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CRITIQUES DE CONCERTS |
11 octobre 2024 |
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Nouvelle production de Mireille de Gounod mise en scène par Alain Garichot et sous la direction de Jean-Yves Ossonce à l’Opéra de Tours.
Plaidoyer pour Mireille
Fille du sud assurément – Marseille la reprend d’ailleurs ce mois-ci –, Mireille s’est vue longtemps toisée avec mépris au-delà du Rhône, réduite à la plus désuète expression de son régionalisme. Cette nouvelle production d’Alain Garichot, amoureusement dirigée par Jean-Yves Ossonce, marquerait-elle son retour en grâce ?
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Ces derniers temps, Mireille a beaucoup fait parler d’elle. D’aucuns y ont vu le symbole de cette nouvelle ère qu’elle inaugurera en septembre prochain à l’Opéra de Paris, dans une mise en scène de son nouveau directeur, Nicolas Joel, marquant en somme le retour, sur la première scène lyrique française, d’une certaine ringardise, bannie par les thuriféraires de la modernité à tout prix – nous en sommes – érigée en dogme par Gerard Mortier. Nous nous vantons certes – il n’y a sans doute pas non plus de quoi – de mépriser Faust et Roméo et Juliette, sans en nier certaines beautés éparses. Mais connaissions-nous Mireille ? Eh bien avouons-le, honteux, confus, et surtout repentant : non !
Grâce soit donc rendue à Jean-Yves Ossonce d’avoir insisté pour que nous venions la découvrir dans son théâtre. Lui, depuis toujours, du moins depuis qu’il lui a été présenté par Paul Ethuin, à l’épreuve de la fosse, l’aime, cette petite provençale, et la considère, comme tous ceux qui la pratiquent depuis un certain temps, comme le véritable chef-d’œuvre de Charles Gounod. Nous acquiesçons. Car le poème de Frédéric Mistral, dont Michel Carré a tiré le livret, revu et approuvé par le futur Prix Nobel de Littérature, a inspiré au compositeur une musique d’une finesse de touche incomparable, jusque dans la subtilité de la couleur locale.
Plus que la mélodie, si naturelle, attendrissante assurément, c’est l’orchestre qui fait l’ensorcelante beauté de la partition dès lors que s’y immiscent les superstitions et l’extase mystique même qui érige, dans un finale qui sans doute n’évite pas le pompiérisme, Mireille en martyr de l’amour et de la hiérarchie sociale. Amoureux, et garant, d’une certaine tradition française, Jean-Yves Ossonce n’a pas tranché dans le dédale des nombreuses révisions, présentant l’intégralité de la version de la création, reconstituée en 1939 par Henri Busser à l’initiative de Reynaldo Hahn. Superbement mené, l’Orchestre Symphonique Région Centre–Tours fait mieux que lui rendre justice, l’attention à la couleur, savamment détaillée, ne diluant jamais ses rythmes rutilants.
Inspirée par le jugement de Barbey d’Aurevilly, qui décelait dans le poème de Mistral « une pureté de galbe antique », la nouvelle production d’Alain Garichot rejette tout folklore, y compris dans les costumes de Claude Masson : pas une arlésienne traditionnelle en vue. De même, Nathalie Holt suggère et différencie chaque lieu avec une élégante sobriété en bleu et ocre, sur laquelle les lumières de Marc Delamézière font rejaillir la nature, jusqu’à ce soleil si brûlant du désert de la Crau, qu’il en devient noir dans le regard de Mireille.
Malheureusement, le metteur en scène n’a pas su, ou pu, unifier le geste des protagonistes, dont les tics rejaillissent sans cesse, de l’absence à la grandiloquence, ni conférer une quelconque tenue à des Chœurs qui, dans la farandole même, ne peuvent se départir d’une certaine balourdise, contredite par un enthousiasme vocal qui n’est cependant pas sans diluer le verbe.
Exclusivement francophone, la distribution est presque constamment intelligible – ce que souligne l’absence de surtitrage –, à une exception d’autant plus notable qu’il s’agit du rôle-titre. C’est même non sans nonchalance que Barbara Ducret évite les consonnes, particulièrement dans la scène de la Crau où pas un mot ne passe la rampe. Il est vrai que ses moyens généreux ne sont pas toujours dispensés à bon escient.
Le premier acte fait même craindre le pire, où la voix, comme hésitant entre plusieurs types d’émission, accuse une palette de vibratos allant du grelot de colorature léger au trémolo de soprano dramatique. Une fois canalisé, l’instrument n’en révèle pas moins d’inestimables qualités, chaleureux et éclatant, sinon juvénile, sur toute l’étendue, sans rien perdre de son étonnante souplesse dynamique.
Réfugiée dans la poitrine, et ailleurs douloureusement chancelante, Michèle Lagrange n’en distille pas moins d’infinies nuances qui auréolent Taven du mystère qui sied à ses pouvoirs prétendus occultes. Supérieurement français de style, d’émission, de ciselure de la phrase, le Belge Marc Laho fait un Vincent tout d’élégante réserve – le rôle, il est vrai, ne s’épanche guère –, ne claironnant jamais des aigus si gorgés d’harmoniques qu’ils s’élèvent parfois légèrement au-dessus de ce qu’ils devraient être.
Venu au chant relativement tard, Kristian Paul a ainsi laissé mûrir une de ces natures dont la France a, ou du moins avait, le secret : ces barytons à voix longues, faciles, qui sans jamais ternir l’insolente clarté d’un aigu inépuisable, ne manquent ni de creux, ni de gras. Magnifiquement investi et cultivé de ligne, son Ourrias est une révélation.
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Grand Théâtre, Tours Le 17/05/2009 Mehdi MAHDAVI |
| Nouvelle production de Mireille de Gounod mise en scène par Alain Garichot et sous la direction de Jean-Yves Ossonce à l’Opéra de Tours. | Charles Gounod (1818-1893)
Mireille, opéra en cinq actes (1864)
Livret de Michel Carré, d’après Mirèio de Frédéric Mistral.
Chœurs et Maîtrise de l’Opéra de Tours
Orchestre Symphonique Région Centre–Tours
direction : Jean-Yves Ossonce
mise en scène : Alain Garichot
décors : Nathalie Holt
costumes : Claude Masson
éclairages : Marc Delamézière
Avec :
Barbara Ducret (Mireille), Michèle Lagrange (Taven), Sabine Revault d’Allonnes (Vincenette), Sarah Szlakmann (Clémence / une Voix d’en haut), Marc Laho (Vincent), Kristian Paul (Vincent), Antoine Garcin (Ramon), Frédéric Bourreau (Ambroise), Pierre Barret (Andréloun), Yves Sautejeau (un Arlésien / le Passeur). | |
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