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CRITIQUES DE CONCERTS |
14 octobre 2024 |
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Première à Angers-Nantes Opéra du Tristan et Isolde de Wagner mis en scène par Olivier Py, sous la direction de John Axelrod.
Le challenge réussi d’Angers-Nantes Opéra
Leonid Zakhozaev (Tristan) et Alfred Walker (Kurwenal)
Le Tristan et Isolde selon Olivier Py, avec les époustouflants décors de Pierre-André Weitz, sensation du Grand Théâtre de Genève lors de sa création en 2005, est enfin repris avec une toute nouvelle équipe musicale et vocale à Angers et à Nantes. Un pari difficile, hautement gagné et qui fait honneur à une institution régionale digne d’un théâtre international.
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Parmi les nombreux Tristan présentés ces dernières années, trois productions ont été particulièrement marquantes : Peter Sellars à la Bastille, Patrice Chéreau à la Scala et Olivier Py à Genève, chacune proposant une vision très personnelle et totalement aboutie de l’ouvrage avec une sensibilité et une esthétique radicalement différentes.
Si Paris a affiché son Tristan trois fois et si Milan a donné le sien deux saisons consécutives, la reprise genevoise espérée par tous ceux qui avaient raté le spectacle en février 2005 – et malgré la présence d’un DVD rendant bien mal compte du spectacle – ne s’était jamais concrétisée.
Contre toute attente, trois scène en régions, Angers, Nantes et Dijon, auront relevé le formidable défi technique et artistique. À eux seuls, les gigantesques décors de Pierre-André Weitz posent des problèmes a priori insurmontables. Il faut à la fois les faire entrer sur un plateau suffisamment large et résoudre l’incroyable complexité d’innombrables changements à vue.
Non seulement le décor se déplace en permanence au I et se transforme continuellement au II, mais au III, un plan d’eau envahit la scène autour du lit de souffrance de Tristan. Alors que Karéol évoque irrésistiblement une Venise fantomatique, la mère ressuscitée par le délire du héros en agonie et l’enfant orphelin qu’il a été surgissent de la lagune et sont aspirés par les eaux à plusieurs reprises en référence avec le texte.
Quant à la transfiguration d’Isolde, elle trouve son aboutissement dans l’érection d’un phare hissant l’héroïne vers les profondeurs de la nuit éternelle tandis que la lumière aveuglante de projecteurs balaie la mer et la salle. Le plus dramatiquement convaincant est peut-être, au II, le duo d’amour qui se déroule dans la chambre d’Isolde, montrée tour à tour noire (la nuit), blanche (le jour), en flammes, murée, saccagée, en ruine et réduite à un tombeau envahi par la terre.
Ces différentes transformations, en enfilade, d’un lieu unique de passion amoureuse, illustrent magistralement les états d’âme des deux amants, en totale fidélité avec le livret. Un livret dont les préoccupations philosophiques correspondent bien à l’univers pessimiste d’Olivier Py, à ses habituelles et répétitives obsessions sur Éros et Thanatos. À ce titre, on peut être agacé par certains partis pris récurrents de tous ses spectacles : le noir et l’absence de couleurs, les échafaudages, les néons, par une approche trop intellectuelle, par des trucs qui finissent par détruire l’émotion. Peut-être ne faut-il pas avoir vu la totalité des opéras montés par Py ?
Le Quai d’Angers et la Cité Internationale des Congrès de Nantes possèdent des moyens techniques rares en France qui leur ont permis de résoudre des difficultés que la plupart des théâtres de l’hexagone, hors Paris, n’auraient pas pu surmonter, même si un décor coincé lors de la seconde représentation à Angers a provoqué une courte interruption du spectacle au moment de l’arrivée du roi Marke alors que toute la scène se transforme subitement.
Chapeau à la qualité de l’Orchestre national des Pays de la Loire, irréprochable de sonorités et d’intensité sous la direction de John Axelrod, abordant l’ouvrage avec bonheur. Une mention spéciale au magnifique cor anglais solo Jean-François Louis placé au chevet de Tristan, une des plus belles et émouvantes innovations de la production. Enfin et surtout, bravo au directeur Jean-Paul Davois pour l’homogénéité d’un plateau entièrement renouvelé et vocalement plutôt meilleur qu’à Genève.
Une Isolde très engagée
Vibrante Isolde de Sabine Hogrefe, très engagée, aussi à l’aise dans l’éclat du I que dans le lyrisme du II, mais dont la voix perd sa qualité dans la scène finale, après la longue interruption précédant le Liebestod. Excellent Siegfried dans le Ring du Mariinski, Leonid Zakhozhaev chante Tristan avec le même naturel et une facilité identique, sans jamais forcer des moyens plus légers que ceux d’un Heldentenor traditionnel. Avec le physique idéal du rôle et sa chevelure blonde, il est dommage qu’il ait tant de mal à s’intégrer dans une production qui lui reste étrangère.
Intense Brangäne de Martina Dike. On peut prédire une belle carrière au baryton Alfred Walker dont le superbe Kurwenal est une vraie révélation. Le joli timbre et la musicalité de Christophe Berry, successivement Marin et Pâtre, ne passent pas inaperçus. Enfin, Jyrki Korhonen, qui abordait le Roi Marke, convainc totalement à Nantes après une prestation assez pâle à Angers où il avait sans doute été déstabilisé par l’incident technique survenu au début de son monologue.
Reprise les 14 et 17 juin Ă l'Auditorium de Dijon
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Cité des Congrès, Nantes Le 26/05/2009 Monique BARICHELLA |
| Première à Angers-Nantes Opéra du Tristan et Isolde de Wagner mis en scène par Olivier Py, sous la direction de John Axelrod. | Richard Wagner (1813-1883)
Tristan et Isolde, drame musical en trois actes (1865)
Livret du compositeur
Chœur d’Angers-Nantes Opéra
Chœur de l’Orchestre national des Pays de la Loire
Orchestre national des Pays de la Loire
direction : John Axelrod
mise en scène : Olivier Py
décors et costumes : Pierre André Weitz
préparation des chœurs : Xavier Ribes & Valérie Fayet
Avec :
Leonid Zakhozhaev (Tristan), Sabine Hogrefe (Isolde), Martina Dike (Brangäne), Alfred Walker (Kurwenal), Jyrki Korhonen (Le roi Marke), Éric Huchet (Mélot), Christophe Berry (Un jeune marin / Un berger), Éric Vrain (un pilote). | |
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