|
|
CRITIQUES DE CONCERTS |
09 décembre 2024 |
|
Il ne suffit pas de s'agiter devant son clavier comme si l'on dansait chaque note pour être Katia Labèque, ni de chanter à mi--voix chaque partition pour être Glenn Gould. Le petit ballet para- musical auquel se livre Fazil Say n'est pas seulement exaspérant et gênant, il détourne visiblement le pianiste de l'essentiel : interpréter aussi avec les doigts. Certes, ces doigts sont d'une grande agilité, comme tous ceux de cette génération de virtuoses, et toutes les notes de la sonate de Liszt sont bien là . Mais avons-nous pour autant entendu ladite sonate ? Fazil Say semble ignorer ce qu'est une construction d'ensemble. Ici, il joue au premier degré tous les aspects de l'écriture lisztienne les uns après les autres, sans lien ni structure d'ensemble. Ce n'est pas la Sonate en si mineur mais un peu d'Au bord d'une source, suivi d'un peu de Mephisto valse suivi d'un peu d' Harmonies du soir, le tout bâti sur deux nuances principales, fortissimo et pianissimo, en un contraste permanent qui ravit l'auditoire par son impression de trou d'air et que Rubinstein avouait pratiquer parfois sciemment, pour déchaîner les applaudissements. Forte ou piano, le son reste dur, généralement plat et l'analyse de la partition très linéaire. Quant aux sonates de Haydn et de Mozart qui occupaient la première partie du programme, elle n'ont bénéficié que d'un maniérisme excessif, accentué par une prédilection pour les notes sautillées et toujours ces deux mêmes nuances extrêmes. Même la Marche turque fut écrasée et malmenée, sans charme, sans cette fantaisie ni ces scintillements d'Enlèvement au Sérail qui ont fait sa célébrité. Il faut une très forte personnalité pour ne jouer que sur l'instinct, et un jeu beaucoup plus complet que celui que possède actuellement Fazil Say dans le domaine du phrasé, de la recherche du son et de la construction des plans, pour mener une carrière au niveau de renommée où des campagnes médiatiques bien orchestrées l'ont artificiellement placé. Un bien mauvais service rendu à un artiste qui vit sûrement la musique avec intensité, mais ne dispose pas à ce jour de tout ce qu'il faut pour le transmettre par le truchement d'un piano. Il n'est pas le premier à vivre pareille mésaventure !
| | |
|
Pavillon de Musique de la LĂ©gion d'Honneur, Saint-Denis Le 24/06/2000 GĂ©rard MANNONI |
| RĂ©cital de Fazil Say au Festival de Saint-Denis, France. | RĂ©cital Fazil Say, piano
Oeuvres de Haydn, Mozart et Liszt | |
| |
| | |
|