbara Hannigan, de la violoniste Carolin Widmann, et de tant d'autres encore. Loin d'être des musiciens spécialisés, ils vous feront rêver.




    Amphithéâtre de l'Opéra Bastille, Paris
    Le 02/02/2009
    Laurent VILAREM

    Concert du Klangforum Wien sous la direction de Sylvain Cambreling à l’Opéra de Paris.
    Michael Levinas (*1949)
    Appels
    Tristan Murail (*1947)
    Pour adoucir le cours du temps
    Philippe Manoury (*1952)
    Strange Ritual
    Hugues Dufourt (*1943)
    Antiphysis

    Klangforum Wien
    direction : Sylvain Cambreling

     


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