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CRITIQUES DE CONCERTS |
04 octobre 2024 |
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Reprise de l’Affaire Makropoulos de Janáček dans la mise en scène de Krzysztof Warlikowski et sous la direction de Tomas Hanus à l’Opéra de Paris.
Une affaire rondement menée
Angela Denoke (Emilia Marty)
Opéra complexe entre tous et d’autant plus passionnant et inhabituel, l’Affaire Makropoulos, avant-dernier chef-d’œuvre lyrique de LeoÅ¡ Janáček, ne parvient toujours pas à attirer en masse le public parisien en dépit d’une distribution idéale et d’une production des plus séduisantes et clarifiantes. Quel dommage !
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Autant l’on peut concevoir que certaines mises en scène de Krzysztof Warlikowski inquiètent car elles nécessitent une analyse qui se superpose à celle de l’œuvre et complique la tâche de l’auditeur-spectateur, même quand elles connaissent de remarquables réussites théâtrales, autant son travail sur l’Affaire Makropoulos ne peut que rendre plus simple la compréhension d’un ouvrage très complexe.
On comprend donc mal pourquoi le public parisien ne choisit pas en plus grand nombre cette occasion d’approcher une partition d’une beauté et d’un intérêt indéniables, réputée à juste titre difficile, mais mise en quelque sorte à la portée de tous dans ce remarquable spectacle. C’est d’ailleurs absolument le rôle d’une institution nationale à très gros budget comme l’Opéra de Paris de prendre ce genre de risque, quitte à ce que certains rangs restent vides.
Une structure privée ne peut se le permettre. Un Théâtre national se doit de ne pas avoir pour seul souci de faire recette en affichant à longueur d’année la Bohème, la Traviata, Don Giovanni et n’importe quel ouvrage baroque avec lequel on est sûr de faire salle comble jusqu’à ce que la mode passe.
L’un des points forts de la gestion Mortier aura été d’imposer envers et contre tout un répertoire, notamment du XXe siècle qu’il n’y a aucune raison de laisser exister seulement hors de nos frontière ou hors Paris. Dans le cas de l’Affaire Makropoulos, rappelons qu’une excellente production signée Pierre Médecin avait été vue il y a quelques années encore à Montpellier.
Pour l’heure, on retrouve la quasi totalité des chanteurs qui avaient défendu l’œuvre sur cette même scène en 2007. On sait que Warlikowski a pris le parti de raconter cette ténébreuse et assez perverse histoire qui tourne autour du thème de l’amour et de l’immortalité, ou tout au moins du désir d’amour et d’immortalité, dans le contexte d’Hollywood et de ses stars.
Deux d’entre elles, par les projections qui précèdent ou accompagnent l‘action, sont prises comme figures emblématiques : Marilyn Monroe et Gloria Swanson, la première plutôt dans sa vie privée, la seconde à travers les images de son ultime retour au cinéma dans le mythique Sunset Boulevard de Billy Wilder. L’une fauchée en plein gloire et en pleine jeunesse, l’autre interprétant sa propre décadence, mais aussi adulées en leur temps et immortelles encore l’une que l’autre.
L’idée est bonne et elle fonctionne, fournissant en outre des images belles ou attachantes, originales, très bien organisées, même si l’on peut pardonner à ceux que les immanquables lavabos à la Warlikowski agacent. Mais la plupart des grands metteurs en scènes ont leurs tics. Qui ne se rappelle les boîtes des opéras vus par Lavelli ou les incontournables japonaiseries de Bob Wilson ?
Le spectacle n’a pas pris une ride en deux ans, les chanteurs non plus. Angela Denoke, tellement plus à sa place ici qu’en Fidelio, est une Emilia Marty totalement convaincante vocalement et scéniquement. Tout comme Charles Workman en Albert Gregor, Vincent le Texier excellent en Jaroslav Prus ou Karine Deshayes en Krista, ou encore David Kuebler en VÃtek.
Un lot de chanteurs-acteurs qui donnent autant de vie théâtrale que musicale à un opéra dont les tenants et les aboutissants ne sont pas aisés à saisir si l’on n’aide pas un peu le spectateur, ce que Warlikowski réussit très bien ici, au lieu de brouiller les pistes comme il aime le faire parfois.
Tomas Hanus est de nouveau au pupitre avec la même efficacité, aidant aussi par une lecture vive, claire et remarquablement structurée à mettre en valeur toutes les beautés de ce très particulier chef-d’œuvre du répertoire du XXe siècle.
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